LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 novembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2010 F-D
Pourvoi n° F 22-10.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023
La société MJ synergie mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-10.167 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à M. [S] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société MJ synergie mandataires judiciaires, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 octobre 2021), M. [U] a été engagé en qualité de comptable à compter du 24 octobre 1994 par M. [B], mandataire judiciaire. Le contrat de travail a été transféré à la société [B] [T], à M. [T], puis à la société MJ synergie mandataires judiciaires (la société), le 1er juillet 2010. En dernier lieu, le salarié occupait un poste d'assistant technique autonome.
2. Après avoir été convoqué, par lettre du 13 juin 2016, à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave fixé au 23 juin suivant, avec mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave par lettre du 30 juin 2016.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen du moyen,
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave et de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied, au titre des congés payés afférents à la mise à pied, à titre de rappel de prime d'ancienneté afférente à la mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents au préavis, d'indemnité de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que dès lors que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été adressée au salarié dans un court délai à compter de la connaissance des faits par l'employeur et de leur vérification par ce dernier, et qu'elle a été assortie d'une mise à pied conservatoire, le délai écoulé entre la mise en oeuvre de la procédure de licenciement et la notification du licenciement ne peut avoir, à lui seul, pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, le salarié étant absent de l'entreprise durant cet intervalle ; qu'en l'espèce, après avoir eu connaissance des faits fautifs le 2 juin 2016, la société MJ synergie a convoqué M. [U] le 13 juin 2016 à un entretien préalable et lui a notifié dans le même temps sa mise à pied conservatoire ; qu'en jugeant que le licenciement de M. [U] ne reposait pas sur une faute grave au seul motif que ''la notification du licenciement le 30 juin 2016, soit quatre semaines après la découverte des faits, n'est pas compatible avec la qualification de faute grave retenue par l'employeur'', après avoir pourtant relevé que ''la société a convoqué et mis à pied à titre conservatoire le salarié le 13 juin 2016, soit huit jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits'', la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, par la convocation de ce dernier à l'entretien préalable, doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
6. Pour écarter la faute grave et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, l'arrêt retient, qu'alors que la société a convoqué et mis à pied à titre conservatoire le salarié, le 13 juin 2016, soit 8 jours ouvrables après avoir eu connaissance des faits et que l'entretien préalable a eu lieu le 23 juin 2016, la notification du licenciement le 30 juin 2016, soit quatre semaines après la découverte des faits n'est pas compatible avec la qualification de faute grave retenue par l'employeur, de sorte que le licenciement doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à retirer à la faute son caractère de gravité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour défaut de formation qualité, de sa demande de rappel proratisé de la prime de treizième mois, de sa demande de complément de salaire à compter du 23 juin 2016 et de ses demandes d'annulation de l'avertissement du 4 août 2012 et du blâme du 1er décembre 2015, la cassation des chefs de dispositif écartant la faute grave et condamnant l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire, ni d'indivisibilité avec les dispositions critiquées par le moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société MJ synergie mandataires judiciaires à payer à M. [U] les sommes de 1 316,35 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, 131,63 euros au titre des congés payés afférents, 217,19 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté afférente à la mise à pied, 8 013,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 801,33 euros au titre des congés payés afférents, 17 065,42 euros au titre de l'indemnité de licenciement et la condamne aux dépens et à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces, points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.