LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-87.122 F-D
N° 00996
RB5
13 SEPTEMBRE 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 SEPTEMBRE 2023
M. [I] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 16 novembre 2021, qui, pour faux et usage, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [I] [L], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [Y] [T] et M. [U] [S], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [L] a été poursuivi des chefs de faux et usage de faux commis au préjudice de M. [U] [S] et Mme [Y] [T].
3. Il lui est reproché d'avoir établi un faux acte de concession de la fabrication et de la distribution des produits découlant d'un procédé d'armature coffrante pour ouvrages en béton armé inventé par ces derniers.
4. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré M. [L] coupable de ces délits, et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis. Sur l'action civile, il a été condamné à verser aux parties civiles 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, 150 000 euros au titre de la perte d'une chance, et 1 000 euros au titre des frais d'expertise.
5. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont fait appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le quatrième moyen
Énoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L] à payer à M. [S] et Mme [T] une somme de 259 000 euros, alors « que la partie civile déclarée recevable ne peut obtenir réparation que des préjudices personnellement subis et découlant directement de l'infraction dénoncée ; qu'en accordant aux parties civiles une indemnisation au titre de la perte de chance de vendre leur produit à la société CONSTANCE CORP. à un meilleur prix, quand il résulte de ses propres constatations que seule la société SF 3DR – [S] était partie à cette cession, à l'exclusion des parties civiles, de sorte que le préjudice invoqué, à le supposer caractérisé, ne pouvait avoir été subi que par cette société et en aucun cas par les parties civiles personnellement, la cour d'appel a méconnu les articles 2, 3, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Pour condamner le prévenu à payer à M. [S] et à Mme [T] une somme de 127 500 euros chacun au titre de la perte de chance de vendre leur produit à la société Constance Corp. à un meilleur prix, l'arrêt attaqué énonce que, selon les parties civiles, l'enregistrement frauduleux de la concession de leurs brevets par M. [L] les a contraints à revoir à la baisse le prix de vente de leur brevet à la société Constance Corp., qui avait proposé initialement la somme de 1 500 000 euros, mais qui, après la découverte des mentions portées à l'Institut national de la propriété industrielle concernant les brevets enregistrés au moyen du faux par M. [L], a renégocié le prix à la baisse.
9. Les juges relèvent que les parties civiles ont finalement dû céder les brevets à la société Constance Corp. pour la somme de 1 000 000 d'euros par l'interposition d'une société qu'ils avaient créée à ce seul effet.
10. Ils ajoutent que les parties civiles ont créé cette société SF3DR [S] pour regrouper leurs brevets afin de les céder, ce qui est attesté par la date de sa création mise en perspective avec les négociations entreprises avec le dirigeant de la société Constance Corp.
11. La cour d'appel conclut qu'en l'espèce, les parties civiles ont subi un préjudice direct, certain et personnel résultant des faits commis par M. [L], ceux-ci ayant amoindri leur capacité à vendre leur produit au meilleur prix, et ce, dès l'inscription du faux à l'Institut national de la propriété industrielle.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé que les parties civiles avaient, en raison des délits commis par le prévenu, dû vendre leurs brevets au moyen de la société SF3DR [S], qu'elles ont créé à cet effet, à un prix inférieur à celui auquel elles auraient pu les vendre directement à la société Constance Corp. si les infractions n'avaient pas été commises, ladite société SF3DR [S] n'ayant eu qu'une fonction d'intermédiaire, a constaté l'existence pour celles-ci d'un préjudice direct et personnel, et a justifié sa décision.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [I] [L] devra payer à M. [S] et Mme [T] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille vingt-trois.