LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 septembre 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 547 F-D
Pourvoi n° J 22-15.575
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 SEPTEMBRE 2023
La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-15.575 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [J],
2°/ à Mme [N] [I],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
3°/ à la société Martin, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société France Elec Industry,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes, de Me Occhipinti, avocat de M. [J] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 février 2022), le 19 juin 2015, M. [J] et Mme [I] (les acquéreurs) ont conclu avec la société Groupe France Elec Industry (le vendeur) un contrat hors établissement de fourniture et d'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque.
2. Le 30 juillet 2015, M. [J] a déclaré que les travaux étaient réalisés et qu'ils étaient conformes au bon de commande.
3. Le 17 septembre 2015, les acquéreurs ont souscrit auprès de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes (la banque) un crédit affecté au financement de cette installation.
4. Le 25 septembre 2015, le vendeur a transmis à M. [J] sa facture d'un montant de 26 900 euros.
5. Le 1er octobre 2015, les acquéreurs ont demandé à la banque de verser au vendeur une somme de ce montant. Le 13 avril 2016, le raccordement de l'installation au réseau électrique a été réalisé et le 27 mars 2017, les acquéreurs ont conclu avec la société EDF un contrat d'achat de l'énergie électrique produite par installation.
6. Le 11 octobre 2018, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire, M. [X] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
7. Les 15 et 14 novembre 2018, les acquéreurs ont assigné la banque et M. [X], ès qualités, en nullité des contrats de vente et de crédit affecté et en privation de la banque de sa créance en remboursement du capital emprunté.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, en tant que celui-ci est dirigé contre le chef du dispositif de l'arrêt qui condamne la banque à rembourser aux acquéreurs la somme de 14 292,72 euros correspondant aux échéances payées en exécution du crédit
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution du capital emprunté, alors « que si le prêteur qui a accordé un crédit affecté et qui a versé les fonds sans s'être assuré de la régularité formelle du contrat principal et de sa complète exécution peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution du capital, c'est à condition que cette faute ait causé un préjudice à l'emprunteur ; que dans le cas où le prêt a été souscrit postérieurement à l'exécution du contrat principal, le défaut de vérification de la régularité formelle du contrat est dénué de tout lien causal avec la défectuosité des travaux et l'insuffisance de rendement de l'installation qui en a été l'objet, ainsi qu'avec l'impossibilité d'obtenir réparation auprès du vendeur, placé en liquidation judiciaire ; qu'au cas présent, pour juger que la banque avait commis une faute en ne procédant pas aux vérifications auxquelles elle était tenue en tant que dispensateur de crédit affecté et la priver de sa créance de restitution du capital, la cour d'appel a retenu que l'installation photovoltaïque financée par le prêt affecté restait très en-deçà de la rentabilité prévue au contrat, que la mise en liquidation judiciaire du prestataire GFEI annihilait toute perspective de poursuivre le bénéfice de cette garantie, et que ce préjudice était en lien de causalité directe avec la faute de la Caisse en raison des insuffisances formelles du bon de commande qu'elle aurait dû relever ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le contrat de prêt affecté avait été conclu postérieurement à la réalisation des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
10. La résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
11. Pour rejeter la demande en restitution du capital emprunté formée par la banque, l'arrêt retient que le préjudice financier subi par les acquéreurs, dont l'installation de production d'énergie photovoltaïque ne leur assure pas la rentabilité garantie au contrat et qui ne peuvent agir contre le vendeur placé en liquidation judiciaire, est en lien de causalité directe avec la faute de la banque n'ayant pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
12. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi le préjudice subi par les emprunteurs, caractérisé par un défaut de rentabilité de leur installation, était en lien de causalité avec la faute de la banque ayant accordé le crédit affecté après l'exécution du contrat principal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation du chef dispositif qui rejette la demande en restitution du capital emprunté formée par la banque n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes aux dépens et disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par des dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône Alpes de sa demande de restitution du capital emprunté, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [J] et Mme [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.