LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 528 FS-B
Pourvoi n° D 22-12.741
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
M. [H] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-12.741 contre les arrêts rendus les 20 février 2018 (RG 17/03982 et 17/03983) par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile) et 28 juin 2013 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Laurent Mayon, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société les Jardins du Trait,
2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société BNP Paribas Invest Immo,
3°/ à la société Les Jardins du Trait, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à la société Le Crédit Industriel et Commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société CIC Iberbanco,
5°/ à M. [P] [X], domicilié [Adresse 4],
6°/ à M. [V] [K],
7°/ à Mme [B] [W], épouse [K],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
8°/ à la société Esdée, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 9],
9°/ à M. [R] [N], domicilié [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de M. Haas, avocat de M. [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Le Crédit Industriel et Commercial, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre ;
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 28 juin 2013, (n° RG 17/03982), Bordeaux, 20 février 2018, (n° RG 17/03983)), la société civile immobilière Les Jardins du trait (la SCI) a souhaité faire construire un immeuble destiné à la vente en l'état futur d'achèvement, une garantie d'achèvement lui ayant été consentie par la société Banco Popular France, devenue la société CIC Iberbanco, aux droits de laquelle vient la société Crédit industriel et commercial.
2. Les travaux de construction n'ont pas débuté après la démolition de l'existant et la SCI a été placée en liquidation judiciaire.
3. M. [I], acquéreur en l'état futur d'achèvement selon acte notarié du 27 mars 2008, a assigné la SCI, la banque qui lui avait consenti un prêt et la société CIC Iberbanco en résolution des contrats de vente et de prêt, et a sollicité la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente.
4. M. [X], M. et Mme [K] et la société civile immobilière Esdée (la SCI Esdée), acquéreurs en l'état futur d'achèvement selon actes notariés, respectivement, des 18 septembre 2007, 23 novembre 2007 et 15 juillet 2008, ont assigné en réparation le notaire et le garant d'achèvement en imputant à faute à celui-ci la caducité du permis de construire, dont la validité avait été prorogée jusqu'au 20 décembre 2009.
5. Par un arrêt du 28 juin 2013, la cour d'appel de Poitiers a rejeté les demandes de M. [I] à l'encontre du garant d'achèvement et, par deux arrêts du 20 février 2018, la cour d'appel de Bordeaux a accueilli les demandes des acquéreurs formées à l'encontre de celui-ci.
Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense
6. Selon l'article 621 du code de procédure civile, la partie qui a formé un pourvoi, qui a été rejeté, n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance.
7. Selon l'article 618 du même code, le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire, est recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté et même après expiration du délai prévu à l'article 612.
8. Il en résulte que le premier de ces textes, propre aux pourvois formés contre un jugement, ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un pourvoi formé sur le fondement du second contre plusieurs décisions inconciliables entre elles, lorsqu'un premier pourvoi pour contrariété de décisions a été déclaré irrecevable sans examen au fond et que l'irrecevabilité constatée a été régularisée.
9. Le pourvoi est donc recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. M. [I] fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 28 juin 2013 de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société CIC Iberbanco et aux deux arrêts de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018 de condamner la société CIC Iberbanco, in solidum avec le notaire, à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à M. [X], à M. et Mme [K] et à la SCI Esdée, alors « que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de cassation, si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que, du rapprochement des décisions attaquées, il résulte un déni de justice conduisant tout à la fois à considérer que la société CIC Iberbanco, tenue d'une garantie d'achèvement unique et indivisible pour l'opération de construction immobilière "Les Jardins du trait", a et n'a pas commis de négligence fautive à l'égard des acquéreurs de nature à engager sa responsabilité dans l'exécution de sa garantie, de sorte qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de la cause, de prononcer l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 28 juin 2013 en application de l'article 618 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. Il ressort des décisions critiquées que M. [I], qui poursuivait la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et l'annulation subséquente du contrat de prêt souscrit pour financer l'opération, sollicitait la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente, tandis que M. [X], d'une part, et M. et Mme [K] et la SCI Esdée, d'autre part, qui ne poursuivaient pas la nullité des contrats de vente en l'état futur d'achèvement, recherchaient la responsabilité du garant d'achèvement en lui imputant à faute d'avoir laissé périmer le permis de construire, les privant ainsi du bénéfice de la garantie d'achèvement.
12. Ces décisions, qui ont statué sur des moyens distincts soutenus par les acquéreurs d'une même opération immobilière, qui invoquaient des fautes et des dommages différents, ne sont pas inconciliables entre elles.
13. Il n'y a donc pas contrariété de décisions au sens de l'article 618 du code de procédure civile.
14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.