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20/09/2023 | FRANCE | N°20-15314

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 20-15314


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 septembre 2023

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 910 F-D

Pourvoi n° J 20-15.314

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023

La société Devea, société par actio

ns simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-15.314 contre l'arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Pari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 septembre 2023

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 910 F-D

Pourvoi n° J 20-15.314

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 SEPTEMBRE 2023

La société Devea, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-15.314 contre l'arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à M. [F] [U] [R], domicilié [Adresse 1] (Cameroun), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Devea, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [U] [R], après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de

Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 février 2020), par contrat du 15 juillet 2008, la société Devea (la société), ayant une activité de grossiste de matériel informatique, a confié à une entreprise à créer, représentée par M. [U] [R], domicilié à [Localité 3] (Cameroun), la prospection, pour son compte, sur le continent africain et, plus particulièrement, dans les pays de l'Afrique centrale, de partenaires commerciaux pour des opérations de création de filiales et de mise en relation, ainsi que la négociation éventuelle des conditions propres à une ou à plusieurs commandes, sous réserve d'acceptation ou de refus de ces conditions par cette société.

2. Ce contrat, prévoyait, à son article 11, une clause attributive de juridiction selon laquelle tout litige pouvant survenir entre les parties à l'occasion de son exécution devait être porté devant le tribunal de commerce de Bobigny.

3. Par message électronique du 16 novembre 2009, la société a informé M. [U] [R] de la fin de leurs relations contractuelles.

4. Par requête du 2 mai 2013, celui-ci a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en sollicitant la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer le conseil de prud'hommes matériellement compétent et de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, alors :

« 4°/ que, dans ses écritures, la société Devea avait soutenu et démontré, que M. [U] [R] était agent commercial pour son compte, exerçait ses fonctions au Cameroun, ne travaillait pas dans les locaux de la société,

n'était astreint à aucun horaire de travail, ne s'était pas vu imposer de dates de congés et n'a jamais demandé l'autorisation pour en poser, n'avait aucune méthode de travail à respecter, et était totalement libre dans l'organisation de son travail, le choix de son lieu d'action, des entreprises à qui il rendait visite, autant d'éléments démontrant l'absence de tout lien de subordination ; qu'en se bornant, pour dire que le contrat de prestation devait être requalifié en contrat de travail, à se fonder sur quelques mails produits par M. [U] [R] dont il ressortait que la société Devea lui avait par deux fois donné des instructions et lui avait demandé une fois de faire un compte rendu, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, quelles étaient les conditions de fait dans lesquelles l'activité était réalisée, et en particulier si M. [U] [R] n'était pas totalement libre dans la gestion de son temps, de son organisation, de ses méthodes de travail et si les rares instructions données ne s'inscrivaient pas dans le cadre de l'exécution normale d'un contrat de prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ que, en affirmant, pour dire qu'il y avait lieu de requalifier le contrat de prestation en contrat de travail, qu'il résultait des nombreux mails versés aux débats par M. [U] [R], des rapports de visite journaliers, des rendez-vous commerciaux pour le compte de la société Devea avec instructions, directives, et propositions établies par la société, cependant qu'il résultait desdites pièces et tel que cela résultait des écritures de M. [U] [R], que sur une période de quinze mois, d'une part, la société Devea n'avait demandé à ce dernier de procéder à un compte rendu qu'une seule fois, d'autre part, que les autres comptes rendus, qui n'étaient nullement journaliers, avaient été réalisés à l'initiative de M. [R], enfin, que la société Devea lui avait seulement donné des directives précises par deux fois, éléments insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1221-1 du code du travail ;

7°/ que, en affirmant, pour dire qu'il y avait lieu de requalifier le contrat de prestation en contrat de travail, qu'il résultait des mails versés aux débats par M. [U] [R], des rapports de visite journaliers, des rendez-vous commerciaux pour le compte de la société Devea avec instructions, directives, et propositions établies par la société, cependant qu'il résultait desdites pièces et tel que cela résultait des écritures de M. [U] [R], que sur une période de quinze mois, d'une part, la société Devea n'avait demandé à ce dernier de procéder à un compte-rendu qu'une seule fois, d'autre part, que les autres comptes rendus, qui n'étaient nullement journaliers, avaient été réalisés à l'initiative de M. [R], enfin, que la société Devea lui avait seulement donné des directives précises par deux fois, la cour d'appel s'est déterminée sans examiner ces pièces, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1411-1 et L. 1221-1 du code du travail :

6. Aux termes du premier de ces textes, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

7. Il résulte du second de ces textes que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

8. Pour retenir l'existence d'un contrat de travail, l'arrêt relève, d'abord, qu'il résulte de l'examen des nombreux courriers versés aux débats que M. [U] [R] prospectait et prenait de nombreux rendez-vous commerciaux pour le compte de la société de laquelle il recevait des instructions, qu'ainsi, à titre d'exemples, par un message électronique du 12 août 2008 auquel il a apporté une réponse le même jour en adressant à la société un compte rendu de visites auprès de plusieurs autres entreprises, la société lui a demandé de lui envoyer un compte rendu précis des visites déjà effectuées, par un message électronique du 18 septembre 2009, la société lui a indiqué « Merci de vous rendre chez Connect informatique pour leur signifier que nous allons porter plainte à l'ambassade de France pour escroquerie si nous ne recevons pas notre règlement [...] qu'ils nous doivent depuis le mois de janvier 2009 [...] merci de me tenir au courant », par un message électronique du 4 septembre 2008, M. [U] [R] a adressé à la société la liste, comportant vingt noms, des entreprises visitées au mois d'août 2008, par un message électronique du 17 septembre 2008, il a rendu compte de nombreuses visites. L'arrêt retient, ensuite, que la société a fourni à M. [U] [R] ses moyens de travail tels qu'un ordinateur portable, dont elle lui réclamera la restitution lors de la rupture des relations contractuelles, un catalogue de produits de la société, des brochures, des devis et des factures pro forma pour la promotion des ventes de ses produits.

9. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'un contrôle de l'exécution du travail de M. [U] [R] par la société et d'un pouvoir de cette dernière de sanctionner ses manquements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [U] [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-15314
Date de la décision : 20/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 sep. 2023, pourvoi n°20-15314


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.15314
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