LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2023
Rejet
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 863 FS-B
Pourvoi n° M 21-22.197
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023
La société Monceau retraite et épargne, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° M 21-22.197 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle générale, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [O] [W], veuve [H], domiciliée [Adresse 6],
3°/ à M. [J] [H], domicilié [Adresse 3],
4°/ à Mme [R] [H], domiciliée [Adresse 1],
5°/ à la société Kervilly, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Monceau retraite et épargne, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Mutuelle générale, de la SCP Richard, avocat de Mme [W], veuve [H], de M. [J] [H], de Mme [R] [H] et de la société Kervilly, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, M. Ittah, M. Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 juin 2021), la société Kervilly a souscrit à compter du 1er janvier 2003 un régime de prévoyance auprès de la société Monceau retraite et épargne (la société Monceau) afin de couvrir ses salariés cadres supérieurs au titre des garanties décès et perte totale et irréversible d'autonomie. Les risques incapacité de travail et invalidité étaient garantis par un contrat souscrit par l'employeur auprès d'un autre assureur.
2. La société Monceau a résilié le contrat à compter du 1er janvier 2013 et la société Kervilly a souscrit, à compter de cette date, un contrat de prévoyance auprès de la société Mutuelle générale.
3. [Y] [H], directeur d'un hypermarché exploité par la société Kervilly, a été placé en arrêt maladie à compter du 10 juin 2011 jusqu'à son décès le 28 octobre 2013.
4. Les sociétés Monceau et Mutuelle générale ayant refusé de garantir le décès de [Y] [H], son épouse, Mme [O] [H], et ses enfants, M. [J] [H] et Mme [R] [H] (les consorts [H]) les ont assignées devant un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Monceau fait grief à l'arrêt de la condamner à prendre en charge les conséquences du décès de [Y] [H] au titre du contrat de prévoyance décès souscrit par la société Kervilly et à régler aux consorts [H] les capitaux décès contractuellement stipulés, soit un capital correspondant à 500 % du salaire brut annuel de référence de [Y] [H], avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2014, les intérêts échus pour une année entière étant capitalisés, alors :
« 1°/ que le maintien de la garantie décès par l'assureur, après résiliation de la police de groupe, est subordonné à la prise en charge par celui-ci des risques incapacité de travail et/ou invalidité dans le même contrat ou dans plusieurs contrats, conventions ou bulletins d'adhésion pendant la période de couverture ; qu'en retenant que « le renvoi » fait par l'article 7-1 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 « à l'état d'invalidité ou l'incapacité de travail antérieur n'est pas constitutif d'un fait générateur mais sert de référence au terme du maintien de la garantie », de sorte qu'il « importait peu que la société Monceau ne garantissait pas l'arrêt de travail de [Y] [H] » « pris en charge par une autre société Cri Prévoyance qui avait versé des indemnités journalières jusqu'au jour du décès de [Y] [H] », la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article susvisé ;
2°/ que le maintien de la garantie décès par l'assureur, après résiliation de la police de groupe, est subordonné à la prise en charge par celui-ci des risques incapacité de travail et/ou invalidité dans le même contrat ou dans plusieurs contrats, conventions ou bulletins d'adhésion pendant la période de couverture ; qu'en retenant que « l'article 7-1 de la loi du 31 décembre 1989 n'exige pas, pour être applicable, que la garantie décès et la garantie incapacité et/ou invalidité soient couvertes par ? une unique société d'assurance » pour en déduire que la garantie décès souscrite auprès de la société Monceau était maintenue après la résiliation de la police de groupe, dès lors que l'arrêt de travail de [Y] [H] « était pris en charge par une autre société Cri Prévoyance qui a versé des indemnités journalières continues jusqu'au jour du décès de [Y] [H] », la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article susvisé ;
3°/ que la société Kervilly n'ayant souscrit auprès de la société Monceau que la garantie « décès et perte totale et irréversible d'autonomie » régie par le titre II des conditions générales, ce qui n'était contesté par aucune des parties, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, en faisant application de l'article 12 du titre III du contrat régissant la garantie « incapacité - invalidité », non souscrite par la société Kervilly. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 7-1, alinéa 1er, de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Evin », telle que modifiée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, au titre d'un ou plusieurs contrats, conventions ou bulletins d'adhésion à un règlement comportant la couverture des risques décès, incapacité de travail et invalidité, la couverture du risque décès doit inclure une clause de maintien de la garantie décès en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité. La résiliation ou le non-renouvellement du ou des contrats, conventions ou bulletins d'adhésion à un règlement sont sans effet sur les prestations à naître au titre du maintien de garantie en cas de survenance du décès avant le terme de la période d'incapacité de travail ou d'invalidité telle que définie dans le contrat, la convention ou le bulletin d'adhésion couvrant le risque décès.
7. Il en résulte, d'une part, que la garantie décès ne peut être suspendue en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité du salarié, d'autre part, que la résiliation du contrat collectif de prévoyance est sans effet sur le maintien de cette garantie lorsque le décès survient alors que le salarié se trouvait en incapacité de travail ou en invalidité.
8. Le maintien de la garantie décès, qui présente un caractère autonome, s'impose à l'assureur, y compris lorsque les garanties incapacité de travail et invalidité ont été souscrites par l'employeur auprès d'un autre assureur.
9. Ayant constaté que [Y] [H] avait été en incapacité de travail depuis le 10 juin 2011, soit avant la résiliation du contrat par la société Monceau, jusqu'à son décès, la cour d'appel en a exactement déduit que cette société était tenue de prendre en charge les conséquences de son décès au titre du contrat de prévoyance souscrit par l'employeur.
10. Le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu'il s'attaque à des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Monceau retraite et épargne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Mutuelle générale et Monceau retraite et épargne et condamne cette dernière à payer à la société Kervilly, à Mme [O] [H], à M. [J] [H] et à Mme [R] [H] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.