LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-84.199 F-D
N° 01282
GM
4 OCTOBRE 2023
IRRECEVABILITE
REJET
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 OCTOBRE 2023
MM. [X] [K] [J] et [G] [C] [Y], Mme [S] [U], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 7e section, en date du 27 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers, des chefs de meurtre aggravé, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance de non-lieu partiel du juge d'instruction, a renvoyé les intéressés devant la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis sous l'accusation respective d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les armes, et d'association de malfaiteurs, en récidive, et les a maintenus en détention provisoire.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, ampliatif et personnel, ainsi qu'un mémoire en défense, ont été produits.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocats de M. [X] [K] [J], M. [G] [C] [Y], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [S] [U] et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. [D] [U] est décédé des suites d'une blessure par arme à feu le [Date décès 1] 2020.
3. Les investigations ont révélé que la mort de [D] [U] pouvait être survenue à l'occasion d'une livraison, à ce dernier, de faux produits stupéfiants.
4. Une information a été ouverte des chefs de meurtre en bande organisée, association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes.
5. MM. [W] [A] et [X] [K] [J] ont été mis en examen de ces trois chefs, et M. [G] [C] [Y], des deux premiers.
6. Par ordonnance du 17 juin 2022, le juge d'instruction a prononcé un non-lieu du chef de meurtre en bande organisée à l'égard de MM. [K] [J] et [C] [Y], a requalifié les faits de meurtre en bande organisée en meurtre, et a renvoyé devant la cour d'assises, d'une part, M. [A], des chefs du crime de meurtre et des délits connexes d'infractions à la législation sur les armes et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation des délits de trafic de stupéfiants et d'escroquerie en bande organisée, en récidive, d'autre part, M. [K] [J] des deux derniers chefs, enfin, M. [C] [Y] du dernier chef.
7. Mme [S] [U], partie civile, a relevé appel de cette ordonnance.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 7 juillet 2023 par M. [K] [J]
8. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en a fait, le 4 juillet 2023, par l'intermédiaire de son avocat, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau, le 7 juillet suivant, contre la même décision.
9. Seul est recevable le pourvoi formé le 4 juillet 2023.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour Mme [U], et sur le premier moyen proposé pour MM. [C] [Y] et [K] [J]
10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen proposé pour Mme [U]
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le renvoi devant la cour d'assises, d'une part, de M. [A], des chefs de meurtre et d'association de malfaiteurs, d'autre part, de MM. [C] [Y] et [K] [J], du chef d'association de malfaiteurs, alors que les intéressés devaient tous trois, au regard des charges suffisantes réunies à leur encontre, être mis en accusation pour le crime d'extorsion précédé, accompagné ou suivi, soit de violences ayant entraîné la mort, soit de tortures ou d'actes de barbarie, prévu et puni par l'article 312-7 du code pénal.
Réponse de la Cour
12. Pour dire n'y avoir lieu à retenir la qualification d'extorsion précédée, accompagnée ou suivie de violences ayant entraîné la mort, l'arrêt attaqué énonce qu'il ne résulte pas de l'information que la remise d'argent par [D] [U] ait été déterminée par l'exercice de violences, lesquelles sont intervenues ensuite et pour une autre raison.
13. Les juges ajoutent, pour ordonner le renvoi de M. [A] devant la cour d'assises du chef de meurtre et dire n'y avoir lieu à suivre à l'égard de MM. [C] [Y] et [K] [J] du chef de meurtre en bande organisée, d'une part, que le premier nommé, sur les vêtements duquel ont été mises en évidence de nombreuses particules caractéristiques ou compatibles avec des résidus de tir, a été désigné par M. [R] [N] comme le tireur, et a lui-même admis s'être colleté avec la victime qui s'était alors elle-même blessée avec l'arme qu'elle avait exhibée, d'autre part, que les derniers nommés ont contesté toute implication dans la mort de [D] [U] et affirmé qu'ils ignoraient qu'une arme était à bord de leur véhicule.
14. Ils soulignent qu'aucun élément de la procédure n'accrédite la thèse selon laquelle M. [C] [Y] ou M. [K] [J] aurait pu être l'auteur du coup de feu mortel.
