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12/09/2023 | FRANCE | N°22-85280

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 septembre 2023, 22-85280


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 22-85.280 F-D

N° 00898

ODVS
12 SEPTEMBRE 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023

M. [D] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 20 juin 2022, qui, sur renvoi

après cassation (Crim., 20 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.383), dans la procédure suivie contre M. [W] [H] [N] des chefs d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 22-85.280 F-D

N° 00898

ODVS
12 SEPTEMBRE 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023

M. [D] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 20 juin 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.383), dans la procédure suivie contre M. [W] [H] [N] des chefs de blessures involontaires et conduite sans assurance, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [D] [J], les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des assurances obligatoires de dommages, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le tribunal correctionnel a condamné M. [W] [H] [N] des chefs susvisés et a renvoyé l'affaire sur les intérêts civils, M. [D] [J] s'étant constitué partie civile.

3. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a déclaré M. [H] [N] responsable du préjudice subi par M. [J] et a condamné celui-ci à verser à la partie civile certaines sommes à titre de dommages-intérêts.

4. M. [H] [N] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens

Enoncé des moyens

5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a limité à 43 870,09 euros la somme allouée à M. [J] au titre de la perte de gains professionnels futurs, alors :

« 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en déduisant du revenu de référence pris en compte pour calculer l'indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs subie par M. [J], lequel faisait valoir, sans être contredit sur ce point, qu'il était en recherche d'emploi depuis son licenciement pour inaptitude ensuite de l'accident qu'il avait subi et qu'il était chômeur en fin de droit, le montant correspondant à un éventuel et hypothétique SMIC que celui-ci ne percevait pourtant donc pas, la cour d'appel qui n'a pas évalué le préjudice au jour où elle statuait, a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit, et a violé l'article 1240 nouveau du code civil ;

2°/ que le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, doit procéder à l'imputation de ces prestations poste par poste ; qu'en n'évaluant pas, d'abord, le poste de préjudice correspondant à la perte de gains professionnels futurs pour, ensuite, imputer sur celui-ci les prestations versées par la caisse de sécurité sociale et par la police de prévoyance, mais en imputant, au contraire, ces prestations davantage en amont, en les déduisant de la rémunération de référence elle-même, prise pour base de ses calculs, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, et a violé les articles 1240 nouveau du code civil et 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

6. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a limité à 20 000 euros la somme allouée à M. [J] au titre de l'incidence professionnelle, alors :

« 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en refusant d'indemniser la perte des droits à la retraite subie par M. [J], inhérente à la perte de son travail et à la situation de demandeur d'emploi dans laquelle il s'était retrouvé depuis son accident, au titre de l'incidence professionnelle, en considérant, en substance, que la perte des droits à la retraite était insusceptible d'être réparée dans le cadre de l'indemnisation de ce poste de préjudice, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, et a violé l'article 1240 nouveau du code civil ;

2°/ qu'en refusant d'inclure la perte des droits à la retraite dans le poste incidence professionnelle, sans préciser si le poste de perte de gains professionnels futurs, qu'elle avait évalué, avait été calculé à titre viager ou jusqu'à l'âge de la retraite, précision qui, seule, aurait pu permettre de déterminer si ce poste était, lui-même, susceptible de réparer aussi la perte des droits à la retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, et de l'article 1240 nouveau du code civil ;

3°/ qu'en énonçant que M. [J] ne versait aucun élément pouvant justifier d'une perte de ses droits à la retraite, lequel, au contraire, exposait et établissait, sans être contredit sur ce point, qu'il avait perdu son travail en raison et ensuite de l'accident survenu en 2011 et qu'il s'était retrouvé, depuis, chômeur de longue durée, de sorte que ceci avait nécessairement une incidence sur ses droits à la retraite, la cour d'appel a méconnu les éléments de la cause, n'a pas justifié sa décision et violé les articles 1240 nouveau du code civil et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour condamner M. [H] [N] à verser à M. [J] une certaine somme au titre de sa perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué énonce qu'en tenant compte de son revenu avant l'accident, dont il convient de déduire le montant annuel du salaire minimum de croissance (SMIC) en vigueur au moment de la décision, ainsi que les revenus de remplacement qu'il perçoit, qui compensent cette perte, son préjudice à ce titre doit être évalué à la somme de 43 870,09 euros.

11. Les juges ajoutent que, dans la mesure où il ne verse aucun document pouvant justifier d'une perte des droits à la retraite, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à M. [J] la somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, au motif qu'il a dû abandonner la profession de croupier consécutivement à l'accident.

12. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [J], qui soutenait qu'il était demandeur d'emploi de longue durée, ne percevait pas de salaire ou d'indemnisation au titre de l'absence d'emploi, et que cette situation allait aboutir à une perte de droits à la retraite, alors qu'elle a retenu que ses séquelles, dues à l'accident qu'il a subi, étaient selon le médecin du travail incompatibles avec son ancienne profession et nécessitaient un reclassement et qu'après cet accident, il avait été au chômage entre 2015 et 2017, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

13. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle de l'accident en tant qu'il peut être à l'origine d'une perte de droits à la retraite. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 20 juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. [H] [N] à payer à M. [J] la somme de 43 870,09 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et rejeté sa demande d'indemnisation de la perte de droits à la retraite au titre de l'incidence professionnelle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-85280
Date de la décision : 12/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 20 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 sep. 2023, pourvoi n°22-85280


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet, SAS Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.85280
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