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11/10/2023 | FRANCE | N°21-21054

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2023, 21-21054


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1015 F-D

Pourvoi n° U 21-21.054

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [X] [T], domiciliée [Adresse

1], a formé le pourvoi n° U 21-21.054 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1015 F-D

Pourvoi n° U 21-21.054

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [X] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-21.054 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Fiducial Staffing, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [T], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Fiducial Staffing, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 2021), Mme [T] a été engagée en qualité de chargée de recrutement par la société Orial, aux droits de laquelle se trouve la société Fiducial Staffing, à compter du 15 juillet 1997.

2. Le 28 septembre 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

3. La résiliation judiciaire de ce contrat a été prononcée à effet du 25 août 2014.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, de contrepartie obligatoire en repos, outre les congés payés afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, en affirmant, pour débouter Mme [T] de sa demande au titre des heures supplémentaires, que celle-ci n'étayait pas sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés, la cour d'appel, qui a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé les articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de ses demandes subséquentes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé, l'arrêt relève qu'elle soutient qu'elle accomplissait, dans le cadre d'une ‘‘fourchette basse'', selon ses propres dires, dix heures de travail au minimum par jour, soit cinquante heures par semaine. Il conclut qu'elle se borne à fournir une simple évaluation de la durée du travail et il retient qu'elle n'étaye pas sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, alors « que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il condamne l'employeur à payer à la salariée la seule somme de 8 000 euros net de CSG et CRDS à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif limitant le montant des dommages-intérêts alloués à la salariée pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité de non-concurrence, outre les congés payés afférents, alors « qu'en affirmant que les stipulations applicables au moment de la rupture du contrat de travail étaient issues d'un avenant en date du 13 janvier 1999 qui ne fixaient pas le montant de la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence, cependant qu'au jour de la rupture du contrat de travail, soit le 25 août 2014, la version du 13 janvier 1999 n'était plus en vigueur depuis 2003 dès lors qu'elle avait été remplacée par un avenant en date du 22 avril 2003 lequel a introduit une indemnité minimale obligatoire de 25% de la rémunération mensuelle perçue au cours des 24 derniers mois précédant le licenciement, la cour d'appel a violé la convention collective nationale des cabinets d'experts- comptables et de commissaires aux comptes, ensemble les articles L. 1221-1 et L. 2254-1 du code du travail et 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2254-1 du code du travail et 8.5.1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, dans sa rédaction issue de l'avenant du 22 avril 2003, étendu par arrêté du 2 janvier 2004 :

14. Aux termes du premier de ces textes, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

15. Selon le second, pour être valable, la clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie pécuniaire sous réserve d'un avenant pour les contrats de travail en cours. Le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois en cas de licenciement et à 10 % en cas de démission.

16. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence prévue par l'article 8.5.1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, l'arrêt retient, d'une part, que la rédaction des stipulations de l'article 8.5.1 de la convention collective expressément invoquées par la salariée est postérieure à la rupture de son contrat de travail, pour être issue d'un avenant du 11 juillet 2014, entré en vigueur le 9 septembre 2014 et étendu par arrêté ministériel du 23 février 2016, d'autre part, que les stipulations applicables au moment de la rupture du contrat de travail, issues d'un avenant du 13 janvier 1999, ne fixent pas le montant de la contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence.

17. En statuant ainsi, alors que l'article 8.5.1 de la convention collective, dans sa rédaction susvisée, issue de l'avenant du 22 avril 2003, instaurant une contrepartie financière de la clause de non-concurrence, était plus favorable que le contrat de travail qui n'en prévoyait pas et devait recevoir application, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation prononcée en faveur de la salariée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, qui ne sont pas critiqués.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [T] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, d'une contrepartie obligatoire en repos, outre les congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une contrepartie financière de la clause de non-concurrence, outre les congés payés afférents, et en ce qu'il limite à 8 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Fiducial Staffing aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiducial Staffing et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en l'audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-21054
Date de la décision : 11/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2023, pourvoi n°21-21054


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.21054
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