LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 664 F-D
Pourvoi n° Q 21-25.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
Mme [E] [M], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-25.167 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Limoges (chambre famille), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, mandataire judiciaire, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur du GFA de la Jaubertie,
3°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, mandataire judiciaire, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur de la société SCI de la Gane,
4°/ à la société LGA, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée société [V]-[D], prise en la personne de M. [I], en qualité de liquidateur de [Y] [C],
5°/ au service des domaines, dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité de curateur à la succession vacante de [Y] [C], représenté par le directeur général des finances publiques et le directeur de la direction départementale des finances publiques de la Dordogne,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme [M], de la SCP Foussard et Froger, avocat du service des domaines, pris en qualité de curateur à la succession vacante de [Y] [C], représenté par le directeur général des finances publiques et le directeur de la direction départementale des finances publiques de la Dordogne, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 février 2021), M. [Z] [C] et Mme [M], qui ont vécu en concubinage jusqu'en décembre 2010, ont notamment constitué, avec [Y] [C], un groupement foncier agricole, le GFA de la Jaubertie (le GFA), propriétaire de bâtiments et terres agricoles.
2. M. [Z] [C] a assigné Mme [M], [Y] [C] et le GFA, en liquidation partage.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [M] fait grief à l'arrêt de dire que le liquidateur du GFA doit prendre en considération pour l'établissement des comptes de liquidation une créance de M. [Z] [C] de 416 000 euros, alors « que dans le cadre d'une assurance de groupe décès-invalidité souscrite en garantie d'un prêt bancaire, les prestations versées par l'assureur bénéficient directement à la banque prêteuse, l'assuré-adhérent n'en bénéficiant qu'indirectement ; que ce dernier ne saurait, après avoir reversé à la banque prêteuse les sommes qu'il a reçues de l'assureur, se prévaloir de la moindre créance, dès lors que le remboursement des échéances du prêt par l'argent de l'assureur n'a pas appauvri son patrimoine personnel ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'en contrepartie du prêt immobilier consenti par la Société générale au GFA, la banque prêteuse avait obtenu des associés du GFA, dont M. [C], qu'ils souscrivent une assurance de groupe décès-invalidité ; qu'elle a relevé également que le remboursement des échéances de prêt par l'assureur, la compagnie Generali, avait éteint la dette du GFA à l'égard de la banque à hauteur de 416 000 euros ; qu'en considérant néanmoins que le bénéficiaire des sommes reçues par la banque prêteuse de l'assurance Generali était M. [C], de sorte que celui-ci disposait d'une créance de 416 000 euros à l'encontre du GFA, cependant que cette somme payée par l'assureur aux fins de rembourser les échéances du prêt consenti par la banque ne bénéficiait pas directement à M. [C] qui n'avait donc pas réglé les échéances à l'aide de ses deniers personnels, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L.141-1 et L.141-4 du code des assurances, ensemble l'article 1844-8 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1844-8 du code civil :
5. Il résulte de ce texte que l'associé d'une société en liquidation ne peut se prévaloir d'une créance, à l'égard du liquidateur, que s'il a exposé des dépenses à l'aide de ses deniers personnels.
6. Pour dire que le liquidateur du GFA doit prendre en considération, pour l'établissement des comptes de liquidation, une créance de M. [Z] [C] de 416 000 euros, l'arrêt constate que le GFA a acquis une propriété, au prix de 480 000 euros, à l'aide d'un prêt de 305 000 euros souscrit auprès de la Société générale, remboursable mensuellement à compter du mois de décembre 2002, dont les échéances ont été prises en charge par l'assureur de M. [Z] [C], la société Generali, à partir du mois de juillet 2003.
7. L'arrêt relève que M. [Z] [C] soutient que sa créance correspond exclusivement au montant des échéances de cet emprunt, remboursées par son assureur.
8. L'arrêt retient ensuite que si les fonds provenant de l'assureur ont été encaissés par la banque et ont éteint l'intégralité de la dette d'emprunt du GFA, le bénéficiaire de ces paiements n'en reste pas moins M. [Z] [C].
9. Il en déduit que la contribution de celui-ci au remboursement de cet emprunt, grâce aux paiements effectués par son assureur, a été supérieur à sa part contributive d'associé.
10. L'arrêt retient, enfin, que les règles qui prévalent en matière d'indivision, en application de l'article 815-13 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer pour l'établissement des comptes de liquidation d'un GFA.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les échéances de l'emprunt contracté par le GFA avaient été remboursées à l'établissement prêteur par l'assureur et non par M. [Z] [C], la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le liquidateur du groupement foncier agricole de la Jaubertie doit prendre en considération, pour l'établissement des comptes de liquidation, une créance de M. [Z] [C] de 416 000 euros, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. [Z] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.