LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 876 F-B
Pourvoi n° R 21-16.796
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023
Mme [S] [V], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 21-16.796 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Groupama Centre Atlantique, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Atlantique embouteillage mobile, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Atlantique embouteillage mobile a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [V], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Atlantique embouteillage mobile, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Centre Atlantique, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mars 2021), les 26 et 27 janvier 2012, Mme [V], viticultrice, a confié à M. [Y] l'embouteillage de sa récolte.
2. M. [Y], qui était assuré au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Centre Atlantique (la société Groupama), ayant transféré son activité à la société Atlantique embouteillage mobile (la société AEM), a résilié ce contrat à compter du 30 novembre 2012. La société AEM a souscrit un contrat garantissant sa responsabilité civile professionnelle auprès de la société Allianz à effet au 1er décembre 2012.
3. Le 31 janvier 2013, Mme [V] a informé M. [Y] de défauts affectant le vin embouteillé par ses soins, puis l'a assigné ainsi que les sociétés AEM et Groupama devant un tribunal afin d'être indemnisée de son préjudice.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de la société AEM, pris en sa première branche, qui est préalable
Enoncé du moyen
4. La société AEM fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en garantie formée contre la société Groupama, alors « que la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation ; que l'article 27 des conditions générales du contrat d'assurance stipulait que « cette garantie s'applique aux réclamations formulées entre les dates de prise d'effet et de cessation des effets du présent contrat dans la mesure où elles se rattachent à des faits dommageables survenus pendant la même période » ; qu'en jugeant qu'il instaurait une « garantie déclenchée par la réclamation » pour en déduire que l'assureur ne devait pas sa garantie, faute pour l'assuré de démontrer que son nouveau contrat d'assurance n'était pas applicable au sinistre litigieux, la cour d'appel a violé l'article L124-5 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 124-5, alinéa 3, du code des assurances :
5. Aux termes de ce texte, la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
6. Pour débouter la société AEM de sa demande de garantie formée contre la société Groupama, l'arrêt relève que, contrairement à ce que prévoit l'alinéa 2 de l'article L. 124-5 du code des assurances, les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit entre M. [Y] et la société Groupama ne précisent pas si la garantie est déclenchée par le fait dommageable ou si elle l'est par la réclamation. Il rappelle ensuite qu'aux termes de l'article 27 des conditions générales de ce contrat, la garantie « responsabilité civile contractuelle » s'applique « aux réclamations formulées entre les dates de prise d'effet et de cessation des effets du présent contrat dans la mesure où elles se rattachent à des faits dommageables survenus pendant la même période ».
7. Il en déduit qu'il s'agit d'une garantie déclenchée par la réclamation et que cette disposition est corroborée par une lettre adressée par l'assureur à M. [Y] aux termes de laquelle, lorsque la garantie couvre la responsabilité civile d'une personne morale ou physique agissant dans l'exercice de son activité professionnelle, la garantie est déclenchée par la réclamation.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le fait dommageable était susceptible de déclencher la garantie s'il survenait entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, ce dont il résultait que la garantie était déclenchée par le fait dommageable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt déboutant la société AEM de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Groupama entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant Mme [V] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Groupama, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal ni sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Atlantique embouteillage mobile et Mme [V] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Centre Atlantique, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
Condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Centre Atlantique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Centre Atlantique à payer à Mme [V], d'une part, et à la société Atlantique embouteillage mobile, d'autre part, la somme de 3 000 euros chacune ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.