LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 septembre 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 567 F-D
Pourvoi n° X 22-12.206
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 SEPTEMBRE 2023
La société Confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 22-12.206 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [S], domicilié [Adresse 5], exerçant sous l'enseigne Pharmacie centrale, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [I] [C], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde ouverte au profit de M. [K] [S],
3°/ à l'Ordre national des pharmaciens - Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [S] et de M .[C], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 décembre 2021), par un jugement du 12 juin 2017, M. [S], exerçant en nom propre la profession de pharmacien, a été mis en procédure de sauvegarde, M. [I] [C] étant désigné mandataire judiciaire.
2. La société Confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique Rhin-Rhône Méditerranée (la société CERP) a saisi le juge-commissaire sur le fondement de l'article L. 624-16 du code de commerce aux fins de revendiquer des médicaments à hauteur de 94 680 euros.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société CERP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en reprise des médicaments se trouvant en nature dans la limite de 94 680,34 euros dans le stock de la pharmacie de M. [S], alors « que dès lors que l'inventaire est obligatoire dans une procédure de sauvegarde, la charge de la preuve que les biens revendiqués n'existaient plus en nature au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, pèse sur le débiteur et non sur le créancier revendiquant en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à une absence d'inventaire ; qu'en énonçant, pour débouter la société CERP Rhin Rhône Méditerranée de sa demande en revendication des médicaments se trouvant en nature et en quantité égales dans la limite de 94 680,34 euros se trouvant dans le stock de M. [S], que la charge de la preuve pèse sur le revendiquant et non sur le débiteur en cas de procédure de sauvegarde, tout en constatant que l'inventaire du 29 juin 2017 établi par Me [G], huissier de justice, n'identifiait pas les médicaments revendiqués par la société CERP Rhin Rhône Méditerranée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait qu'en présence d'un inventaire inexploitable, faute d'identifier les médicaments revendiqués, la charge de la preuve que ces derniers n'existaient plus en nature au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, incombait sur le débiteur, et violé les articles L. 624-16 et L. 622-6 du code du commerce. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de la combinaison des articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce que, sous réserve de l'établissement d'un inventaire, il appartient au revendiquant de biens mobiliers d'apporter la preuve de ce que les biens revendiqués se retrouvent en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective. Toutefois en l'absence d'inventaire, ou en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe à la procédure collective.
5. L'arrêt relève que l'inventaire établi le 29 juin 2017 par l'huissier de justice, n‘identifie pas les médicaments revendiqués par la société CERP, et retient que la liste qu'elle fournit ne l'établit pas non plus, la société CERP indiquant elle-même qu'il s'agit d'une liste des produits non payés susceptibles d'être dans le stock de la pharmacie.
6. Dès lors que l'absence des médicaments revendiqués sur l'inventaire n'était pas de nature, en elle-même, à établir son caractère incomplet, le moyen, sous le couvert d'une violation des articles L. 624-16 et L. 622-6 du code de commerce, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, qui, après avoir retenu que ni l'inventaire établi le 29 juin 2017 par l'huissier de justice ni la liste fournie par la société CERP ne permettaient d'identifier les médicaments revendiqués par celle-ci, a estimé que la société CERP, sur qui pesait la charge de la preuve de l'existence de ce que ces médicaments se retrouvaient en nature entre les mains du débiteur au jour de la procédure collective ne rapportait pas cette preuve.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Confraternelle d'exploitation et de répartition pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée et la condamne à payer à M. [S], exerçant sous l'enseigne Pharmacie centrale, et à M. [C], en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de M. [S], la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.