LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2023
Rejet
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 880 F-D
Pourvoi n° K 22-15.484
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la société La Domaniale, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-15.484 contre l'arrêt du 7 octobre 2021, rectifié par arrêt du 17 février 2022, rendus par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [F] [I], veuve [E], épouse [N], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [I], veuve [E], épouse [N], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2021, rectifié le 17 février 2022), Mme [I], propriétaire du lot n° 33 au sein d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 1], bénéficie de la jouissance exclusive d'un espace situé sous une verrière. Celle-ci a été déposée le 7 décembre 2007 à l'occasion de travaux effectués sur l'immeuble.
2. Par un arrêt du 19 juin 2013, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a été condamné à « procéder à la repose d'un auvent ou verrière à l'identique de celui existant lors de sa dépose en décembre 2007 dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de six mètres de longueur sur trois mètres de profondeur », et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, courant à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la signification de l'arrêt.
3. Par un jugement du 31 mars 2015, cette astreinte a été liquidée pour la période du 10 novembre 2013 au 10 mars 2015.
4. Invoquant une inexécution persistante de son obligation par le syndicat des copropriétaires, Mme [I] a de nouveau saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte pour la période du 11 mars 2015 au 23 juin 2016 et de fixation d'une nouvelle astreinte.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches
Enoncé du moyen
6. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt rectifié de liquider l'astreinte à hauteur de 12 euros par jour pour la période du 11 mars 2015 au 23 juin 2016, de le condamner à payer à Mme [I] la somme de 5 652 euros à ce titre, de fixer à 100 euros par jour de retard la nouvelle astreinte due pour une durée de trois mois à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de l'arrêt, pour assurer l'exécution des travaux ordonnés par l'arrêt du 19 juin 2013, alors :
« 1°/ que le juge de l'exécution doit s'en tenir au dispositif de la décision juridictionnelle revêtue de l'autorité de la chose jugée lorsqu'il statue sur une demande en liquidation de l'astreinte, au motif de l'inexécution de cette décision ; que par un arrêt devenu définitif rendu le 19 juin 2013, la cour d'appel de Paris a condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] « à procéder à la repose d'un auvent ou verrière à l'identique de celui existant lors de sa dépose en décembre 2007 dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de 6 mètres de longueur sur 3 mètres de profondeur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, qui courra à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt » ; que pour liquider le montant de l'astreinte et prononcer une nouvelle astreinte, la cour d'appel a considéré que « l'exécution de l'arrêt ne se heurte pas à une impossibilité dès lors que la « repose d'un auvent ou verrière à l'identique » peut s'entendre de la repose d'un auvent ou verrière indépendant du mur mitoyen » et que « la solution en dernier lieu décrite souscrit aux exigences du titre exécutoire en répondant à la fois aux conditions d'emplacement et de taille précisées au dispositif de l'arrêt comme suit : « dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de 6 mètres de longueur sur 3 mètres de profondeur » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 19 juin 2013 en modifiant le dispositif de cette décision, et a violé l'article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 480 du code de procédure civile et l'article 1355 du code civil ;
2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans le dispositif de l'arrêt rendu le 19 juin 2013, la cour d'appel a condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] « à procéder à la repose d'un auvent ou verrière à l'identique de celui existant lors de sa dépose en décembre 2007 dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de 6 mètres de longueur sur 3 mètres de profondeur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, qui courra à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt » ; qu'en énonçant que « la solution en dernier lieu décrite souscrit aux exigences du titre exécutoire en répondant à la fois aux conditions d'emplacement et de taille précisées au dispositif de l'arrêt comme suit : « dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de 6 mètres de longueur sur 3 mètres de profondeur », la cour d'appel a dénaturé par omission le dispositif de l'arrêt rendu le 19 juin 2013 et a violé le principe susvisé ;
