LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 421 F-D
Pourvoi n° Z 21-19.058
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
1°/ Mme [G] [T], épouse [K],
2°/ M. [R] [K],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Z 21-19.058 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Durant des Aulnois-Groeninck-Le Magueresse-Vincent, notaires, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [W] [L], domicilié [Adresse 5],
3°/ à [U] [I] ayant été domicilié [Adresse 4],
4°/ à Mme [V] [H], épouse [I], domiciliée [Adresse 4],
5°/ à Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 3],
6°/ à M. [N] [I], domicilié [Adresse 6],
tous trois pris en qualité d'héritiers de [U] [I], décédé,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller doyen, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [K], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Durant des Aulnois-Groeninck- Le Magueresse-Vincent, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [L], et [I], après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen rapporteur, Mme Farrenq-Nési, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 avril 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 février 2020, pourvoi n° 18-23.779), par acte du 29 février 1996, [U] [I] a vendu à M. et Mme [K] le lot n° 13 d'un immeuble en copropriété, soit une pièce située au sixième étage et les sept millièmes des parties communes. Par acte du 27 février 2007, il a vendu à M. [L] dans le même immeuble le lot n° 24, dont il avait hérité en 2006, soit une pièce située au même étage et les trois millièmes des parties communes. A la suite de chacune de ces ventes, [U] [I] a remis à M. et Mme [K] les clés du lot n° 24, et à M. [L] les clés du lot n° 13.
2. Le 27 novembre 2014, M. et Mme [K] ont assigné M. [L] en remise des clés du lot n° 13 et en paiement de diverses sommes.
3. [U] [I] et la société civile professionnelle Durant des Aulnois-Groeninck-Le Magueresse-Vincent (la SCP) ont été appelés en intervention forcée.
4. [U] [I] est décédé le 21 janvier 2022 et ses héritiers ont été attraits à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [K] font grief à l'arrêt de constater que [U] [I] a vendu à M. [L], par acte du 27 février 2007, le lot n° 13 de l'état de division de l'immeuble, soit une pièce au sixième étage, donnant sur la cour, porte n° 1, et les sept millièmes des parties communes, et leur a vendu, par acte du 29 février 1996, dans le même immeuble, le lot n° 24 de l'état de division de l'immeuble, soit une pièce au sixième étage donnant sur la cour, porte n° 12, et les trois millièmes des parties communes et de les condamner, sous astreinte, à faire rectifier en ce sens, devant notaire, l'acte du 29 février 1996, alors :
« 1°/ qu'il résultait clairement de l'acte de vente du 29 février 1996 que les époux [K] ont acquis le lot n° 13, porte 1, correspondant aux 7/1000èmes des parties communes ; qu'en jugeant que l'acte de vente du 29 février 1996 devait être interprété au regard de la commune intention des parties et qu'en raison du comportement des époux [K] qui avaient occupé sans protester le lot 24 dont la clef leur avait été attribuée par erreur et du but poursuivi par M. [L] lors de son acquisition, à savoir la mise en location, la vente de 1996 aurait en réalité porté sur un débarras de 6,45 m2, soit sur le lot n° 24 et non le lot n° 13 comme indiqué dans l'acte de vente, la cour d'appel qui a interprété l'acte précité a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les actes qui lui sont soumis ;
2°/ qu'en se bornant, pour dire que l'intention des parties à l'acte de vente du 27 février 2007 portait sur le lot n° 13, sur la seule mise en possession du bien par la remise des clés de ce local à M. [L], sans constater autrement l'intention, d'une part, de M. [I] de vendre ce lot n°13, et d'autre part, de M. [L] de l'acquérir, la cour d'appel, a privé sa décision de motifs suffisants, en violation de l'article 455 du code civil ;