15. Ils précisent que les investigations n'ont pas permis de caractériser à leur égard des actes de provocation au crime ou d'instruction qu'ils auraient donnée à cette fin, ni d'aide ou d'assistance, alors qu'il a été établi que les éléments balistiques mortels ne correspondaient à aucune des armes saisies chez eux.
16. Ils retiennent, pour renvoyer MM. [C] [Y] et [K] [J] devant la cour d'assises du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de faits de trafic de stupéfiants et d'escroqueries, qu'il résulte des écoutes et des investigations téléphoniques, d'une vidéo-surveillance, des déclarations de deux témoins, de la découverte d'armes en possession de MM. [K] [J] et [A], que les intéressés appartenaient à une équipe qui, toujours armée, escroquait des trafiquants de drogue, et avait organisé une vente de faux stupéfiants à [D] [U].
17. En se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé souverainement l'existence de charges qu'elle a estimées suffisantes contre MM. [A], [C] [Y] et [K] [J], pour ordonner leur renvoi devant la cour d'assises sous les seules accusations, le premier, de meurtre et d'association de malfaiteurs, le deuxième, d'association de malfaiteurs, le dernier, d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les armes.
18. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
Mais sur le second moyen proposé pour MM. [C] [Y] et [K] [J]
Enoncé du moyen
19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné leur renvoi devant cette même cour d'assises pour y répondre des délits connexes de participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement, et pour M. [K] [J] de plus des délits de transport, détention et acquisition, sans autorisation d'une ou plusieurs armes, munitions ou un de leurs éléments essentiels de catégorie B, et d'avoir ordonné leur maintien en détention provisoire jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement, alors « que lorsque une personne mise en examen pour des faits criminels, est renvoyée, après disqualification, devant la cour d'assises pour délits connexes, sa détention provisoire prend fin à compter de sa mise en accusation devant cette cour d'assises, sauf si la chambre de l'instruction maintient ce placement en détention par un arrêt distinct de l'arrêt de renvoi et spécialement motivé ; que la chambre de l'instruction a donc l'obligation de statuer sur son maintien en détention provisoire par un arrêt distinct de celui prononçant son renvoi devant la cour d'assises pour lesdits délits connexes ; qu'en statuant par un seul et même arrêt en date du 27 juin 2023, par lequel elle a d'une part, ordonné le renvoi des exposants devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour délits connexes et d'autre part, ordonné leur maintien en détention provisoire, la chambre de l'instruction qui n'a pas statué par un arrêt distinct et motivé sur le maintien en détention provisoire des exposants, a violé les articles 179, 181, 214, 215, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 179, 181, 214 et 215 du code de procédure pénale :
20. Selon l'article 214 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale des personnes mises en examen à l'égard desquelles il existe des charges d'avoir commis une infraction qualifiée crime par la loi. Elle peut aussi renvoyer devant la juridiction criminelle les infractions connexes, en particulier les délits.
21. Selon l'article 215 du code précité, l'article 181 du même code est applicable, lorsque la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation.
22. Selon cet article 181, la détention provisoire des personnes renvoyées pour délit connexe devant la juridiction criminelle prend fin avec la décision de mise en accusation, sauf s'il est fait application du troisième alinéa de l'article 179 du même code.
23. Selon ce dernier texte, la personne renvoyée devant une juridiction de jugement peut être maintenue en détention par le juge d'instruction, par une décision distincte de l'ordonnance de renvoi et spécialement motivée.
24. Il se déduit de ces dispositions que la détention provisoire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf si elle est maintenue par un arrêt distinct et spécialement motivé.
25. En ordonnant, par l'arrêt attaqué, d'une part, le renvoi de MM. [C] [Y] et [K] [J] devant la cour d'assises pour des délits connexes, d'autre part, leur maintien en détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.
26. La cassation est, dès lors, encourue.
Portée et conséquences de la cassation
27. La cassation sera limitée au maintien en détention provisoire de MM. [C] [Y] et [K] [J], dès lors que leur renvoi devant la cour d'assises n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé le 7 juillet 2023 par M. [K] [J]
Le déclare IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par Mme [U]
Le REJETTE ;
Sur les pourvois formés le 4 juillet 2023 par MM. [C] [Y] et [K] [J]
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 27 juin 2023, mais en ses seules dispositions relatives au maintien en détention provisoire de MM. [C] [Y] et [K] [J], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.