LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 septembre 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 520 F-D
Pourvoi n° N 22-18.867
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 SEPTEMBRE 2023
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-18.867 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Y] [F], épouse [B], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Mutuelle de la Méditerranée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Mornet, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 mai 2022), après une première intervention chirurgicale pratiquée en octobre 2005 par M. [T], chirurgien, pour remédier à un prolapsus, Mme [F] a présenté des complications ayant nécessité de nombreuses interventions et gardé des séquelles.
2. En avril 2018, après un échec de la procédure de règlement amiable, Mme [F] a assigné en responsabilité et indemnisation M. [T] et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var et la société Mutuelle de la Méditerranée.
3. Un jugement du 26 septembre 2019 a condamné M. [T] au paiement de dommages-intérêts au titre d'un défaut d'information à l'origine d'un préjudice d'impréparation et reconnu l'existence d'accidents médicaux non fautifs graves ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'ONIAM fait grief à l'arrêt d'inclure dans l'indemnisation allouée à Mme [F] une somme de 30 420 euros au titre de la perte de chance de gains professionnels actuels, alors « qu'une perte de chance de gains professionnels actuels ne peut être caractérisée au bénéfice d'une victime d'un accident médical qui ne travaillait pas et qui n'était pas inscrite comme demandeuse d'emploi depuis vingt ans sans que ne soient caractérisés des éléments concrets permettant de retenir que l'intéressée était en recherche d'emploi ou s'apprêtait à rechercher un emploi à la date de l'accident ; qu'ayant constaté que la victime ne fournissait aucune pièce émanant d'employeurs établissant qu'elle les aurait effectivement démarchés pour un emploi dans son secteur d'activité, en retenant une perte de chance de reprendre une activité professionnelle au motif inopérant que l'intéressée établissait qu'aurait "songé" à rejoindre le monde du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
5. Pour indemniser Mme [F] au titre d'une perte de chance de gains professionnels actuels, l'arrêt retient qu'elle a déclaré avoir délaissé sa profession d'esthéticienne en 1983 pour élever ses trois enfants, que ces derniers étant devenus autonomes, elle songeait en 2005, à revenir sur le marché du travail et que, si elle ne fournit aucune pièce émanant d'employeurs, établissant qu'elle les aurait effectivement démarchés pour un emploi dans son secteur d'activité, ses explications, confirmées par son époux et une voisine, sont cohérentes.
6. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence du préjudice indemnisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. En l'absence de toute pièce objectivant la perspective, au moment du fait dommageable, d'une reprise d'emploi, après la cessation de toute activité professionnelle pendant vingt ans, la demande d'indemnisation formée par Mme [F] au titre d'une perte de chance de gains professionnels actuels ne peut qu'être rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il inclut la somme de 30 420 euros au titre de la perte de chance de gains professionnels actuels dans la somme de 376 665,29 euros à laquelle il fixe le préjudice corporel de Mme [F], et en ce qu'il inclut cette somme de 30 420 euros dans la somme de 268 791,67 euros à laquelle il condamne l'ONIAM au profit de Mme [F], l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe le préjudice corporel global de Mme [F], hors poste d'assistance par tierce personne, à la somme de 346 245,29 euros ;
Dit que l'indemnité revenant à Mme [F] s'établit à 238 371,67 euros ;
Condamne l'ONIAM à payer à Mme [B] la somme de 238 371,67 euros, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 26 septembre 2019 à hauteur de 170 035,88 euros et du prononcé de l'arrêt soit le 12 mai 2022 à hauteur de 68 335,79 euros ;
Condamne Mme [F] aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Vignes, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.