LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 septembre 2023
Cassation partielle
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 818 F-D
Pourvoi n° Z 21-20.001
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-20.001 contre l'arrêt n° RG : 19/00217 rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Homeperf, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Homeperf, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 16 juin 2021), à la suite d'un contrôle des prestations servies par la société Homeperf (la société), fournisseur de matériel médical spécialisé dans la perfusion à domicile, la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud (la caisse) lui a notifié un indu pour la période du 1er avril 2014 au 31 décembre 2015, suivie d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la notification d'indu, la mise en demeure subséquente, et de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que les dispositifs médicaux à usage individuel ne sont pris en charge que s'ils répondent aux spécifications techniques de la liste des produits et prestations remboursables ; qu'un perfuseur de précision volumétrique, figurant à la liste des produits et prestations remboursables sous le code 1135305, comprend un réservoir gradué ; qu'en décidant le contraire, pour dire que les perfuseurs Dosi-flow pouvaient être pris en charge sous le code 1135305 et annuler l'indu réclamé par la caisse, les juges du fond ont violé les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la liste des produits et prestations remboursables ;
3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en opposant, sous couvert de sécurité juridique, une tolérance administrative, pourtant non créatrice de droits, qui résulterait d'une part, d'un courrier de la direction des hôpitaux du ministère de l'emploi et des solidarités du 30 novembre 1999 et d'une télécopie du comité économique des produits de santé du 18 septembre 2001, retenant tous deux que le Dosi-flow pouvait se rattacher au code 1135305, et d'autre part, de ce que la caisse aurait admis pendant plus de dix [ans] la facturation du Dosi-flow sous le code 1135305, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des produits et prestations remboursables ;
4°/ qu'à supposer même que les juges du fond soient en droit d'opposer une tolérance administrative, de toute façon, les éléments mis en avant par la cour d'appel – à savoir, d'une part, un courrier de la direction des hôpitaux du ministère de l'emploi et des solidarités du 30 novembre 1999 et une télécopie du comité économique des produits de santé du 18 septembre 2001, retenant tous deux que le Dosi-flow pouvait se rattacher au code 1135305, et d'autre part, la circonstance que la Caisse aurait admis pendant plus de dix la facturation du Dosi-flow sous le code 1135305 – étaient insuffisants pour caractériser une telle tolérance ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour défaut de base légale au regard de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des produits et prestations remboursables. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 165-1 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, le titre 1er, chapitre 2, section 2, de la liste des produits et prestations remboursables, dans leur rédaction applicable au litige, et l'article 12 du code de procédure civile :
4. Il résulte des deux premiers de ces textes que le remboursement par l'assurance maladie des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est subordonné à leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables établie par arrêté ministériel, qui précise notamment leurs spécifications techniques.
5. Selon le troisième, ne peut être pris en charge par l'assurance maladie sous le code 1135305, alors en vigueur, qu'un perfuseur de précision volumétrique qui comprend un réservoir gradué, semi-rigide, de 100 à 150 millilitres.
6. Pour décider que le perfuseur litigieux, muni d'un accessoire de régulation de débit, pouvait être pris en charge au titre du code 1135305, l'arrêt retient que la liste des produits et prestations remboursables ne prévoit pas que le perfuseur de précision volumétrique doit présenter un réservoir gradué. Il ajoute que la fonction de précision volumétrique du perfuseur litigieux est admise par l'autorité administrative nationale puisqu'il résulte d'un courrier de la direction des hôpitaux du ministère de l'emploi et de la solidarité du 30 novembre 1999 et d'une télécopie du médecin inspecteur général de la santé publique, chef du département des dispositifs médicaux du centre économique des produits de santé du 18 septembre 2001, adressés au fournisseur du dispositif litigieux, que celui-ci pouvait être rattaché au code alors applicable au perfuseur de précision volumétrique. Il en déduit que la société a légitimement pu considérer que le dispositif litigieux était remboursable par assimilation à un perfuseur de précision volumétrique, d'autant que la caisse a accepté la facturation de ce dispositif par assimilation à ce code pendant plus de 10 ans.
7. En statuant ainsi, alors que le dispositif litigieux ne respectait pas les spécifications techniques prévues par la liste des produits et prestations remboursables et que la société ne pouvait se prévaloir d'une tolérance administrative, qui n'est pas créatrice de droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu d'annuler la procédure de contrôle, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Homeperf aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Homeperf et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.