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04/10/2023 | FRANCE | N°22-17774

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 octobre 2023, 22-17774


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Cassation sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 988 F-D

Pourvoi n° Z 22-17.774

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

La société Total énergies SE,

dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Total SE, a formé le pourvoi n° Z 22-17.774 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Cassation sans renvoi

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 988 F-D

Pourvoi n° Z 22-17.774

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

La société Total énergies SE, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Total SE, a formé le pourvoi n° Z 22-17.774 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [N] [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Total énergies SE, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2022), Mme [I] a été engagée en qualité de fiscaliste France par la société Total énergies SE (la société) le 1er septembre 2002.

2. Elle a été déléguée du syndicat Sictame-UNSA de l'établissement « siège [Localité 3] » à compter de 2007 et, à compter de 2018, élue au comité social et économique de l'unité économique et sociale « siège [Localité 3] » et au comité social et économique de l'unité économique et sociale « Amont Global Services Holding » (AGSH).

3. Le 19 février 2020, deux membres du syndicat Sictame-UNSA Total, élus titulaires au CSE de l'UES AGSH [Localité 3], ont émis une alerte la concernant sur le fondement de l'article L. 2312-59 du code du travail.

4. La société a confié le traitement de cette alerte à une commission ad hoc qu'elle avait mise en place dès le 17 février 2020 pour faire la lumière sur les situations respectives de souffrance au travail, de harcèlement et de discrimination dénoncées par plusieurs salariés.

5. Se prévalant de la violation des dispositions de l'article L. 2312-59 du code du travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond le 12 mars 2021, aux fins de constater les manquements graves de l'entreprise constitutifs de harcèlement moral et de discrimination syndicale et d'enjoindre à la société de diligenter une enquête indépendante.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de constater que l'enquête diligentée à la suite de l'alerte concernant la salariée donnée en application des dispositions de l'article L. 2312-59 du code du travail n'est pas conforme aux exigences légales et de lui faire injonction de procéder à une enquête avec les représentants du personnel sur l'alerte la concernant pour être éclairés sur la réalité de l'atteinte portée aux droits de cette salariée et pour envisager éventuellement les solutions à mettre en oeuvre pour y mettre fin, alors « qu'en application de l'article L. 2312-59 du code du travail, ce n'est qu'en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de l'atteinte aux droits de la personne, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, que le salarié ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, peut saisir le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond ; qu'en déclarant l'action de la salariée recevable, après avoir pourtant relevé que celle-ci avait pour objet de contester les modalités de l'enquête déjà réalisée par l'employeur et d'obtenir une nouvelle enquête, ce qui ne relevait pas des prévisions de l'article L. 2312-59 du code du travail dès lors qu'il n'existait aucune carence de l'employeur ou divergence sur la réalité de l'atteinte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 2312-59 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2312-59 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 2312-59 du code du travail, en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

8. Pour dire l'action de la salariée recevable, l'arrêt constate d'abord l'existence d'une alerte émise par deux membres de la délégation du personnel au comité social et économique, ensuite que la salariée, en tant que salariée «signalée», était légitime à saisir le conseil de prud'hommes et enfin que sa demande d'ordonner une nouvelle enquête avait un objet.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait procédé à une enquête à la suite de l'alerte, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni carence de l'employeur, ni divergence sur la réalité de l'atteinte alléguée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE Mme [I] irrecevable en son action ;

Condamne Mme [I] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-17774
Date de la décision : 04/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 oct. 2023, pourvoi n°22-17774


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.17774
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