La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2023 | FRANCE | N°21-24551

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 septembre 2023, 21-24551


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 septembre 2023

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 820 F-D

Pourvoi n° V 21-24.551

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 SEPTEMBRE 2023

La société Motorop BRM Industries, d

ont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-24.551 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 septembre 2023

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 820 F-D

Pourvoi n° V 21-24.551

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 SEPTEMBRE 2023

La société Motorop BRM Industries, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-24.551 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [P], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Motorop BRM Industries, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 septembre 2021), M. [P] a été engagé en qualité de monteur à compter du 1er novembre 1987 par la société Motorop BRM Industries (la société).

2. Les délégués du personnel ont émis un avis favorable au projet de réorganisation destiné à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise présenté par la société.

3. Le contrat de travail a été rompu après acceptation par le salarié, le 30 janvier 2017, du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées à M. [P] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations, alors :

« 1°/ que le licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse et par la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité lorsque les bilans comptables de la société font ressortir des pertes constantes en dépit d'une augmentation du chiffre d'affaires et qu'il est établi que l'employeur n'a plus d'actifs à liquider afin de réduire les charges ; qu'en l'espèce, la société MBI faisait valoir et démontrait que la réorganisation de l'entreprise ayant justifié le licenciement de M. [P] était nécessaire au regard des importantes pertes d'exploitation de l'entreprise entre 2009 et 2015, dernier exercice clos avant la réorganisation, ce en dépit d'une amélioration du chiffre d'affaires sur les deux dernières années ; qu'elle ajoutait qu'elle avait liquidé tous ses actifs (actions, bâtiment en ''lease back''?) et que les mesures de licenciement, dont celui de M. [P], étaient en conséquence indispensables ; qu'en jugeant que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, au motif insuffisant qu'il résultait des documents comptables de la société MBI que le bénéfice de l'entreprise était nettement supérieur en 2016 qu'en 2015 et que son résultat d'exploitation était également en hausse en 2016, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les pertes constantes de la société MBI au cours des six années précédant la réorganisation de l'entreprise ainsi que la cession de ses principaux actifs ne justifiaient pas la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et ne constituaient pas en conséquence une cause économique réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que si le motif économique de licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement de M. [P] sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que le budget prévisionnel faisant apparaître une perte d'environ 180. 000 euros en 2017 ne constituait pas un élément de preuve pertinent ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les pièces A10 et A11 versées aux débats par la société MBI, qui présentaient la situation comptable de l'entreprise au 30 avril et au 31 août 2017, ainsi que sur le bilan définitif de l'année 2017, qui démontraient en tout état de cause que, comme l'avait prévu la société exposante, le chiffre d'affaires de la société avait reculé en 2017, que la société MBI enregistraient encore d'importantes pertes d'exploitation et que les difficultés économiques de l'entreprise n'en auraient été que plus graves sans la réorganisation de entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que le licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse lorsque la réorganisation de l'entreprise est engagée afin d'anticiper des difficultés économiques liées à la perte d'un ou plusieurs marchés ; qu'en l'espèce, la société MBI faisait valoir et démontrait que la réorganisation de l'entreprise ayant justifié le licenciement de M. [P] était nécessaire au regard de la fin du marché ''Rénovation bus gaz'' pour la ville de [Localité 4] en 2016, ayant engendré un chiffre d'affaires de 1 018 000 euros en 2014, 1 176 000 euros en 2015 et 108 000 euros en 2016 ; qu'en s'abstenant de rechercher, alors qu'elle constatait que l'arrivée à échéance du marché litigieux en 2016 n'était pas contestée par M. [P], si la fin de ce marché exceptionnel ne justifiait pas la réorganisation de l'entreprise pour prévenir les difficultés économiques engendrées par cette perte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

4°/ que le licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse lorsque la réorganisation de l'entreprise est engagée afin d'anticiper des difficultés économiques liées à la baisse prévisible et finalement avérée des commandes ; qu'en l'espèce, la société MBI faisait valoir et démontrait que de nouvelles commandes HS 110, qui ont engendré un chiffre d'affaires de 70 000 euros en 2015 et de 688 000 euros en 2016, n'étaient pas prévisibles en fin d'année 2016, que la société MBI n'a été informée de nouvelles commandes qu'en mai 2017, soit postérieurement à la mise en oeuvre du projet de réorganisation et au licenciement de M. [P], et que les commandes avaient en tout état de cause drastiquement baissé en 2017 puisqu'elles n'ont représenté que 130 000 euros de chiffre d'affaires ; qu'en se bornant à constater que la preuve de la fin du marché HS 110 en 2016 n'était pas démontrée par la société MBI, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la perspective de nouvelles commandes HS 110 était prévisible à la fin de l'année 2016, lorsque le projet de réorganisation a débuté, et si le chiffre d'affaires lié à ce marché n'avait en tout état de cause pas drastiquement baissé en 2017, ce qui justifiait la réorganisation entreprise par la société MBI pour prévenir les difficultés économiques engendrées par cette perte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 3° dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1235-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

6. Il résulte de ce texte qu'une réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques, à l'évolution du marché ou encore l'accroissement de la concurrence et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement.

7. Pour dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord, que le bénéfice et le résultat d'exploitation était en hausse en 2016 par rapport à 2015, de sorte que sa situation financière très fragile au dernier trimestre 2016 n'est pas établie et, ensuite, que les notes de conjoncture produites par la société ne permettent pas d'établir qu'une baisse du chiffre d'affaires de l'entreprise était prévisible durant l'année 2017, les éléments d'analyse contenus dans ces documents étant trop généraux et sans lien direct avec la situation de cette société.

8. Il ajoute que, si la fin du marché "Rénovation bus gaz" pour la ville de [Localité 4] n'est pas contestée par le salarié, en revanche, la preuve de la fin du marché HS110 durant l'année 2016 n'est pas rapportée.

9. Il retient enfin que la société ne justifie pas intervenir dans un secteur concurrentiel et qu'aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir que la réduction de la masse salariale était nécessaire pour obtenir le prêt bancaire indispensable pour réaliser les investissements nécessaires à la survie de l'entreprise.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les pertes constantes de la société au cours des six années précédant la réorganisation de l'entreprise et la fin du marché « Rénovation bus gaz » pour la ville de Grenoble en 2016, ne constituaient pas une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise justifiant sa réorganisation pour préserver son équilibre financier et adapter ses effectifs en vue d'anticiper des difficultés économiques prévisibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-24551
Date de la décision : 06/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 sep. 2023, pourvoi n°21-24551


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.24551
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award