LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 septembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 856 F-D
Pourvoi n° S 21-22.271
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023
La société Crédit industriel et commercial (CIC) de [Localité 4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° S 21-22.271 contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2021 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [B] [J] épouse [Y],
2°/ à M. [I] [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 3], [Localité 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Crédit industriel et commercial (CIC) de [Localité 4], de Me Balat, avocat de M. et Mme [Y], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 8 juillet 2021), Mme [Y] ayant été condamnée à payer à la société Crédit industriel et commercial de [Localité 4] (la société) une certaine somme, la société a, le 2 décembre 2014, assigné celle-ci et M. [Y] devant un juge aux affaires familiales d'un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir la cession d'indivision et la vente sur licitation de divers biens immobiliers leur appartenant.
2. Par jugement du 30 mars 2017, le juge aux affaires familiales a déclaré non prescrite l'action de la société et a sursis à statuer sur les autres demandes. Le même jugement a ordonné avant dire droit le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état, invitant la société à produire tout élément permettant de vérifier le régime matrimonial des époux, leur « situation personnelle de conjugalité, de séparation ou de divorce et l'évaluation du bien ».
3. Par jugement du 14 février 2019, le juge aux affaires familiales a débouté la société de ses demandes, considérant que les biens immobiliers ne relevaient pas du régime de l'indivision entre les époux.
4. Suivant acte du 30 juillet 2020, la société a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte de M. et Mme [Y].
5. Le 4 septembre 2020, ils ont assigné la société devant un juge de l'exécution aux fins d'obtenir la mainlevée de la saisie-attribution.
6. Le 23 décembre 2020, le juge de l'exécution les a déboutés de leur demande.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt, infirmant le jugement entrepris, de constater que l'exécution forcée de l'arrêt du 28 octobre 2003 est prescrite depuis le 19 juin 2018 et d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 30 juillet 2020 à la requête de la société entre les mains de la banque BNP agence de Gournay-en-Bray (76220) sur le compte bancaire de M. et Mme [Y], alors :
« 1°/ que l'interruption de prescription provoquée par l'action en justice est réputée non-avenue si la demande est définitivement rejetée, ce qui s'apprécie au regard du dispositif du jugement, qui est seul revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'interruption de prescription résultant de l'assignation devant le juge aux affaires familiale du tribunal de grande instance de Dieppe délivrée le 2 décembre 2014 à la requête du CIC était réputée non-avenue, dès lors que le jugement du 14 février 2019 avait mis un terme à l'instance en rejetant définitivement les demandes du CIC et que, par son jugement avant dire droit du 30 mars 2017, le juge aux affaires familiale s'était contenté de déclarer l'action du CIC non-prescrite, sans se prononcer sur la demande relative à la cession d'indivision et de vente sur licitation formée par le société tranché par le jugement du 14 février 2019 ; qu'en statuant ainsi, quand l'arrêt constatait que le jugement du 30 mars 2017 était mixte et quand son dispositif, revêtu de l'autorité de la chose jugée, avait « déclaré l'action du CIC de [Localité 4] non-prescrite et bien fondée », avant de « surseoir à statuer sur les autres demandes », avait tranché une partie du principal en faisant droit partiellement à la demande, de sorte que la prescription avait été interrompue jusqu'à son prononcé, la cour d'appel a dénaturé le dispositif du jugement du 30 mars 2017 et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le jugement qui déclare l'action non-prescrite et tranche ainsi une demande fait échec à l'article 2243 du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'interruption de prescription résultant de l'assignation devant le juge aux affaires familiale du tribunal de grande instance de Dieppe délivrée le 2 décembre 2014 à la requête du CIC était réputée non-avenue, dès lors que le jugement du 14 février 2019 avait mis un terme à l'instance en rejetant définitivement les demandes du CIC et que, par son jugement avant dire droit du 30 mars 2017, le juge aux affaires familiale s'était contenté de déclarer l'action du CIC non-prescrite, sans se prononcer sur la demande relative à la cession d'indivision et de vente sur licitation formée par le société tranché par le jugement du 14 février 2019 ; qu'en statuant ainsi, quand le jugement, bien que partiellement avant dire droit, a fait droit définitivement à une prétention du CIC en constatant l'absence de prescription et l'existence d'une créance, la cour d'appel a violé l'article 2243 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Ayant relevé que le jugement du 14 février 2019 rendu à la suite de l'assignation du 2 décembre 2014, avait mis un terme à l'instance en rejetant définitivement les demandes de la banque, la cour d'appel, en a exactement déduit, par ce seul motif et hors de toute dénaturation, que l'interruption de prescription résultant de l'action introduite devant le juge aux affaires familiales était non avenue.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit industriel et commercial (CIC) de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit industriel et commercial (CIC) de [Localité 4] et la condamne à payer à M. et Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-trois.