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11/10/2023 | FRANCE | N°21-24812

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2023, 21-24812


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

M. SORNAY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 1010 F-D

Pourvoi n° D 21-24.812

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

M. [K] [M], domiciliÃ

© [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-24.812 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

M. SORNAY, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 1010 F-D

Pourvoi n° D 21-24.812

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-24.812 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à l'association Musique municipale de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Musique municipale de [Localité 3], après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents M. Sornay, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 septembre 2021) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 24 mars 2020, pourvoi n° 18-22.778), M. [M] a été engagé en qualité de professeur de trompette par l'association Musique municipale de [Localité 3] (l'association), dans le cadre du dispositif chèque-emploi associatif, suivant contrat de travail à temps partiel du 21 avril 2008.

2. Contestant la légitimité de son licenciement intervenu le 28 avril 2015, il a, le 4 janvier 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et en paiement d'un rappel de salaire et d'indemnités de rupture.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa demande en requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet est irrecevable, car prescrite, subsidiairement mal fondée, alors « que commet un excès de pouvoir la juridiction qui statue au fond après avoir déclaré irrecevable l'action du demandeur à l'instance ; qu'en déboutant M. [M] de sa demande de requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein, après l'avoir déclarée irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, violant les articles 122 et 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

5. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

6. L'arrêt, après avoir déclaré irrecevable comme prescrite la demande formée par le salarié en requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, l'a déclarée subsidiairement mal fondée.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Énoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa demande en requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet est irrecevable, car prescrite, alors « que l'action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail, quinquennal avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et triennal ensuite ; qu'il s'ensuit, d'une part, que l'action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet se prescrit à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, d'autre part, que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que, pour déclarer prescrite la demande de M. [M], la cour d'appel a retenu que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à temps partiel en un contrat à temps plein fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'elle en a déduit que, le contrat de travail à temps partiel ayant été conclu le 21 avril 2008, la prescription de l'action en requalification de celui-ci en contrat à temps complet était acquise le 21 avril 2013 ; qu'en fixant ainsi le point de départ de la prescription au jour de la conclusion du contrat de travail à temps partiel, quand M. [M] était recevable en sa demande de rappel de salaire tant que ses demandes salariales en découlant n'étaient pas couvertes par la prescription de l'article L. 3245-1 du code du travail, ce dont il résultait que sa demande était - compte tenu de la saisine de la juridiction prud'homale le 4 janvier 2016 - recevable pour la période courant à compter du mois de janvier 2011, et qu'il était, en tout état de cause recevable en ses demandes de rappel de salaire au titre des trois années précédant la rupture du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail en ses rédactions successivement applicables, issues des lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et n° 2013-504 du 14 juin 2013, ensemble l'article 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. L'employeur conclut à l'irrecevabilité du moyen qu'il considère comme étant nouveau, voire contraire à l'argumentation en fait développée dans les conclusions d'appel du salarié.

10. Toutefois, étant de pur droit, le moyen est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 3242-1 et L. 3245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et l'article 21, V, de ladite loi :

11. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

12. Aux termes de ce texte, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

13. Selon le dernier des textes susvisés, les dispositions de l'article L. 3245-1 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

14. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

15. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, l'arrêt relève, d'abord, que les parties s'accordent sur le fait que l'action en requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est une action en paiement du salaire, soumise depuis la promulgation le 16 juin 2013 de la loi du 14 juin 2013 à la prescription de trois ans prévue à l'article L. 3245-1 du code du travail.

16. L'arrêt retient que l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à temps partiel en un contrat à temps complet est en fait soumise à la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du même code, s'agissant d'une action portant sur l'exécution du contrat de travail, indépendante de l'action en paiement des salaires qui peut en être la conséquence.

17. L'arrêt rappelle ensuite que ce délai de deux ans court aussi à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer, qu'avant son entrée en vigueur, cette prescription était de cinq ans par application de l'article 2227 du code civil, puis de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, et qu'une disposition transitoire de la loi du 14 juin 2013 a précisé que cette dernière était applicable aux prescriptions en cours à compter de la date de sa promulgation, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

18. L'arrêt retient enfin que, le salarié ayant introduit son action le 4 janvier 2016, la prescription de celle-ci était soumise à la loi nouvelle, car postérieure à sa promulgation et qu'il convient d'apprécier si, à cette date, cette prescription était déjà ou non acquise en fonction du jour où elle a commencé à courir, et qu'en l'espèce, c'est d'un contrat de travail conclu le 21 avril 2008 que le salarié demande la requalification pour non-respect des dispositions des articles L. 3123-14 et L. 3123-14-1 du code du travail, qui prévoient diverses mentions devant figurer dans un contrat de travail à temps partiel, et de celles de la convention collective nationale de l'animation, applicable aux contrats.

19. La cour d'appel en a déduit que, dès lors que le salarié a connu ou aurait dû connaître ces diverses dispositions dès la conclusion de son contrat de travail, il lui appartenait de demander sa requalification à raison de l'absence de mentions susceptible d'entraîner celle-ci, dans les cinq ans suivant la naissance de la relation contractuelle, soit avant le 21 avril 2013, et que la prescription de son action en requalification de son contrat en temps complet était donc largement acquise au jour où il a formé sa demande.

20. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription d'une action en paiement de salaires, fondée sur la requalification d'un contrat à temps partiel en contrat à temps complet ne court pas à compter de la date de conclusion du contrat mais à compter de celle à laquelle la créance salariale est devenue exigible, ce dont elle aurait dû déduire que l'action du salarié, introduite devant la juridiction prud'homale le 4 janvier 2016, était recevable et qu'elle pouvait porter sur des rappels de salaire dus à compter du 4 janvier 2011, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps complet, outre les congés payés afférents, limitant à certaines sommes les indemnités de rupture allouées au salarié, disant n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnant le salarié aux dépens d'appel, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande de M. [M] en requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps complet, le déboute de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire consécutif à cette requalification, outre congés payés afférents, limite le montant de l'indemnité de préavis allouée à la somme de 344,60 euros, outre 34,46 euros de congés payés afférents, et celui de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 241,20 euros, condamne M. [M] aux dépens d'appel, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne l'association Musique municipale de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Musique municipale de [Localité 3] et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et des articles 452,456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président et du conseiller rapporteur empêchés, en l'audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-24812
Date de la décision : 11/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 27 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2023, pourvoi n°21-24812


Composition du Tribunal
Président : M. Sornay (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.24812
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