La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2023 | FRANCE | N°22-15404

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2023, 22-15404


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 792 F-D

Pourvoi n° Y 22-15.404

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

M. [Y] [C], domicilié [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° Y 22-15.404 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 792 F-D

Pourvoi n° Y 22-15.404

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

M. [Y] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-15.404 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et au énergies alternatives, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), M. [C] a été engagé en qualité d'ingénieur par le Commissariat à l'énergie atomique devenu le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives le 19 novembre 1990.

2. Licencié le 22 septembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale le 29 juillet 2016 d'une contestation de la validité de son licenciement et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de sommes à titre de rappel sur le salaire de base et de rappel de primes diverses, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'il avait réclamé le paiement de rappels de salaires et de primes en démontrant l'évolution anormale de son salaire de base par rapport à ses collègues classés E4, à compter de l'année 2000 ; qu'en se bornant à le débouter de ses demandes sans exposer ce qui lui permettait de considérer qu'elles auraient été infondées, la cour a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en retenant par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu'il aurait bénéficié d'augmentations de salaires, que l'employeur avait le pouvoir de décision en la matière et que les textes en l'espèce ne prévoyaient pas d'augmentations automatiques, la cour d'appel a statué par des considérations générales impropres à déterminer si son employeur était ou non fautif d'avoir cessé de l'augmenter au rythme régulier appliqué aux autres salariés classés E4 ; qu'en statuant de la sorte, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

5. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, alors « que l'obligation de prévention des risques professionnels qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le harcèlement moral n'était pas constitué ; qu'en statuant de la sorte elle a violé les articles susvisés dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

8. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas subi de harcèlement moral et de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre, alors « qu'il n'appartient pas au salarié de caractériser un harcèlement mais seulement d'établir la matérialité de faits précis et concordants, le juge devant apprécier si ces éléments, pris isolément dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral auquel cas, il incombe à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas fautifs ; que M. [C] avait dénoncé le harcèlement subi en exposant que si sa carrière avait connu un déroulement normal entre 1990 et 1999, sa situation s'était dégradée brutalement à compter de l'année 2000, avec les insultes et brimades de son supérieur direct, l'absence de formation professionnelle et d'amélioration de son poste et la stagnation injustifiée de son salaire et non attribution de primes ; qu'il avait produit pour étayer ses accusations un certain nombre de pièces attestant notamment de l'absence totale de formation, les rubriques récapitulatives des comptes rendus d'entretien n'en mentionnant aucune, ainsi que de l'absence de moyens pour accomplir sa mission, de la dégradation de son état psychologique relevé par le médecin du travail et de l'absence de réponse de la hiérarchie aux délégués syndicaux l'interrogeant sur la situation anormale qu'il subissait ; qu'en retenant, pour le débouter de sa demande, que les éléments produits ne suffisaient pas à démontrer l'existence d'un harcèlement moral quand M. [C] avait satisfait à la part de la preuve qui lui incombait et qu'il revenait dès lors à son employeur de justifier objectivement les décisions ainsi dénoncées, la cour d'appel a d'ores et déjà violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

10. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

11. Pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, l'arrêt relève que les observations et remarques sur sa prestation de travail formulées par son supérieur hiérarchique ne se sont jamais départies de courtoisie et que le salarié ne justifie pas que des formations lui aient été abusivement refusées ou que des astreintes aient été supprimées dans le but d'attenter à ses revenus.

12. Il constate que l'employeur dispose de toutes les structures représentatives du personnel mais que le salarié, qui soutient avoir été victime de harcèlement durant quatorze années, n'établit pas avoir d'une façon ou d'une autre appelé l'attention sur les agissements qu'il prétend avoir subis. Il ajoute que le dossier médical ne permet pas de suspecter un quelconque harcèlement.

13. En se déterminant ainsi, d'une part, sans examiner l'ensemble des faits invoqués par le salarié, notamment l'absence de formation et de moyens pour accomplir sa mission et l'absence de réponse apportée par la hiérarchie à une alerte sur sa situation donnée par les délégués syndicaux et, d'autre part, en procédant à une appréciation séparée des éléments examinés, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de rechercher si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'était pas nul et de le débouter de ses demandes afférentes, alors « que ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le deuxième moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

15. La cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande en nullité du licenciement et de ses demandes indemnitaires subséquentes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [C] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct au titre des actes de harcèlement moral, de sa demande tendant à faire déclarer nul le licenciement et condamner le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à lui payer les indemnités subséquentes, ainsi que de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et le condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-15404
Date de la décision : 05/07/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2023, pourvoi n°22-15404


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.15404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award