3°/ que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt : « Il ressort de l'examen des pièces produites que, à la suite de l'arrêt du 19 juin 2013, le syndicat des copropriétaires a lancé un appel d'offres et que, à l'issue, la proposition d'un auvent avec option « stadip », faite par l'architecte de la copropriété, M. [G], a été retenue par une résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 10 juin 2014, avec vote favorable de Mme [I] ainsi que le fait apparaître le procès-verbal versé aux débats. Le syndicat des copropriétaires a ainsi recherché une solution pour exécuter l'arrêt de la cour d'appel, qui n'était d'ailleurs pas la moins coûteuse, bien au contraire, puisque l'option Stadip ou vitrage Securit avait été privilégiée par rapport à celle du polycarbonate estimé « bas de gamme ». Mais l'architecte [G], dans une lettre du 19 février 2015, a constaté, à réception de l'étude réalisée par un bureau d'études techniques, que la réalisation de l'auvent à l'identique muni d'une couverture en vitrage Stadip n'était pas possible en raison de l'évolution des normes depuis la construction de l'auvent déposé et de l'état du mur très ancien auquel il était fixé. Ces réserves ont été explicitées de manière détaillée par le courrier de l'ingénieur de structure du bureau d'études techniques Alpha Omnium Technic adressé le 5 mars 2015. Par la suite, un rapport a été établi le 9 mai 2016 par le bureau d'études techniques Veritas, constatant également la dégradation du mur mitoyen (effritement du mur, friabilité des moellons par endroits) et sa faible résistance par rapport aux efforts de traction, concluant qu'il « serait très difficile de justifier la capacité du mur à reprendre des efforts de traction dus au maintien en porte-à-faux de la structure de l'auvent dans son état actuel ». Enfin, le nouvel architecte de la copropriété, M. [S], a confirmé que « le mur mitoyen avec la copropriété n'était pas apte à supporter un ouvrage important suspendu engendrant un phénomène de traction, la résistance de la maçonnerie étant très faible » ; qu'il s'évince encore de ces motifs que « ces différents avis et rapports divergents, versés aux débats par les parties, traduisent la réalité des difficultés auxquelles s'est heurté le syndicat des copropriétaires mais aussi que les objections des hommes de l'art tiennent aux perspectives de fixation de l'auvent dans le mur mitoyen » ; qu'en énonçant néanmoins que « si le syndicat des copropriétaires s'est heurté à des difficultés techniques réelles pour exécuter l'arrêt du 19 juin 2013, il ne s'agit pas d'une impossibilité caractérisant une cause étrangère » quand les objections techniques majeures confirmées par les différents avis, études et rapports caractérisaient une cause étrangère mettant en évidence l'existence d'une impossibilité d'exécution, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
5°/ que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; qu'en énonçant que le syndicat des copropriétaires lui-même se prévaut désormais d'un rapport d'audit de faisabilité établi par le bureau d'études techniques Duberseuil, spécialisé en charpentes métalliques, qui préconise précisément la construction d'un nouvel auvent indépendant du mur, composé de poteaux métalliques encastrés dans le sol, en sorte d'éviter les perturbations nuisant à la pérennité du mur qu'occasionneraient les efforts de charges et de réactions horizontales engendrées par un auvent scellé dans le mur mitoyen », la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, l'appréciation du bien-fondé de la demande de Mme [I] en liquidation d'astreinte et aux fins de voir prononcer une nouvelle astreinte devant s'opérer au regard de la seule question de l'impossibilité technique de procéder « à la repose à l'identique d'un auvent ou verrière à l'identique de celui existant lors de sa dépose en décembre 2007 dans le prolongement direct du lot n° 33, d'une taille de 6 mètres de longueur sur 3 mètres de profondeur », chef de la décision rendue le 19 juin 2013 par la cour d'appel de Paris assorti d'une astreinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt retient qu'un auvent ou une verrière « identique » à celui déposé en 2007, qui était fixé au mur de l'immeuble, peut s'entendre comme étant indépendant de ce mur, composé de poteaux encastrés dans le sol, dès lors qu'il se situe dans le prolongement direct du lot n° 33 et mesure six mètres de longueur sur trois mètres de profondeur.
8. Il relève que le syndicat des copropriétaires s'est heurté, pour fixer un nouvel auvent sur le mur de l'immeuble, à la dégradation de l'état de ce mur et l'apparition de nouvelles normes. Il ajoute que ces éléments ne faisaient pas obstacle à la construction d'un nouvel auvent indépendant du mur, fixé sur des poteaux encastrés dans le sol.
9. Il en déduit que si le syndicat des copropriétaires a rencontré des difficultés réelles pour exécuter son obligation, il ne s'est pas heurté à une impossibilité de le faire.
10. En l'état de ces énonciations et constatations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, procédant à une interprétation du sens et de la portée du dispositif de l'arrêt du 19 juin 2013, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, a retenu que les difficultés rencontrées par le syndicat des copropriétaires pour exécuter son obligation ne constituaient pas une cause étrangère, et a liquidé l'astreinte au montant qu'elle a fixé.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société La Domaniale, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic la société La Domaniale, et le condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.