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21/06/2023 | FRANCE | N°52300709

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2023, 52300709


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 21 juin 2023








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 709 F-D


Pourvoi n° M 21-22.082


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de

cassation
en date du 12 avril 2022.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 juin 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 709 F-D

Pourvoi n° M 21-22.082

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 avril 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023

L'Entreprise Guy Challancin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-22.082 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à Mme [B] [X], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [X] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Entreprise Guy Challancin, de Me Ridoux, avocat de Mme [X], après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 juillet 2021), Mme [X] a été engagée le 5 juillet 1999 en qualité d'agent de service par la société La Mouette propreté. Son contrat de travail a été transféré à l'Entreprise Guy Challancin à compter du 12 juillet 2013.

2. La salariée a été en arrêt de travail pour maladie du 3 mai au 30 novembre 2016 et a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 janvier 2017.

3. Elle avait saisi le 30 novembre 2016 la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches du pourvoi incident, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors :

« 2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme [X] soutenait, élément de preuve à l'appui, qu'elle avait, par courrier du 30 octobre 2016, explicitement demandé à l'employeur de transmettre à l'AG2R les éléments nécessaires à sa prise en charge par cet organisme au titre de la prévoyance ; que si Mme [X] s'était trouvée contrainte, face à l'inertie de l'employeur, de renouveler à plusieurs reprises et notamment par un courriel du 20 avril 2017 sa demande de transmission du dossier à l'organisme de prévoyance, l'absence initiale de toute réaction de l'employeur, jusqu'au licenciement de la salariée le 18 janvier 2017, à la légitime demande de Mme [X] en vue de percevoir le complément de rémunération versé par l'organisme de prévoyance, était elle-même fautive-et, en tout état de cause, pouvait constituer un élément matériel de nature à laisser supposer un harcèlement moral ; que dès lors, en écartant cet élément invoqué par la salariée, de même que tout manquement de l'employeur à ce titre au cours de la relation contractuelle, aux motifs inopérants que ''toutefois, Mme [X] ne justifie pas avoir relancé l'employeur sur l'absence de versement de rémunération au titre de la prévoyance avant un message électronique du 20 avril 2017'', la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions prohibant le harcèlement moral, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que ''Mme [X] produit aux débats des courriers adressés le 21 octobre 2016 par son médecin traitant, puis le 3 novembre 2016 par le médecin du travail, à un confrère spécialisé, pour un stress lié au travail et un syndrome anxio-dépressif, sans aucun antécédent médical, ce syndrome ne permettant pas d'envisager, selon le médecin du travail, une reprise du travail au sein de l'entreprise'' ; que dès lors, en jugeant ensuite que ''le seul manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire à compter du 1er janvier 2017 ne saurait constituer des agissements répétés laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral'', la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y était tenue si, pris ensemble, le manquement de l'employeur relatif à son obligation de reprendre le paiement du salaire et les éléments médicaux produits par Mme [X] ne laissaient pas supposer le harcèlement moral invoqué par la salariée, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt n'ayant pas statué, dans ses motifs ni dans son dispositif, sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le moyen, qui critique en réalité une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

7. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident en ce qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors :

« 2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme [X] soutenait, élément de preuve à l'appui, qu'elle avait, par courrier du 30 octobre 2016, explicitement demandé à l'employeur de transmettre à l'AG2R les éléments nécessaires à sa prise en charge par cet organisme au titre de la prévoyance ; que si Mme [X] s'était trouvée contrainte, face à l'inertie de l'employeur, de renouveler à plusieurs reprises et notamment par un courriel du 20 avril 2017 sa demande de transmission du dossier à l'organisme de prévoyance, l'absence initiale de toute réaction de l'employeur, jusqu'au licenciement de la salariée le 18 janvier 2017, à la légitime demande de Mme [X] en vue de percevoir le complément de rémunération versé par l'organisme de prévoyance, était elle-même fautive – et, en tout état de cause, pouvait constituer un élément matériel de nature à laisser supposer un harcèlement moral ; que dès lors, en écartant cet élément invoqué par la salariée, de même que tout manquement de l'employeur à ce titre au cours de la relation contractuelle, aux motifs inopérants que ''toutefois, Mme [X] ne justifie pas avoir relancé l'employeur sur l'absence de versement de rémunération au titre de la prévoyance avant un message électronique du 20 avril 2017'', la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions prohibant le harcèlement moral, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que ''Mme [X] produit aux débats des courriers adressés le 21 octobre 2016 par son médecin traitant, puis le 3 novembre 2016 par le médecin du travail, à un confrère spécialisé, pour un stress lié au travail et un syndrome anxio-dépressif, sans aucun antécédent médical, ce syndrome ne permettant pas d'envisager, selon le médecin du travail, une reprise du travail au sein de l'entreprise'' ; que dès lors, en jugeant ensuite que ''le seul manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire à compter du 1er janvier 2017 ne saurait constituer des agissements répétés laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral'', la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y était tenue si, pris ensemble, le manquement de l'employeur relatif à son obligation de reprendre le paiement du salaire et les éléments médicaux produits par Mme [X] ne laissaient pas supposer le harcèlement moral invoqué par la salariée, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

9. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

10. Pour rejeter la demande de la salariée au titre d'un harcèlement moral, la cour d'appel retient que l'intéressée s'est vu notifier par son employeur un avertissement le 17 juin 2016, mais que cet avertissement ne saurait être considéré comme abusif.

11. Elle retient également que la salariée reproche à l'employeur d'avoir tardé à transmettre à l'organisme de prévoyance les éléments permettant le versement de son complément de rémunération au titre de la prévoyance pendant son arrêt maladie. Elle relève que la salariée n'a bénéficié de cette prestation complémentaire que plus d'un an après la date à laquelle elle y avait droit mais qu'elle ne justifie toutefois pas avoir relancé l'employeur sur l'absence de versement de rémunération au titre de la prévoyance avant un message électronique du 20 avril 2017, postérieur à la rupture.

12. La cour relève encore qu'il est en revanche acquis que l'employeur a manqué à son obligation de reprendre le paiement du salaire à compter du 1er janvier 2017.

13. Elle ajoute que la salariée produit des courriers adressés le 21 octobre 2016 par son médecin traitant, puis le 3 novembre 2016 par le médecin du travail, à un confrère spécialisé, pour un stress lié au travail et un syndrome anxio-dépressif, sans aucun antécédent médical, ce syndrome ne permettant pas d'envisager, selon le médecin du travail, une reprise de travail au sein de l'entreprise.

14. Elle conclut qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le seul manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire à compter du 1er janvier 2017 ne saurait constituer des agissements répétés laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

15. En statuant ainsi, d'une part, par des motifs en partie inopérants critiqués par la deuxième branche et, d'autre part, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, et en examinant pour chacun d'eux les éléments avancés par l'employeur pour les justifier, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis et les certificats médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation du chef de dispositif déboutant Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal formé par l'Entreprise Guy Challacin ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne l'Entreprise Guy Challacin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Entreprise Guy Challancin et la condamne à payer à Me Ridoux la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52300709
Date de la décision : 21/06/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 juillet 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2023, pourvoi n°52300709


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ridoux, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52300709
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