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04/10/2023 | FRANCE | N°22-13718

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 octobre 2023, 22-13718


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 977 F-B

Pourvoi n° R 22-13.718

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

1°/ Mme [J] [U], domiciliée [Adresse 2],
r>2°/ le Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° R 22-13.718 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 202...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 977 F-B

Pourvoi n° R 22-13.718

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

1°/ Mme [J] [U], domiciliée [Adresse 2],

2°/ le Syndicat national des journalistes, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° R 22-13.718 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige les opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, 6 moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [U] et du Syndicat national des journalistes, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2022), Mme [U] a été engagée en qualité de journaliste à compter du 1er janvier 1974 par l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) avec reprise d'ancienneté. La société France Télévisions (la société) vient aux droits de l'ORTF et de l'ensemble des sociétés ayant composé le service public de l'audiovisuel, en application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et notamment de la société Antenne 2 devenue France 2, finalement absorbée par la société devenue entreprise unique, dans laquelle la salariée a été affectée à compter du 1er janvier 1975. En dernier lieu, la salariée occupait les fonctions de rédacteur en chef d'une rédaction nationale, palier 2, la relation de travail étant régie par l'accord d'entreprise France télévisions du 28 mai 2013 depuis l'entrée en vigueur de celui-ci.

2. La salariée a par ailleurs exercé plusieurs mandats représentatifs et était notamment en dernier lieu déléguée syndicale centrale et déléguée syndicale d'établissement.

3. Le 9 mai 2016, invoquant notamment une discrimination syndicale et un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

4. Le 16 juin 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mise à la retraite, cet entretien s'étant tenu le 24 juin suivant. Le 6 juillet 2016, le comité d'établissement a émis un avis défavorable à ce projet de mise à la retraite.

5. Le 19 juillet 2016, l'employeur a sollicité l'autorisation de mettre la salariée à la retraite, laquelle lui a été délivrée par l'inspecteur du travail par une décision du 21 septembre 2016 désormais définitive en l'absence de tout recours.

6. Par lettre du 12 octobre 2016, la société a notifié sa mise à la retraite, au visa de l'article L. 1237-5 du code du travail, à la salariée qui avait atteint l'âge de 70 ans le 5 juin 2016. La salariée est sortie définitivement des effectifs le 31 janvier 2017 au terme du préavis de trois mois.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. La salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande tendant à condamner la société à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, alors « que si, lorsque la mise à la retraite d'un salarié protégé a été autorisée par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause l'appréciation par l'autorité administrative des conditions légales de la mise à la retraite et du rapport de cette mesure avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale du salarié, il demeure en revanche compétent pour vérifier si la décision de l'employeur est la résultante du harcèlement moral exercé par lui, cette vérification échappant au contrôle de l'inspecteur du travail ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de Mme [U] en paiement de dommages-intérêts pour perte d'emploi fondée sur la circonstance qu'elle avait été mise à retraite par l'employeur en représailles de son action en résiliation judiciaire pour harcèlement moral, à énoncer que l'inspection du travail avait autorisé la mise à la retraite de Mme [U] par une décision désormais définitive du 21 septembre 2016 et qu'il n'appartenait pas au juge judiciaire d'apprécier la validité ou la nullité de la décision de l'inspecteur du travail d'autoriser l'employeur à procéder à la mise à la retraite, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard des contestations de l'exposante invoquant la situation de harcèlement moral qu'elle avait subie et dont l'acte ultime était sa mise à la retraite en représailles de son action en résiliation judiciaire, il ne lui appartenait pas de vérifier si cette ultime décision de l'employeur n'était pas la résultante du harcèlement moral exercé sur la salariée, ce qui justifiait qu'elle retienne sa compétence pour statuer sur ce chef de demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

9. Lorsque la mise à la retraite a été notifiée à un salarié protégé à la suite d'une autorisation administrative accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. Toutefois l'autorisation administrative de mise à la retraite ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui serait résulté d'un harcèlement.

10. Dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de mettre à la retraite un salarié protégé, il appartient à l'administration de vérifier si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

11. Il s'ensuit que l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de mettre d'office à la retraite un salarié protégé qui a atteint l'âge légal de mise à la retraite d'office, soit 70 ans, fait obstacle à ce que ce salarié demande devant la juridiction prud'homale l'indemnisation de la perte d'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail fondée sur une cause objective, quand bien même le salarié invoquerait la décision de l'employeur de mise à la retraite au titre d'un harcèlement moral.

12. La cour d'appel qui a constaté, d'une part que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable à sa mise à la retraite le 16 juin 2016 après son soixante-dixième anniversaire intervenu le 5 juin 2016, d'autre part que l'inspecteur du travail avait, par décision du 21 septembre 2016 devenue définitive, autorisé la mise à la retraite de la salariée, a à bon droit débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [U] et le Syndicat national des journalistes aux dépens;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-13718
Date de la décision : 04/10/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Demande de l'employeur - Salarié ayant atteint l'âge légal - Indemnisation de la perte de l'emploi - Possibilité (non) - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Retraite - Mise à la retraite - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Demande de l'employeur - Motif invoqué - Atteinte de l'âge légal - Mise à la retraite d'office - Cause objective - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Conditions - Age - Atteinte de l'âge légal - Cause objective - Portée

Lorsque la mise à la retraite a été notifiée à un salarié protégé à la suite d'une autorisation administrative accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. Toutefois l'autorisation administrative de mise à la retraite ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui serait résulté d'un harcèlement. Dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de mettre à la retraite un salarié protégé, il appartient à l'administration de vérifier si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Il s'ensuit que l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de mettre d'office à la retraite un salarié protégé qui a atteint l'âge légal de mise à la retraite d'office, soit 70 ans, fait obstacle à ce que ce salarié demande devant la juridiction prud'homale l'indemnisation de la perte d'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail fondée sur une cause objective, quand bien même le salarié invoquerait la décision de l'employeur de mise à la retraite au titre d'un harcèlement moral


Références :

Article L. 1237-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 oct. 2023, pourvoi n°22-13718, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.13718
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