La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2023 | FRANCE | N°22-17822

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 octobre 2023, 22-17822


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 982 F-D

Pourvoi n° B 22-17.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

M. [Z] [L], domicilié [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° B 22-17.822 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 982 F-D

Pourvoi n° B 22-17.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

M. [Z] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-17.822 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Bolzoni, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [L], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Bolzoni, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 23 février 2022), M. [L] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre, le 21 février 2011, par une société aux droits de laquelle vient la société Bolzoni.

2. Par un avenant du 1er juillet 2013, il a conclu avec celle-ci une convention de forfait stipulant 218 jours de travail dans l'année. Par un avenant du 1er janvier 2016, il a été promu au poste de product manager avec des fonctions itinérantes.

3. A la suite d'un malaise survenu son lieu de travail le 24 novembre 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'au 4 décembre 2018, date de la visite de reprise à l'issue de laquelle il a été déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise.

4. Par lettre du 21 décembre 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

5. La caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître que le salarié avait été victime d'un accident du travail et que sa maladie devait être prise en charge au titre d'une maladie professionnelle.

6. Le 2 octobre 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à dire le licenciement nul et à la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son inaptitude est imputable à l'employeur hors tout harcèlement moral et en conséquence, de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux produits, d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel n'a pas examiné l'absence du droit à déconnexion et l'absence de reconnaissance en termes de rémunération invoquées par le salarié à l'appui de sa demande formulée au titre du harcèlement moral subi aux motifs que sous couvert d'une action au titre du harcèlement moral, M. [L] entendait en réalité se plaindre de sa charge de travail et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité sous le prisme notamment du non-respect des obligations imposées par la conclusion d'une convention de forfait en jours ; qu'en statuant par ces motifs inopérants alors que les deux actions ne sont pas exclusives l'une de l'autre et qu'il lui appartenait de prendre en considération ces deux faits invoqués par le salarié au titre du harcèlement moral subi et de déterminer si pris dans leur ensemble, ils permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur justifiait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, alors qu'elle constatait la dégradation de l'état de santé du salarié démontrée par des certificats médicaux révélant une dépression nerveuse due à une pression au travail à l'origine d'une inaptitude professionnelle et que la société Bolzoni n'a pas veillé à la charge de travail du salarié et à son incidence sur sa vie privée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;

3°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt qui a jugé que M. [L] n'a pas été victime de harcèlement moral, entraînera par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt qui l'ont débouté de sa demande de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi et pour licenciement nul en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

8. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
9. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt retient d'abord, par motifs propres, que le salarié qui invoque sa surcharge de travail, l'imprécision de ses missions, l'accroissement de ses tâches, l'absence de droit à la déconnexion, son dénigrement, l'attitude injurieuse de la hiérarchie, le refus qui lui a été opposé d'accéder à une formation individuelle en informatique, l'absence de reconnaissance en termes de rémunération et son état de santé, entend, sous le couvert d'une action au titre du harcèlement moral, se plaindre de sa charge de travail et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité sous le prisme du non-respect des obligations imposées par la conclusion de la convention de forfait, ce qui ne saurait, dans ce contexte, relever d'un harcèlement moral, et qu'il n'y avait, par ailleurs, pas de moqueries mais une ambiance de travail propre aux plaisanteries, auxquelles le salarié a participé.

10. Ensuite, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le salarié n'établit pas la matérialité de la surcharge de travail alléguée, que s'il établit une liste de tâches potentielles, il n'apporte pas d'éléments relatifs à leur récurrence respective, ni d'éléments permettant d'établir la charge d'une semaine de travail standard donc ne permettant pas de démontrer une surcharge de travail effective de manière régulière, que la mise à l'écart et la dévalorisation caractérisées par le fait qu'il se serait vu imposer des déplacements volontairement inutiles ou des reproches systématiques ne sont corroborées par aucun élément matériel récent, à l'exception d'une attestation insuffisante à démontrer la réalité de la situation décrite et que le refus isolé d'octroyer une formation, qui n'a pas été accordée à d'autres salariés de l'entreprise, à la suite d'une première demande et pour des raisons budgétaires, ne saurait constituer un acte de harcèlement.

11. En se déterminant ainsi, sans prendre en compte, comme l'y invitait le salarié, l'absence de droit à la déconnexion, l'absence de reconnaissance en termes de rémunération et la dégradation de son état de santé, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation des chefs de dispositif ayant débouté le salarié de ses demandes de dire le licenciement nul et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes de dire le licenciement nul, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 23 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Bolzoni aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bolzoni et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-17822
Date de la décision : 04/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 23 février 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 oct. 2023, pourvoi n°22-17822


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.17822
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award