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11/10/2023 | FRANCE | N°22-13288

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2023, 22-13288


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1028 F-D

Pourvoi n° Y 22-13.288

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [L] [E], domiciliée [Adresse

1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 22-13.288 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1028 F-D

Pourvoi n° Y 22-13.288

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [L] [E], domiciliée [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 22-13.288 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Charles traiteur prestige, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la Sarl Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Charles traiteur prestige, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2022), Mme [E] a été engagée en qualité de cuisinier extra par la société Charles traiteur prestige suivant plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 4 septembre 2012 jusqu'au 31 mars 2017.

2. La salariée a été victime d'un accident du travail le 16 octobre 2016 et n'a pas repris son emploi.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 25 janvier 2017 de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations déclaratives, alors :

« 1°/ que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles sont l'accessoire de celles soumises au premier juge, qu'elles en sont la conséquence ou le complément nécessaire ; que pour déclarer irrecevable la demande de réparation du préjudice lié à l'absence de déclarations par l'employeur et notamment la perte de droit aux allocations chômage et retraite, la cour d'appel a retenu que la salariée ''n'a pas formulé cette demande devant les 1er juges de telle sorte que cette demande nouvelle en vue de la réparation d'un préjudice distinct qui n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de la demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, est irrecevable'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la salariée se bornait à solliciter la réparation d'un préjudice distinct résultant du même manquement de l'employeur à ses obligations déclaratives, ce dont il résultait que la prétention n'était pas nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;

2°/ que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; que pour déclarer irrecevable la demande de réparation du préjudice lié à l'absence de déclarations par l'employeur et notamment la perte de droit aux allocations chômage et retraite, la cour d'appel a retenu que la salariée ''n'a pas formulé cette demande devant les 1er juges de telle sorte que cette demande nouvelle en vue de la réparation d'un préjudice distinct qui n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de la demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, est irrecevable'' ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si cette demande ne tendait pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

5. La cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la demande en indemnisation du préjudice lié à l'absence de déclaration par l'employeur et notamment la perte de droit aux allocations chômage et retraite ne tendait pas aux mêmes fins que la demande en indemnisation au titre du travail dissimulé soumis aux premiers juges et n'en était pas l'accessoire, la conséquence ni le complément nécessaire, en a exactement déduit qu'elle était irrecevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice lié à la minoration de la rente, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour dire irrecevable la demande tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la minoration de la rente, la cour d'appel a retenu que ''l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt mixte du 20 octobre 2020 concerne notamment le chef du dispositif relatif au débouté de la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation de l'employeur à un organisme de prévoyance'' ; qu'en statuant ainsi, quand dans son arrêt du 20 octobre 2020, la cour d'appel s'était bornée à débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation de l'employeur à un organisme de prévoyance sans se prononcer sur sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la minoration de la rente, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

8. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause.

9. Selon le second, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

10. Pour déclarer irrecevable la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la salariée pour minoration de la rente, l'arrêt énonce que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt mixte du 20 octobre 2020 concerne le chef du dispositif relatif au rejet de la demande de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation de l'employeur à un organisme de prévoyance, qu'il s'ensuit qu'est irrecevable la demande de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation à un organisme de prévoyance complémentaire et subsidiairement en réparation du préjudice lié à la minoration de la rente.

11. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de l'arrêt du 20 octobre 2020, il n'avait pas été statué sur la demande subsidiaire en indemnisation du préjudice lié à la minoration de la rente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en nullité du licenciement et subsidiairement à son absence de cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes, alors « que l'employeur qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement ; que pour dire que le contrat de travail de la salariée, suspendu en raison d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail survenu le 16 octobre 2016, ''est toujours suspendu et aucune rupture n'est intervenue'', la cour d'appel a retenu que ''le contrat de travail à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2012 de telle sorte que cette fiction juridique exclut de pouvoir considérer que la suspension du contrat à durée déterminée n'avait pas de conséquence sur le terme prévu (31 mars 2017) et que la rupture serait donc intervenue le 31 mars 2017'' ; qu'en statuant ainsi cependant que l'expiration du terme du contrat à durée déterminée matérialisait la rupture du contrat de travail de Mme [E], la cour d'appel a violé les articles L. 1226-19 et L. 1243-5 du code du travail. »

Réponse de la cour

Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail :

13. Selon ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

14. Les règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident.

15. Lorsque plusieurs contrats à durée déterminée sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement.

16. Pour débouter la salariée de sa demande en nullité du licenciement ou tendant à son absence de cause réelle et sérieuse, l'arrêt rappelle que le contrat de travail à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2012 de telle sorte que cette fiction juridique exclut de pouvoir considérer que la suspension du contrat à durée déterminée n'avait pas de conséquence sur le terme prévu et que la rupture serait intervenue le 31 mars 2017.

17. Il retient également que le contrat de travail était suspendu par l'effet de l'accident du travail jusqu'à une éventuelle visite de reprise, que la salariée n'établit pas ni ne soutient avoir informé son employeur de son invalidité de sorte que même si elle n'a pas manifesté sa volonté de reprendre le travail, elle ne peut reprocher à son employeur de ne pas avoir pris l'initiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle aurait mis fin à la suspension du contrat de travail.

18. En statuant ainsi, alors qu'en raison de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la cessation de la relation contractuelle, intervenue au terme du dernier contrat à durée déterminée en dépit de la suspension de ce contrat, s'analysait en un licenciement nul, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation prononcée en faveur de la salariée n'emporte pas cassation
des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, qui ne sont pas critiqués.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme [E] en indemnisation du préjudice lié à la minoration de la rente et en ce qu'il rejette la demande en nullité du licenciement ou tendant à son absence de cause réelle et sérieuse et les demandes subséquentes de Mme [E], l'arrêt rendu le 11 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Charles traiteur prestige aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Charles traiteur prestige et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-13288
Date de la décision : 11/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2023, pourvoi n°22-13288


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.13288
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