LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 septembre 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 612 F-D
Pourvoi n° X 22-17.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023
1°/ M. [V] [H] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ Mme [X] [L], épouse [O], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° X 22-17.013 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Grenoble (première chambre civile), dans le litige les opposant à la société Habitat Dauphinois, société coopérative d'intérêt collectif d'HLM à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller doyen, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [O], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Habitat Dauphinois, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen rapporteur, M. Boyer, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 mars 2022), les 16 février et 14 mars 2017, M. et Mme [O] ont signé une promesse de vente avec la société Habitat Dauphinois portant sur des terrains leur appartenant, sous condition suspensive d'obtention, par l'acquéreur, d'un permis d'aménager.
2. Par délibération du 14 mars 2017, le conseil municipal de la commune a arrêté le projet de révision du plan local d'urbanisme (PLU) en vigueur depuis le 19 juin 2006, modifié le 1er février 2011, les parcelles vendues, classées en zone Nh, constructible, passant en zone agricole An.
3. La société Habitat Dauphinois n'ayant pas déposé de demande d'autorisation d'aménagement dans le délai de six mois fixé par la promesse, M. et Mme [O] l'ont assignée en paiement de la clause pénale de 20 000 euros stipulée dans l'avant-contrat.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [O] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que la condition suspensive n'a pas été réalisée aux torts exclusifs de la société Habitat Dauphinois et en paiement de la pénalité contractuelle, alors :
« 2°/ qu'en ne répondant pas au chef des conclusions d'appel des époux [O] faisant valoir que la société HD ne démontre pas en quoi la réglementation d'urbanisme applicable pendant le délai de réalisation de la condition suspensive aurait empêché la demande de permis d'aménager d'aboutir dès lors que la réglementation en matière d'urbanisme était le PLU du 19 juin 2006, modifié le 1er février 2011, dans lequel les parcelles litigieuses étaient classées en zone NH, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°/ que l'autorité administrative n'est pas tenue de prendre une mesure de sursis à statuer et dispose à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire ; qu'en relevant par motifs adoptés des premiers juges, pour conclure que la demande de permis d'aménager, qui n'a pourtant pas été déposée par HD avant la date limite du 14 septembre 2017, était manifestement vouée à l'échec , qu'« il est manifeste qu'une demande de permis d'aménager était vouée à l'échec dès lors qu'à l'évidence, la SA Habitat Dauphinois se serait vu opposer par l'autorité administrative compétente, à défaut d'un refus immédiat, un sursis à statuer en application de l'article L.153-11 du code de l'urbanisme, dans l'attente de l'achèvement de la procédure de révision du PLU », quand la décision de sursis à statuer, même en cas de modification en cours du PLU, revêt un caractère discrétionnaire de la part de l'autorité administrative compétente qui n'est pas tenue de prendre cette mesure de sauvegarde, la cour d'appel a méconnu les articles L.153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt a relevé, par motifs propres et adoptés, que le projet de révision du PLU classant les parcelles en zone An avait été adopté par délibération du 14 mars 2017, et qu'à l'issue d'une enquête publique qui avait eu lieu courant juin et juillet 2017, le commissaire enquêteur avait déposé un rapport concluant à l'impossibilité d'un projet de lotissement, le classement des parcelles en zone agricole protégée interdisant toute construction.
7. La cour d'appel a constaté que la révision du PLU répondait à des objectifs de préservation du potentiel agricole et de développement urbain mesuré et maîtrisé préservant le cadre de vie, définis par le plan d'aménagement et de développement durable adopté par délibération du conseil municipal du 24 mars 2017, que les parcelles étaient situées en dehors de l'enveloppe urbaine du schéma de cohérence territoriale, et que la volonté de la collectivité était de ne pas ouvrir de nouvelles zones urbaines aussi longtemps que le foncier urbain pouvait satisfaire aux besoins de la commune en matière d'urbanisation à l'horizon 2026.
8. Ayant retenu à bon droit que l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, qui confère à l'autorité compétente la possibilité de surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation qui seraient de nature à compromettre l'exécution du futur plan, était applicable, elle a pu, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes sur l'application du PLU de 2006, déduire de l'ensemble de ses constatations et énonciations qu'une demande de permis d'aménager était vouée à l'échec et que, nonobstant l'absence de dépôt d'un dossier d'autorisation d'aménagement, la condition suspensive n'avait pas défailli du fait de la société Habitat Dauphinois.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [O] et les condamne à payer à la société Habitat Dauphinois la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-trois.