LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 juin 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 686 F-D
Pourvoi n° V 22-18.207
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 JUIN 2023
M. [T] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-18.207 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société MD2I, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MD2I, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-14.050, publié), M. [C], directeur commercial de la société MD2I (la société) depuis 1998, a saisi la juridiction prud'homale le 17 janvier 2011 de demandes en paiement puis a sollicité le 18 juillet 2011 la résiliation de son contrat de travail.
2. Il a été licencié le 27 juillet 2011 pour perte de confiance. Par conclusions déposées au greffe le 17 février 2016 et oralement soutenues le 14 mars 2016, il a présenté pour la première fois une demande en nullité de son licenciement, en réintégration et en paiement d'une somme équivalente aux salaires qu'il aurait dû percevoir depuis sa date d'éviction.
3. A la suite de sa réintégration le 28 mars 2019, il a été licencié le 11 avril 2019 pour faute grave.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de ce second licenciement et aux fins de réintégration.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt, statuant après cassation sur le premier licenciement du 27 juillet 2011, de limiter à la période du 14 mars 2016, date des conclusions visées par le greffe, jusqu'au 28 mars 2019 l'indemnité qui lui est due par la société pour nullité du licenciement, soit la somme de 451 213 euros, et de dire qu'il s'en déduit que le salarié devra rembourser à la société en deniers ou en quittances la somme de 451 213 euros, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils sont délimités par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. [C] soutenait avoir formulé pour la première fois sa demande de réintégration dans des conclusions déposées au greffe le 17 février 2016, ce qui n'était pas contesté par la société MD2I, qui faisait valoir que la date du début de la période d'indemnisation du salarié devait être fixée à février 2016 ; qu'en fixant le début de la période d'indemnisation de M. [C] au 14 mars 2016, date de ses conclusions visées par le greffe, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
8. Pour limiter à la période du 14 mars 2016 jusqu'au 28 mars 2019, l'indemnité consécutive à sa demande de réintégration qui lui est due par la société pour nullité du licenciement, l'arrêt retient que le point de départ de l'indemnité à laquelle le salarié a droit doit être fixé à la date des conclusions visées par le greffe le 14 mars 2016 jusqu'au 28 mars 2019, date de sa réintégration dans l'entreprise.
9. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, le salarié soutenait qu'il avait formulé sa demande non en mars 2016 mais le 17 février 2016 par RPVA aux fins de réintégration, et que l'employeur demandait que le point de départ de l'indemnité versée au salarié soit fixé au mois de février 2016, date à laquelle il avait formulé pour la première fois sa demande de réintégration, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il y a lieu de fixer l'indemnité due par la société au salarié pour nullité du licenciement à la période du 17 février 2016, jour de sa première demande de réintégration par conclusions déposées au greffe réitérées oralement à l'audience, jusqu'au 28 mars 2019, soit à la somme 463 575 euros, et dire qu'il s'en déduit que le salarié devra rembourser à la société en deniers ou quittances la somme de 587 195 euros.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnité due par la société MD2I à M. [C] pour nullité du licenciement à la période du 14 mars 2016, date des conclusions visées par le greffe, jusqu'au 28 mars 2019 soit à la somme de 451 213 euros et dit que M. [C] devra rembourser à la société MD2I en deniers ou quittances la somme de 599 557 euros, l'arrêt rendu le 29 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE l'indemnité due par la société MD2I à M. [C] pour nullité du licenciement à la période du 17 février 2016, jour de sa première demande de réintégration, jusqu'au 28 mars 2019, soit à la somme de 463 575 euros, et dit que M. [C] devra rembourser à la société MD2I en deniers ou quittances la somme de 587 195 euros ;
Condamne la société MD2I aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MD2I et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.