LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 729 F-D
Pourvoi n° K 21-20.517
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023
M. [U] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-20.517 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Torann France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Torann France, après débats en l'audience publique du 24 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2021), M. [Y] a été engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société de surveillance et de gardiennage Torann France (la société), par quarante-trois contrats à durée déterminée conclus du 15 janvier 2016 au 4 mars 2017, tous motivés identiquement par la mention "mission supplémentaire et exceptionnelle sur le site de [3]".
2. Le salarié a saisi le 21 juillet 2017 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de ces contrats en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, et en conséquence, de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification, ainsi que de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, alors « qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par ce texte, parmi lesquels l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a relevé que "L'accroissement temporaire d'activité est ainsi justifié, observation étant faite que, par définition, un tel plan Vigipirate est, par nature temporaire, pour faire face à une situation particulière exigeant des mesures ponctuelles de sécurité renforcée, susceptible d'être revues à tout moment. Le fait que la situation de menace terroriste impose la reconduction du plan Vigipirate, voire son renforcement, y compris sur plusieurs mois voire plusieurs années, n'en modifie par le caractère temporaire" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la seule référence au plan Vigipirate, qui est un dispositif permanent de vigilance, de prévention et de protection, est insuffisant pour établir le caractère par nature temporaire du surcroît d'activité d'une entreprise de sécurité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1245-1 du code du travail, ces deux derniers textes en leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
4. Aux termes du premier de ces textes, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
5. Selon le deuxième, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés par ce texte, parmi lesquels l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise.
6. Il résulte du dernier qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 susvisés.
7. Pour rejeter la demande du salarié en requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée, l'arrêt constate que la mention figurant sur les contrats litigieux correspond à un surcroît temporaire d'activité, puis, après analyse des différents documents produits par la société, retient que l'accroissement temporaire d'activité est justifié, relevant que le plan Vigipirate est par nature temporaire, pour faire face à une situation particulière exigeant des mesures ponctuelles de sécurité renforcée, susceptibles d'être revues à tout moment, et que le fait que la situation de menace terroriste imposant la reconduction du plan Vigipirate, voire son renforcement, y compris sur plusieurs mois voire plusieurs années, n'en modifie pas le caractère temporaire.
8. En se déterminant, ainsi par des motifs ne permettant pas de caractériser un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande en requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Torann France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Torann France et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.