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05/07/2023 | FRANCE | N°22-18155

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2023, 22-18155


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 799 F-D

Pourvoi n° P 22-18.155

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

Mme [K] [D] [B], domicil

iée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.155 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 799 F-D

Pourvoi n° P 22-18.155

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

Mme [K] [D] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.155 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la Société d'exploitation et de gestion de spectacles de music-halls internationaux Le Lido, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [D] [B], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la Société d'exploitation et de gestion de spectacles de music halls internationaux Le Lido, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2022), Mme [D] [B] a été engagée en qualité d'habilleuse le 2 mars 1991 par la société Monval aux droits de laquelle se trouve la Société d'exploitation et de gestion de spectacles de music-halls Le Lido.

2. Le 29 décembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du premier moyen qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à lui remettre sous astreinte des documents de fin de contrat, alors :

« 1°/ qu'au regard du respect du principe ''à travail égal, salaire égal'', l'ancienneté ne saurait à elle seule justifier une différence de rémunération, dès lors qu'elle est prise en compte par l'allocation aux salariés d'une prime distincte du salaire de base, peu important que l'intégralité de l'ancienneté des salariés au service de l'employeur ne soit pas prise en considération pour le calcul de cette prime ; qu'en énonçant, dès lors, après avoir relevé que la société Le Lido avait fait bénéficier à trois salariées du statut de ''première habilleuse'' qui était sa création, puisqu'il ne reposait ni sur la convention collective applicable à l'entreprise, ni sur des accords collectifs, que les trois salariées bénéficiant du statut de ''première habilleuse'' percevaient une rémunération brute de base, individualisée, supérieure à celle des douze habilleuses, dont Mme [D] [B] faisait partie, et qu'il n'existait aucune distinction de tâches et de responsabilités entre les ''premières habilleuses'' et les habilleuses, pour débouter Mme [D] [B] de ses demandes fondées sur l'existence d'une inégalité de traitement dont elle avait été la victime, que le principe ''à travail égal, salaire égal'' ne s'oppose pas à ce qu'un employeur tienne compte de l'ancienneté des salariés pour une différenciation de leurs rémunérations à condition que cette ancienneté ne soit pas déjà totalement prise en compte dans une prime, que le statut de ''première habilleuse'' et la rémunération qui y était associée avaient été appliqués aux trois salariées du service les plus anciennes dans l'entreprise, que, certes, une prime dite ''prime d'ancienneté'' avait été versée à tous les salariés de l'entreprise en fonction de leur durée de présence dans celle-ci, que, cependant, cette prime ne prenait que très partiellement en compte l'ancienneté des salariés car si elle évoluait dans un premier temps par période de deux ans, elle atteignait un palier de 5 % du salaire de base à 10 ans d'ancienneté pour ne plus varier par la suite et, dans de telles conditions, l'ancienneté était un critère objectif une différenciation de rémunérations mensuelles de base entre salariés, au-delà du versement d'une prime qui ne prenait que très partiellement la durée de présence de ceux-ci dans l'entreprise, la cour d'appel a violé le principe ''à travail égal, salaire égal'' et les dispositions de l'article L. 3221-2 du code du travail ;

