LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 644 F-D
Pourvoi n° V 22-10.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023
1°/ M. [X] [F],
2°/ Mme [Y] [G], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ M. [D] [F], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° V 22-10.410 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [C] [J], veuve [P], domiciliée [Adresse 4] (Allemagne),
2°/ à Mme [O] [P], domiciliée [Adresse 8]),
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [F] et de M. [D] [F], de la SCP Spinosi, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 octobre 2021), Mmes [C] et [O] [P] (Mmes [P]) sont propriétaires indivises des parcelles cadastrées section [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 6], cette dernière étant limitrophe de celle cadastrée [Cadastre 7] appartenant à M. et Mme [F] et M. [D] [F] (les consorts [F]).
2. Soutenant que leurs parcelles étaient enclavées, Mmes [P] ont assigné les consorts [F] en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage et en fixation de l'assiette par prescription acquisitive.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de dire que Mmes [P] bénéficient, par l'effet de la prescription acquisitive, de l'assiette de la servitude de passage exercée à pied et avec tout véhicule terrestre à moteur sur la parcelle [Cadastre 7], en longeant celle-ci sur toute sa partie ouest, sur l'actuel chemin matérialisé d'une largeur de quatre mètres, depuis la voie communale jusqu'à la parcelle [Cadastre 6] leur appartenant et le long de celle-ci, pour accéder à leur propriété délimitée par les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 6], alors « que l'assiette d'une servitude de passage ne peut être acquise par trente ans d'usage continu qu'en cas de possession non équivoque à titre de propriétaire ; qu'en conséquence, la prescription acquisitive ne saurait être admise lorsque l'usage du chemin peut s'expliquer par d'autres raisons que l'intention de se comporter comme le titulaire d'un droit de passage ; qu'en l'espèce, les consorts [F] faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que la situation avait toujours été équivoque compte tenu du fait que la commune et le médiateur de la République avaient affirmé que le chemin emprunté par les consorts [P] était un chemin communal et donc que les consorts [P] n'avaient jamais utilisé ce chemin de façon non équivoque ; que dès lors, en se contentant d'affirmer, par adoption des motifs des premiers juges, que « la présence de l'agencement eau-chaussée-chemin apparaît stable et constante sur une durée de 44 ans, soit de 1972 à 2016 » et qu'« il y a lieu en conséquence de considérer que Mmes [P] ont prescrit, par trente ans d'usage continu, l'assiette de la servitude de passage exercée à pied ou en véhicule sur la parcelle [Cadastre 7] », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les consorts [P] avaient emprunté le chemin de manière non équivoque en qualité de titulaire d'un droit de passage et non en qualité d'utilisateur d'un chemin communal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 685 et 2261 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté, par motifs propres, que les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 3] et [Cadastre 6] étaient enclavées, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que le passage permettant d'y accéder, réalisé au début du vingtième siècle, s'était toujours effectué sur un chemin situé sur la parcelle [Cadastre 7], et qu'à la suite de la création d'un étang sur la parcelle [Cadastre 6], l'agencement « eau-chaussée-chemin » permettant l'exercice du passage était resté inchangé entre 1972 et 2016.
6. Caractérisant ainsi la possession par Mmes [P] et leurs auteurs, sur une période de plus de trente ans, de l'assiette d'une servitude de passage grevant la parcelle des consorts [F], la cour d'appel a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [F] et M. [D] [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [F] et M. [D] [F] et les condamne à payer à Mme [C] [P] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.