LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 22-84.974 F-D
N° 00765
ECF
14 JUIN 2023
CASSATION PARTIELLE
NON-LIEU A STATUER
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JUIN 2023
M. [Z] [P] et [O] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa, chambre correctionnelle, en date du 28 juin 2022, qui, pour infractions à la législation sur les sociétés et abus de biens sociaux, a condamné, le premier, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 10 000 000 de francs CFP d'amende, dix ans d'interdiction de gérer et une confiscation, le second, à deux ans d'emprisonnement avec sursis, 6 000 000 de francs CFP d'amende et dix ans d'interdiction de gérer.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [Z] [P], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de [O] [K], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Z] [P] et [O] [K], co-associés et cogérants de la [2] ([2]) située à Nouméa, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel respectivement des chefs précités.
3. Par jugement du 13 décembre 2019, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des faits reprochés et les a condamnés, le premier, à deux ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 6 000 000 de francs CFP d'amende et à une mesure de confiscation, le second, à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 3 000 000 de francs CFP d'amende et a déclaré irrecevables les demandes de la partie civile.
4. M. [P] et [O] [K] ont interjeté appel de cette décision.
Examen du pourvoi formé par [O] [K]
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
5. Il résulte des documents régulièrement communiqués que le demandeur est décédé le [Date décès 1] 2022.
6. L'action publique est éteinte à son égard en application de l'article 6 du code de procédure pénale.
7. Il n'y a pas d'intérêts civils en cause.
8. Il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur les moyens présentés pour [O] [K].
Examen des moyens proposés pour M. [Z] [P]
Sur les premier et deuxième moyens
9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la confiscation des sommes saisies sur ses comptes bancaires et/ou assurances-vie à hauteur du montant de l'amende prononcée, alors « qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en se bornant à retenir que « des saisies ayant été opérées sur les comptes bancaires et/ou assurances-vie de [Z] [F] [P], les sommes saisies seront confisquées à hauteur du montant de l'amende prononcée », sans s'expliquer sur la nature et l'origine des sommes saisies ni davantage sur le fondement de la mesure, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
11. Il résulte de ces textes qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur.
12. Hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
13. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
14. Pour ordonner une mesure de confiscation, l'arrêt attaqué énonce que des saisies ayant été opérées sur les comptes bancaires et assurances-vie de M. [P], les sommes saisies seront confisquées à hauteur du montant de l'amende prononcée, le solde devant être restitué au prévenu.
15. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre le bien a été confisqué, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent encourue.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [P] une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de dix ans, alors « que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'en prononçant une interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, sans davantage de précision, lorsque l'interdiction encourue par le prévenu en répression des infractions poursuivies est limitée aux seules entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu les articles 111-3 du code pénal, ensemble l'article L. 249-1 du code de commerce ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 111-3 du code pénal :
18. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
19. Après avoir déclaré M. [P] coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt le condamne notamment à dix ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société.
20. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
21. En effet, l'article L. 249-1 du code du commerce, applicable au délit reproché, limite l'interdiction de diriger aux seules entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, à l'exclusion des entreprises artisanales.
22. La cour d'appel ne pouvait donc viser « toute entreprise ou société » sans limiter l'interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales.
23. La cassation est dès lors à nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par [O] [K] :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par M. [Z] [P] :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 28 juin 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.