2°/ qu'au regard du respect du principe ''à travail égal, salaire égal'', l'ancienneté ne saurait à elle seule justifier une différence de rémunération, dès lors qu'elle est prise en compte par l'allocation aux salariés d'une prime distincte du salaire de base, peu important que l'intégralité de l'ancienneté des salariés au service de l'employeur ne soit pas prise en considération pour le calcul de cette prime ; qu'en énonçant, dès lors, après avoir relevé que la société Le Lido avait fait bénéficier à trois salariées du statut de ''première habilleuse'' qui était sa création, puisqu'il ne reposait ni sur la convention collective applicable à l'entreprise, ni sur des accords collectifs, que les trois salariées bénéficiant du statut de ''première habilleuse'' percevaient une rémunération brute de base, individualisée, supérieure à celle des douze habilleuses, dont Mme [D] [B] faisait partie, qu'il n'existait aucune distinction de tâches et de responsabilités entre les ''premières habilleuses'' et les habilleuses et qu'à compter de l'accord de révision en date du 25 janvier 2017 de l'accord d'entreprise de la société Le Lido, les ''premières habilleuses'' avaient pris la qualification d'habilleuses, mais conservé leur rémunération, pour débouter Mme [D] [B] de ses demandes fondées sur l'existence d'une inégalité de traitement dont elle avait été la victime, que le statut de ''première habilleuse'' et la rémunération qui y était associée avaient été appliqués aux trois salariées du service les plus anciennes dans l'entreprise, qu'une prime dite ''prime d'ancienneté'' avait été versée à tous les salariés de l'entreprise en fonction de leur durée de présence dans celle-ci, que cette prime évoluait dans un premier temps par période de deux ans et atteignait un palier de 5 % du salaire de base à 10 ans d'ancienneté pour ne plus varier par la suite et qu'à partir de l'accord de révision en date du 25 janvier 2017, cette prime avait été supprimée pour être remplacée par un ''complément différentiel'' dont le montant était figé et ne pouvait faire l'objet d'aucune augmentation ou revalorisation, malgré la progression de l'ancienneté et du salaire de base des salariés concernés, quand le remplacement de la ''prime d'ancienneté'' par le ''complément différentiel'' était inopérant, dès lors qu'il résultait des stipulations de l'article 5 du titre 4 de l'accord de révision en date du 25 janvier 2017 de l'accord d'entreprise de la société Le Lido que, pour les salariés qui, comme Mme [D] [B] et les trois salariées qui avaient bénéficié du statut de ''première habilleuse'', étaient employés par la société Le Lido le 25 janvier 2017, le montant du ''complément différentiel'' dépendait du montant de la ''prime d'ancienneté'' perçue par les salariés avant cet accord de révision, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 5 du titre 4 de l'accord de révision en date du 25 janvier 2017 de l'accord d'entreprise de la société Le Lido, du principe ''à travail égal, salaire égal'' et les dispositions de l'article L. 3221-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

5. Il résulte de ce principe que l'ancienneté des salariés peut justifier une différence de traitement lorsqu'elle n'est pas prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base.

6. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de l'égalité de traitement et de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt après avoir constaté l'existence d'une différence de traitement, retient que le principe à travail égal, salaire égal ne s'oppose pas à ce qu'un employeur tienne compte de l'ancienneté des salariés pour une différenciation de leurs rémunérations à condition que cette ancienneté ne soit pas déjà totalement prise en compte dans une prime.

7. L'arrêt relève que le statut de première habilleuse et la rémunération qui y est associée ont été appliqués aux trois salariées du service les plus anciennes dans l'entreprise, que certes, une prime dite prime d'ancienneté est versée à tous les salariés de l'entreprise en fonction de leur durée de présence, mais l'accord collectif du 30 janvier 2007 et l'examen des bulletins de paie démontrent que cette prime ne prend que très partiellement en compte l'ancienneté des salariés car si elle évolue dans un premier temps par période de deux ans, elle atteint un palier de 5 % du salaire de base à 10 ans d'ancienneté pour ne plus varier par la suite.

8. Il en conclut que, dans de telles conditions, l'ancienneté est un critère objectif justifiant une différenciation de rémunérations mensuelles de base entre salariés, au-delà du versement d'une prime qui ne prend que très partiellement en compte la durée de présence de ceux-ci dans l'entreprise.

9. L'arrêt relève également qu'à partir de l'accord de révision du 25 janvier 2017, la prime d'ancienneté est supprimée pour être remplacée par un complément différentiel dont le montant est figé et ne pourra faire l'objet d'aucune augmentation ou revalorisation et ce malgré la progression de l'ancienneté et du salaire de base des salariés concernés.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté des salariées était prise en compte par le versement d'une prime distincte du salaire de base, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le troisième moyen, entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif qui déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [D] [B] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire outre congés payés afférents pour inégalité salariale, de sa demande en résiliation du contrat de travail, de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, de remise de documents conformes sous astreinte et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Société d'exploitation et de gestion de spectacles de music-halls Le Lido aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'exploitation et de gestion de spectacles de Music-Halls Le Lido et la condamne à payer à Mme [D] [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-18155
Date de la décision : 05/07/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2023, pourvoi n°22-18155


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.18155
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