LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2023
Rejet
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 711 F-D
Pourvoi n° T 21-18.454
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023
M. [R] [Z], domicilié [Adresse 9], a formé le pourvoi principal et le pourvoi additionnel n° T 21-18.454 contre les jugements rendus les 5 janvier 2021 et 4 mai 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [12], dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [X] [Y] [W], domicilié [Adresse 8],
3°/ à la société [14], dont le siège est [Adresse 10],
4°/ au pôle de recouvrement spécialisé de la Direction nationale des vérifications de situations fiscales, dont le siège est [Adresse 11],
5°/ à M. [P] [T], domicilié [Adresse 4],
6°/ au pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 1],
7°/ au service des impôts des particuliers de [Localité 15], dont le siège est [Adresse 7],
8°/ au service des impôts des particuliers de [Localité 16], dont le siège est [Adresse 6],
9°/ à M. [O] [V], domicilié [Adresse 5] (Pologne),
10°/ à la société [13], dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Z], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société [13], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les jugements attaqués (tribunal de proximité de Villejuif, 5 janvier 2021 et 4 mai 2021), une commission de surendettement des particuliers a déclaré irrecevable la demande de M. [Z] tendant au traitement de sa situation financière au motif qu'il relevait des procédures collectives instituées par le livre VI du code de commerce.
2. Sur recours de l'intéressé, le tribunal, après avoir ordonné la réouverture des débats, a déclaré sa demande irrecevable au motif qu'il était de mauvaise foi.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. M. [Z] fait grief aux jugements de lui demander de présenter ses observations sur l'éventuelle irrecevabilité de sa demande en raison de sa mauvaise foi dans la constitution de son endettement, et de dire irrecevable sa demande tendant à bénéficier d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, alors « que lorsque la commission de surendettement s'est prononcée sur la recevabilité d'une demande aux fins d'élaboration d'un plan de redressement, et que le juge est saisi d'un recours contre une telle décision, il ne peut soulever d'office la fin de non-recevoir résultant de l'absence de bonne foi ; qu'il résulte du jugement que la bonne foi de M. [Z] n'a pas été contestée par les créanciers présents à l'audience ou ayant présenté des observations par écrit et que ce moyen a été relevé d'office par le tribunal dans son jugement avant dire droit du 5 janvier 2021 ; qu'en relevant d'office, pour rejeter le recours de M. [Z], qu'il n'était pas de bonne foi, le tribunal a violé les articles L.711-1 et R.722-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 711-1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes de bonne foi.
5. Ayant retenu à bon droit que, selon l'article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application, le juge du tribunal de proximité en a exactement déduit la faculté dont il disposait de vérifier d'office la recevabilité de M. [Z] au bénéfice des mesures de traitement du surendettement des particuliers au regard de sa bonne foi.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
7. M. [Z] fait le même grief aux jugements, alors :
« 2°/ que les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement, sauf accord du créancier ; qu'il en résulte qu'en présence de telles créances, le juge doit les écarter et examiner si la demande est fondée et recevable pour le surplus de l'endettement du débiteur ; qu'en énonçant, pour dire M. [Z] irrecevable en sa demande à raison de sa mauvaise foi, qu'il avait été condamné pour réticence dolosive et que son endettement était constitué à hauteur de 64 % de dettes nées de manquements délibérés telles que des pratiques frauduleuses résultant de manoeuvres dolosives, sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si la situation de surendettement de M. [Z] n'était pas constituée indépendamment même du passif issu de la condamnation civile prononcée contre lui, le tribunal a statué par des motifs impropres à établir la mauvaise foi de M. [Z] et privé sa décision de base légale au regard de l'article L.711-1 du code de la consommation, ensemble l'article L.711-4 du même code ;
3°/ que M. [Z] avait précisé à l'audience, ainsi que mentionné par le tribunal, que le redressement fiscal était en lien avec sa condamnation par la cour d'appel de Paris du 21 mai 2015, et que l'absence de déclaration de revenus en 2008 résultait de ce qu'il avait traversé à ce moment-là une période de dépression, dont il établissait la réalité notamment au moyen de certificats médicaux ; qu'en énonçant que l'endettement de M. [Z] était constitué notamment de manquements délibérés (non déclaration de revenus), pour en déduire qu'il était de mauvaise foi et dire sa demande irrecevable, sans s'expliquer sur les circonstances ainsi invoquées par le débiteur, de nature à exclure le caractère intentionnel de ses manquements, le tribunal a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. En matière de surendettement, l'appréciation de la bonne foi du débiteur relève du pouvoir souverain du juge du fond.
9. Ayant relevé que le passif de M. [Z] s'élevait au montant de la somme de 2 957 661,40 euros, qu'il est constitué d'une dette d'un montant de 918 303,18 euros résultant d'un défaut de déclaration de revenus, ayant donné lieu à un redressement fiscal en lien avec sa condamnation par une cour d'appel au paiement d'une somme de 964 000 euros fondée sur des agissements fautifs constitutifs d'une réticence dolosive, que de telles fautes intentionnelles sont en lien direct avec plus de la moitié de son surendettement, c'est sans encourir les griefs du moyen que le juge du tribunal de proximité, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans être tenu de répondre à un moyen inopérant, a retenu l'absence de bonne foi du débiteur.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi additionnel ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.