LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 435 F-D
Pourvoi n° Q 22-16.155
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
Mme [C] [O], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 22-16.155 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Agence Henry, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Agence Henry, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [O], de Me Balat, avocat du syndicat des copropriétaires Capitaine Camine, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Agence Henry, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 janvier 2022), Mme [O], est propriétaire d'un appartement dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, qui a subi des désordres dénoncés en 2011.
2. Le 15 novembre 2016, elle a assigné le syndicat des copropriétaires Capitaine Camine (le syndicat des copropriétaires) et la société Agence Henry, son syndic en indemnisation des préjudices nés des conditions de mise en oeuvre de travaux de réparation de ces désordres.
3. Le syndicat des copropriétaires a appelé en garantie son assureur, la société Gan assurances.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [O] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors « que, responsable de la conservation et de l'entretien de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires ne peut être exonéré de sa responsabilité dans le dommage subi par un copropriétaire en lien avec le défaut d'entretien et de conservation de l'immeuble si n'est pas caractérisée une faute de ce dernier ayant causé l'entier dommage ; que la cour d'appel a retenu que l'humidité et les désordres affectant le plancher de l'appartement de Mme [O] étaient dus à l'humidité et à l'état dégradé du vide-sanitaire, résultant d'un manque d'entretien caractérisé de cette partie commune ; que la cour d'appel a considéré que les travaux votés n'avaient pu être exécutés en raison de l'opposition de Mme [O] à la nature des travaux envisagés exprimée dans son courrier du 13 août 2014 refusant le devis Brochier, et résultant de la lettre du syndic du 31 mars 2015 et de la résolution n° 14 de l'assemblée du 2 avril 2015, mentionnant que l'inexécution des travaux précédemment décidés était due à un désaccord au sein du conseil syndical, dont faisait partie Mme [O], sur le contenu exact des prestations et le prestataire, devant se solder par le choix du devis Brochier en cas de persistance du désaccord, Mme [O] ayant en outre voté avec les autres copropriétaires, lors des assemblées générales de 2012 et 2013, contre la désignation d'un bureau d'études chargé de déterminer les travaux nécessaires ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'il était impossible de connaître les causes des désaccords entre Mme [O] et le conseil syndical et d'en imputer la responsabilité à l'un ou à l'autre au regard de la mission confiée par le syndicat, et cependant qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que Mme [O] avait voté dans le même sens que les autres copropriétaires contre l'intervention du cabinet JCA, du reste quand même mandaté par le syndic pour avis, et d'autre part que l'entreprise [Z] avait en toute hypothèse effectué les travaux de remise en état en août 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le syndicat des copropriétaires et la société Gan assurances contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit et que Mme [O] y a renoncé.
7. Cependant, Mme [O] ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, un tel moyen, qui est de pur droit et auquel elle n'a pas renoncé, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 :
9. Il résulte de ce texte que le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit des vices de construction ou du défaut d'entretien de l'immeuble et qu'il ne peut s'en exonérer qu'en rapportant la preuve d'une force majeure ou d'une faute de la victime ou d'un tiers ayant causé l'entier dommage.
10. Pour rejeter les demandes de Mme [O], l'arrêt relève que l'assemblée générale du 4 mai 2012 a voté un budget de travaux de 2 471 euros et mandaté le conseil syndical pour choisir un devis, que les travaux n'ont pu être exécutés du fait de désaccords au sein du conseil syndical, dont Mme [O] était membre, sur les prestations nécessaires, sans que la responsabilité de ces désaccords puisse être imputée à l'un ou l'autre et, que l'opposition exprimée par Mme [O] le 13 août 2014 à l'intervention de la société Brochier, choisie par le syndicat des copropriétaires, a conduit à l'intervention d'une autre société avec l'accord du conseil syndical.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les dommages résultaient d'un défaut d'entretien du vide-sanitaire, partie commune de l'immeuble, sans caractériser une faute imputable à la copropriétaire ayant causé l'entier préjudice de jouissance allégué depuis 2012, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
12. Il y a lieu de mettre hors de cause la société Agence Henry dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par Mme [O] en condamnation du syndicat des copropriétaires Capitaine Camine à lui payer la somme de 110 988,07 euros outre la somme mensuelle de 584 euros à compter du mois de mai 2020 jusqu'à la remise en état de l'appartement, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2016 et capitalisation des intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens exposés par Mme [O], par le syndicat des copropriétaires Capitaine Camine et par la société Gan assurances et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de ces trois parties, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces seuls points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Met hors de cause la société Agence Henry ;
Condamne le syndicat des copropriétaires Capitaine Camine et la société Gan assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le syndicat des copropriétaires Capitaine Camine, la société Gan assurances et la société Agence Henry, et condamne le syndicat des copropriétaires Capitaine Camine et la société Gan assurances à payer à Mme [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.