LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 septembre 2023
Cassation
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 552 F-D
Pourvoi n° B 22-16.948
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 SEPTEMBRE 2023
M. [O] [V], domicilié [Adresse 4] (Fédération de Russie), a formé le pourvoi n° B 22-16.948 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Wine 1855 Inc, dont le siège est [Adresse 1] (Etats-Unis),
2°/ à la société Vinovi Trade Ltd, dont le siège est [Adresse 7] (Chine),
3°/ à la société Cap de France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Vinovi,
4°/ à M. [B] [L], domicilié chez Mme [J] [P], épouse [L], [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [V] du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Cap de France (anciennement dénommée Vinovi).
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2022), M. [V] a assigné devant une juridiction française M. [L], la société Vinovi (devenue Cap de France), la société Wine 1855 Inc, ayant son siège dans l'Etat du [Localité 5] (Etats-unis) et la société Vinovi Trade Ltd ayant son siège à [Localité 6] en paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les trois premiers moyens
Enoncé des moyens
3. M. [V] fait grief à l'arrêt de s'être déclaré incompétent au profit des juridictions des Etats-Unis d'Amérique, en tant que l'action était dirigée contre M. [L], alors :
« 1°/ que le juge est tenu de respecter l'objet du litige ; qu'au cas d'espèce, M. [L] contestait, non pas la compétence internationale des juridictions françaises, en tant que l'action était dirigée contre lui, mais l'incompétence matérielle de la juridiction commerciale, au profit de la juridiction de droit commun, dès lors qu'il n'avait pas la qualité de commerçant ; qu'en déclinant la compétence internationale des juridictions françaises à son égard, quand cette compétence n'était pas déniée, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'en l'espèce, dès lors que M. [L] n'avait pas, en tant que l'action était dirigée contre lui, dénié la compétence internationale des juridictions françaises, mais seulement la compétence matérielle de la juridiction commerciale, en relevant d'office l'incompétence internationale du juge français, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ en tout cas, qu'en ne donnant aucun motif justifiant l'incompétence internationale des juridictions françaises en tant que l'action était dirigée contre M. [L], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
4. M. [V] fait le même grief à l'arrêt, en tant que l'action était dirigée contre la société Wine 1855 Inc., alors :
« 1°/ que le juge est tenu de respecter l'objet du litige ; qu'au cas d'espèce, dans ses conclusions d'appel du 7 août 2019, la société Wine 1855 Inc., à la différence de M. [L] et de la société Vinovi Trade, ne soulevait aucune exception d'incompétence en tant que l'action était dirigée contre elle ; qu'en déclinant la compétence internationale du juge français à son égard, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'en l'espèce, dès lors que la société Wine 1855 Inc. n'avait pas, en tant que l'action était dirigée contre elle, dénié la compétence internationale des juridictions françaises, en relevant d'office son incompétence, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction en toutes circonstances ; qu'au cas d'espèce, aucun des intimés, et notamment la société Wine 1855 Inc., n'avait invoqué la circonstance que le courriel du 9 juin 2008, auquel était annexée la reconnaissance de dette, aurait été expédié depuis le [Localité 5], aux Etats Unis, pour contester la compétence internationale du juge français ; qu'en relevant ce point d'office, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, aucune des mentions de la pièce produite par M. [V] sous le n° 7 du bordereau annexé à ses conclusions d'appel du 22 mai 2019, soit le courriel adressé par la société Wine 1855 Inc. à M. [V] lui transmettant le courriel de Me Lapchin, avocat au barreau de Paris, auquel étaient annexés le certificat de détention du capital et la reconnaissance de dette, n'indique que ce courriel avait été envoyé depuis l'Etat du [Localité 5] aux Etats-Unis ; qu'en retenant, pour dénier sa compétence internationale, que la société Wine 1855 Inc. avait envoyé la reconnaissance de dette par courrier électronique du 9 juin 2008 depuis le [Localité 5], la cour d'appel a dénaturé cette pièce et, partant, violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. »
5. M. [V] fait le même grief à l'arrêt, en tant que l'action était dirigée contre la société Vinovi Trade, alors « que les jugements doivent être motivés ; qu'en l'espèce, en déclarant le juge français internationalement incompétent, en tant que l'action était dirigée contre la société Vinovi Trade, sans donner aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4, 16 et 455 du code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Aux termes du second texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
8. Selon le dernier texte, tout jugement doit être motivé.
9. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit des juridictions des Etats Unis d'Amérique, l'arrêt retient que la société Wine 1855 Inc, qui a rédigé une reconnaissance de dettes, est une société de droit américain ayant son siège social aux USA, dans l'Etat du [Localité 5] de sorte qu'en application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction compétente est celle du lieu du défendeur et que sont incompétents le tribunal de commerce et la cour pour connaître du litige.
10. En statuant ainsi, à l'égard de l'ensemble des intimés alors que seule la société Vinovi trade Ltd, ayant son siège à Hong Kong, avait soulevé l'incompétence internationale de la juridiction française, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de l'incompétence au profit des juridictions américaines et sans donner aucun motif à sa décision s'agissant des demandes formées contre M. [L] et la société Vinovi trade Ltd, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et sur le quatrième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne in solidum M. [L], la société Wine 1855 Inc, et la société Vinovi Trade Ltd aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.