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25/10/2023 | FRANCE | N°21-25051

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 octobre 2023, 21-25051


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 octobre 2023

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 585 F-B

Pourvoi n° P 21-25.051

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 OCTOBRE 2023

M. [N] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le

pourvoi n° P 21-25.051 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

IJ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 octobre 2023

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 585 F-B

Pourvoi n° P 21-25.051

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 OCTOBRE 2023

M. [N] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-25.051 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 septembre 2021), un jugement du 17 juin 2003 a prononcé le divorce de M. [W] et de Mme [L], mariés sous le régime de la séparation de biens.

2. Le 28 octobre 2003, ceux-ci ont conclu un acte de partage stipulant l'attribution de l'immeuble indivis à M. [W] moyennant le paiement d'une soulte à Mme [L] et la reconnaissance par celle-ci d'une créance de celui-là envers l'indivision au titre du financement de travaux de réhabilitation de l'immeuble au moyen de ses deniers personnels.

3. L'immeuble ayant été cédé un an plus tard pour une somme supérieure à celle retenue à l'acte de partage, Mme [L] a assigné M. [W] en lésion.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que le caractère lésionnaire ou non du partage du 28 octobre 2003 doit s'apprécier à l'aune de la créance détenue par lui sur l'indivision telle que convenue par les parties à l'acte, soit 129 582 euros, de constater qu'au vu de l'estimation du bien par l'expert au jour du partage à 430 000 euros, Mme [L] a été lésée de ses droits de plus d'un quart par l'acte de partage du 28 octobre 2003, de dire que le supplément à l'acte de partage est de 116 099 euros et de le condamner au paiement de cette somme, alors :

« 1°/ que pour apprécier le caractère lésionnaire d'un partage, il convient d'avoir égard à la liquidation et au règlement d'ensemble des droits des copartageants ; que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis il doit lui en être tenu compte, selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur de ce bien se trouve augmentée au temps du partage ; que, eu égard au caractère d'ordre public de la rescision pour lésion du partage, les copartageants ne peuvent évaluer leurs créances respectives au nominal de la dépense et renoncer à l'appréciation au jour du partage, selon la plus-value apportée au bien ; que pour retenir que le partage litigieux était lésionnaire de plus du quart, la cour d'appel a constaté que les parties avaient, dans le partage critiqué, décidé que la créance de M. [W] au titre des travaux d'amélioration du bien qu'il avait financés serait retenue au nominal ; que la cour d'appel a ce faisant violé les articles 815-13 et 887, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que pour apprécier le caractère lésionnaire d'un partage, il convient d'avoir égard à la liquidation et au règlement d'ensemble des droits des copartageants ; que, pour apprécier la lésion, la cour d'appel a retenu que M. [N] [W] avait renoncé, dans le partage, aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ; que cette renonciation, consentie au moment du partage au regard de l'équilibre du partage tel qu'il avait alors été envisagé par les parties, ne pouvait être prise en compte s'agissant d'apprécier la lésion, au regard de l'ensemble des droits et créances des parties ; qu'en retenant la créance de travaux au nominal, la cour d'appel a violé les articles 815-13 et 887 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 815-13, alinéa 1, 887, alinéa 2, et 890 du code civil, ces deux derniers dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 :

5. Il résulte des deux derniers de ces textes que, pour apprécier le caractère lésionnaire d'un partage, il convient d'avoir égard à la liquidation et au règlement d'ensemble des droits des copartageants, en reconstituant, à la date de l'acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs estimés suivant leur valeur à l'époque du partage.

6. Selon le premier, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.

7. Pour décider que le caractère lésionnaire du partage litigieux doit s'apprécier à l'aune de la créance de M. [W] telle que fixée dans l'acte du 28 octobre 2003, soit à un montant de 129 582 euros, et constater que Mme [L] a été lésée de ses droits de plus d'un quart, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les parties ont mentionné expressément dans l'acte que, s'agissant de la créance de M. [W] au titre des travaux de réhabilitation effectués sur l'immeuble indivis, elles s'abstenaient de rechercher si ceux-ci avaient permis d'augmenter la valeur du bien, s'en tenant ainsi à la valeur nominale des dépenses faites.

8. En statuant ainsi, alors que, pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance détenue par M. [W] sur l'indivision devait être évaluée selon les modalités prévues à l'article 815-13 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions visées par le moyen entraîne la cassation de celle disant que les intérêts courant sur la somme de 116 099 euros et dus pour une année entière porteront intérêts à compter de la notification de la décision en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le caractère lésionnaire ou non du partage du 28 octobre 2003 doit s'apprécier à l'aune de la créance détenue par M. [W] sur l'indivision telle que convenue par les parties à l'acte, soit 129 582 euros, constate qu'au vu de l'estimation du bien par l'expert au jour du partage à 430 000 euros, Mme [L] a été lésée de ses droits de plus d'un quart par l'acte de partage du 28 octobre 2003, dit que le supplément audit acte dû par M. [W] à Mme [L] est de 116 099 euros, condamne M. [W] à verser à Mme [L] la somme de 116 099 euros, dit que les intérêts courant sur la somme de 116 099 euros et dus pour une année entière porteront intérêts à compter de la notification de la décision en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-25051
Date de la décision : 25/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PARTAGE - Lésion - Appréciation - Critères - Liquidation des droits des copartageants - Masse de calcul - Détermination

PARTAGE - Lésion - Existence - Eléments d'appréciation - Evaluation des biens indivis - Modalités prévues à l'article 815-13 du code civil INDIVISION - Partage - Lésion - Existence - Eléments d'appréciation - Evaluation des biens indivis - Modalités prévues à l'article 815-13 du code civil

Il résulte des articles 887, alinéa 2, et 890 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, que, pour apprécier le caractère lésionnaire d'un partage, il convient d'avoir égard à la liquidation et au règlement d'ensemble des droits des copartageants, en reconstituant, à la date de l'acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs estimés suivant leur valeur à l'époque du partage. Selon l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage. Dès lors, pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance détenue par un indivisaire sur l'indivision au titre de travaux effectués sur l'immeuble indivis doit être évaluée selon les modalités prévues par ce dernier texte et non selon le montant nominal des dépenses faites retenu par les parties dans le partage litigieux


Références :

Articles 815-13, alinéa 1, 887, alinéa 2, et 890 du code civil, ces deux derniers dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 septembre 2021

1re Civ., 18 mars 2015, pourvoi n° 14-10730, Bull. 2015, I, n° 59 (cassation partielle) ;

1re Civ., 5 mars 1991, pourvoi n° 89-18311, Bull. 1991, I, n° 84 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 oct. 2023, pourvoi n°21-25051, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.25051
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