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13/09/2023 | FRANCE | N°22-14461

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 22-14461


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 septembre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 862 F-D

Pourvoi n° Y 22-14.461

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 SEPTEMBRE 2023

M. [F] [S], domicilié [A

dresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 22-14.461 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 septembre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 862 F-D

Pourvoi n° Y 22-14.461

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 SEPTEMBRE 2023

M. [F] [S], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° Y 22-14.461 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Insiema, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Insiema, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2021), M. [S] a été engagé le 1er décembre 2011 en qualité d'agent technique par la société Insiema, chargée de la relève des compteurs chez les particuliers pour le compte d'ERDF/GRDF.

2. Il a été licencié pour faute grave le 8 janvier 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ordonner le rejet de la pièce n° 27 produite par l'employeur et de condamner ce dernier à lui verser diverses indemnités de rupture outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL ; que l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi ''informatique et libertés'' du 6 janvier 1978, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ; qu'en énonçant, pour dire que le salarié avait commis une faute grave justifiant son licenciement, qu'il avait adopté un comportement désinvolte dans la manière avec laquelle il renseignait les causes de l'absence de relevé, celui-ci, identifié par le sigle LAE, se contentant d'indiquer relevé inaccessible sans plus de précision alors que ses collègues précisent l'endroit où se trouve le compteur et la cause de l'absence des relevés, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve obtenu à l'aide d'un système de traitement automatisé d'informations personnelles avant qu'il ne soit déclaré à la CNIL dont le salarié sollicitait le rejet des débats, sans apprécier si l'utilisation de cette preuve avait porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel pouvait justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi, a violé les articles 2, 6, 8, 22 et 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données, et les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, 22 et 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, et les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. D'une part, aux termes du premier de ces textes, un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes :
1°) les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite,
2°) elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités.

6. Il résulte du deuxième de ces textes que les traitements automatisés de données à caractère personnel font l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou, lorsque le responsable du traitement a désigné un correspondant à la protection des données à caractère personnel, sont inscrits sur la liste des traitements tenue par celui-ci.

7. Enfin, selon le troisième de ces textes, les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits.

8. D'autre part, en application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'illicéité d'un moyen de preuve, au regard des dispositions précitées, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier, lorsque cela lui est demandé, si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

9. Ainsi, en présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

10. Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la désinvolture de l'intéressé s'est manifestée dans la manière avec laquelle il renseignait les causes de l'absence de relevé, celui-ci se contentant d'indiquer « relevé inaccessible sans plus de précision » alors que ses collègues précisaient l'endroit où se trouvait le compteur et la cause de l'absence des relevés.

11. En statuant ainsi, alors que ses constatations faisaient ressortir que les données issues du terminal de saisie portatif destinées aux relevés des consommations d'énergie pour ERDF/GRDF, permettaient également de contrôler et de surveiller l'activité des salariés et avaient été utilisées par l'employeur afin de collecter et d'exploiter des informations concernant personnellement le salarié, ce dont il résultait que, s'agissant d'un traitement de données à caractère personnel, l'employeur était tenu de procéder à une déclaration préalable auprès de la CNIL et d'informer les salariés sur l'utilisation de ce dispositif à cette fin et qu'à défaut, ce moyen de preuve était illicite, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les prescriptions des paragraphes 8 et 9 du présent arrêt, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande de rappel de salaire conventionnel et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 15 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Insiema aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Insiema et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-14461
Date de la décision : 13/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 sep. 2023, pourvoi n°22-14461


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.14461
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