LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2023
Rejet
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 948 F-D
Pourvoi n° H 18-22.434
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 18-22.434 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2018 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à la société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, de Me Haas, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 juillet 2018), la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) ayant pris en charge, au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, l'affection déclarée par l'un de ses salariés (la victime), la société [3] (l'employeur) a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande tendant à ce que cette décision lui soit déclarée inopposable.
2. À la suite d'une procédure d'inscription en faux introduite par la caisse et autorisée par le premier président de la Cour de cassation par ordonnance du 5 février 2019, sur le fondement de l'article 1029 du code de procédure civile, la cour d'appel de Paris a, par décision du 21 septembre 2022, dit que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles est entaché de faux en ce qu'il mentionne que « bien qu'ayant signé l'avis de réception de la lettre de convocation, la caisse n'a pas comparu, n'a pas été représentée et n'a pas sollicité de dispense de comparution ».
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie déclarée par la victime au titre de la législation professionnelle, alors :
« 1°/ que, si en principe, lorsque la procédure est orale, les conclusions écrites d'une partie ne saisissent valablement le juge que si elles sont réitérées oralement à l'audience, en matière de contentieux général de la sécurité sociale, le juge peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience et l'autoriser à ne conclure que par écrit ; que par lettre en date du 25 mai 2018, transmise par le biais de la plateforme d'échange de documents Petra et reçue le jour même par la cour d'appel, la caisse a sollicité une dispense de comparution ; que si, en l'espèce, l'arrêt mentionne que « bien qu'ayant signé l'avis de réception de la lettre de convocation, la caisse n'a pas comparu, n'a pas été représentée et n'a pas sollicité de dispense de comparution », cette mention est inexacte, ainsi que la caisse le démontre dans le cadre d'une procédure de faux incident ; d'où il suit que l'arrêt attaqué doit être cassé en violation de l'article R. 142-20-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 446-1 du code de procédure civile ;
2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que devant la cour d'appel, la caisse avait sollicité, par une lettre motivée, une dispense de comparution et avait produit des conclusions dans lesquelles elle démontrait que la victime effectuait des travaux entraînant une hyper sollicitation de l'épaule droite avec décollement du bras droit par rapport au corps au-delà de 60° pendant plus de 3,5 heures en durée cumulée dans une même journée, ce moyen étant assorti d'éléments de preuves ; que si, en l'espèce, l'arrêt mentionne que « bien qu'ayant signé l'avis de réception de la lettre de convocation, la caisse n'a pas comparu, n'a pas été représentée et n'a pas sollicité de dispense de comparution », cette mention est inexacte, ainsi que la caisse le démontre dans le cadre d'une procédure de faux incident ; d'où il suit que l'arrêt méconnaît en tout état de cause le droit à un procès équitable tel que le consacre le droit interne, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Les dispositions de l'article R. 142-20-2 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, n'étant applicables qu'en première instance, la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel est soumise aux dispositions de l'article 946 du code de procédure civile.
6. Si, en application de l'article 946, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour ou le magistrat chargé d'instruire l'affaire qui organise les échanges entre les parties comparantes peut autoriser une partie qui en fait la demande à ne pas se présenter à une audience, conformément à l'article 446-1, tant qu'elle n'en a pas été dispensée, la partie est tenue de comparaître devant la cour d'appel pour soutenir oralement à l'audience ses prétentions et moyens.
7. L'arrêt relève que la caisse n'a pas comparu et n'a pas été dispensée de comparution.
8. De ces constatations, dont il ressort que la caisse n'avait pas été autorisée à formuler ses prétentions et moyens par écrit sans se présenter à l'audience, la cour d'appel a exactement déduit, sans méconnaître les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle ne pouvait examiner les moyens soulevés dans ses conclusions ni se fonder sur les pièces justificatives qui y étaient annexées.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.