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08/11/2023 | FRANCE | N°22-12433

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 novembre 2023, 22-12433


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 novembre 2023

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2018 F-D

Pourvoi n° U 22-12.433

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

L'Office des transports de la Corse, établi

ssement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-12.433 contre l'arrêt rendu le 22...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 novembre 2023

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2018 F-D

Pourvoi n° U 22-12.433

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023

L'Office des transports de la Corse, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-12.433 contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [K] [Z], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],

2°/ au Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de l'Office des transports de la Corse, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 22 décembre 2021), Mme [Z] a été engagée, par l'Office des transports de la région Corse, à compter du 18 novembre 1988. Elle occupait en dernier lieu les fonctions de rédacteur chef, catégorie B, 9e échelon, indice 519.

2. Elle est partie à la retraite en mai 2015.

3. S'estimant victime de discrimination et de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale, le 9 avril 2015, en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail et à titre indemnitaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a été victime d'une discrimination au visa de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, de le condamner à lui verser une somme au titre de ladite discrimination, alors :

« 1°/ qu'en relevant d'office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce qu'aurait été applicable au litige l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, conférant la qualité de lanceur d'alerte au salarié ayant relaté ou témoigné de bonne foi des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et non, comme le soutenaient les parties, ce même texte, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, en ce qu'il subordonnait la reconnaissance de la qualité de lanceur d'alerte au respect par le salarié des dispositions des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en tout état de cause, l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, doit être interprété conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dont il résulte qu'un acte motivé par un grief ou une animosité personnels ou encore par la perspective d'un avantage personnel, notamment un gain pécuniaire, ne justifie pas un niveau de protection particulièrement élevé et, partant, que la protection du lanceur d'alerte est nécessairement subordonnée au caractère désintéressé de l'alerte ; qu'en retenant au contraire que la question du caractère désintéressé de la démarche de la salariée aurait été indifférente à la reconnaissance de la qualité de lanceur d'alerte, la cour d'appel a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 et l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 1132-3-3, alinéa 1er du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 comme dans celle résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions n'est pas soumis à l'exigence d'agir de manière désintéressée et qu'il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

6. Le moyen est donc inopérant en sa première branche et mal fondé pour le surplus.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'employeur ne peut se voir imputer une discrimination fondée sur une alerte donnée par un salarié que s'il existe un lien de causalité entre l'alerte et la prétendue discrimination ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur sur le fondement de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, d'une part, qu'il n'aurait donné ‘'aucune justification objective à l'évolution de carrière de la salariée à compter de [l'alerte donnée par celle-ci]'‘ et, plus précisément encore, à son prétendu ‘'refus persistant relatif au passage de la salariée à l'indice 540 jusqu'à son départ à la retraite en mai 2015'', d'autre part, que ladite alerte aurait été constituée par la ‘'révélation relative à des faits objet d'une plainte pénale [?] déposée le 11 décembre 2014 pour des faits de faux et usage de faux en écriture publique'‘, constatations dont il résultait qu'il s'était seulement écoulé cinq mois entre la prétendue alerte et le départ en retraite de la salariée – ce qui ne pouvait caractériser un ‘'refus persistant'‘ de l'employeur de passer la salariée à l'indice 540 – et donc que l'alerte donnée par celle-ci le 11 décembre 2014 n'était pas en lien de causalité avec l'évolution de sa carrière entre cette date et celle de son départ à la retraite en mai 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 1132-3-3, alinéa 1er, dans sa version issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

9. Il résulte du second alinéa de ce même texte, qu'en cas de litige relatif à l'application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

10. La cour d'appel qui a constaté, d'une part, que la salariée avait déposé plainte pour faux et usage de faux en écriture publique, le 11 décembre 2014, à l'encontre de son employeur, faits dont elle avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, d'autre part, qu'elle s'est vue opposer un refus persistant de passage à l'indice 540 jusqu'à son départ à la retraite en mai 2015, a pu en déduire que les éléments présentés par la salariée laissaient supposer l'existence d'une discrimination.

11. Elle a ensuite estimé que l'employeur n'apportait pas la preuve que ce
refus d'élévation de la salariée était justifié par des éléments objectifs étrangers à l'alerte donnée.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Office des transports de la Corse aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office des transports de la Corse et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-12433
Date de la décision : 08/11/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 22 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 nov. 2023, pourvoi n°22-12433


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.12433
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