3°/ que les époux [K] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 7 § 9 à p. 8 § 10, p. 11 § 11, p. 28 § 4 et 5 ) que M. [I] n'étant propriétaire, en 1996, que du lot n° 13 et non du lot n° 24 appartenant alors à sa tante [E] [I], dont il n'avait hérité qu'en 2006, à son décès, il était exclu qu'il ait pu avoir l'intention de leur céder ce dernier bien en 1996 ; qu'en se bornant, pour dire que dans la commune intention des parties, la vente de 1996 portait sur le lot n° 24, à relever que les époux [K] ont été mis en possession de ce bien, par la remise des clés et qu'ils l'ont occupé sans protestation ni réserves jusqu'en 2014, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions opérantes précitées, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les époux [K] faisaient également valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 28 § 7 à 9, p. 29 § 1 à 3, p. 30 § 5 et s. à p. 31 § 5 et 6) que [E] [I] avait été propriétaire du lot n° 24 de 1958 jusqu'à son décès en 2006, avait participé activement à la copropriété et notamment lors des 19 assemblées générales de copropriétaires de 1993 à 2004, en donnant pouvoir 18 fois dont une fois seulement à son neveu M. [I] alors qu'il connaissait parfaitement la situation des lots du 6ème étage ; qu'en se bornant, pour dire que dans la commune intention des parties, la vente de 1996 portait sur le lot n° 24, à relever que les époux [K] ont été mis en possession de ce bien, par la remise des clés et qu'ils l'ont occupé sans protestation ni réserves jusqu'en 2014, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions opérantes précitées, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que les époux [K] faisaient en outre valoir dans leurs conclusions d'appel ( p. 28 § 2 et 3) qu'ils avaient réglé, depuis 25 ans, leurs charges et quotes-parts de travaux sur la base des tantièmes affectés au lot n° 13, soit 7/1000èmes et que M. [L], quant à lui avait réglé, depuis 2007, les charges de l'immeuble et le prorata des frais sur travaux sur la base des tantièmes affectés au lot n° 24, soit 3/1000èmes ; qu'en se bornant, pour dire que dans la commune intention des parties, la vente de 1996 portait sur le lot n° 24, et celle de 2007 sur le lot n° 13, à relever que les époux [K] avaient été mis en possession de ce bien, par la remise des clés, qu'ils l'avaient occupé sans protestation ni réserves jusqu'en 2014 et que M. [L] avait bien été mis en possession de la chambre de service située au 6ème étage par la remise des clés de ce local, la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions opérantes précitées dont il résultait que, conformément aux stipulations des deux actes de vente, M. et Mme [K] avaient bien eu l'intention d'acquérir le lot n° 13 en 1996 et M. [L] le lot n° 24 en 2007, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que les époux [K] faisaient encore valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 30 § 3) qu'entre 1958 et 1996, M. [I] avait réglé les charges de l'immeuble et le prorata des frais de travaux sur la base des tantièmes affectés au lot n° 13, soit 7/1000èmes ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions opérantes dont il résultait que M. [I] n'avait pu avoir l'intention de vendre en 1996 que le lot n° 13, seule chambre dont il était propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que les époux [K] faisaient encore valoir, dans leurs conclusions d'appel (p. 8 § 1) qu'à la suite de la vente de 1996, M. [I] n'était propriétaire d'aucun lot dans l'immeuble, qu'en conséquence, il ne figurait plus sur la liste des copropriétaires et n'avait payé aucune charge de copropriété entre 1996 et 2006 ; qu'en se bornant, pour dire que dans la commune intention des parties, la vente de 1996 portait sur le lot n° 24 et celle de 2007 sur le lot n° 13, à relever que les époux [K] ont été mis en possession de ce bien, par la remise des clés et qu'ils l'ont occupé sans protestation ni réserves jusqu'en 2014, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions précitées dont il résultait que M. [I] n'avait pas pu avoir l'intention de vendre, en 2007, le lot n° 13, violant une nouvelle fois l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ qu'enfin, les époux [K] faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 12 § 8 et 9, p. 13 § 1 à 10) que la perte de chance alléguée par M. [L] qui prétendait avoir été privé de la possibilité de revendre en 2014 son lot au prix de 110 000 euros alors qu'il l'avait acquis en 2007 au prix de 40 000 euros mettait en exergue une plus-value potentielle extraordinaire et que cette différence de prix (+ de 70 000 euros en 7 ans) ne s'expliquait pas par l'évolution du marché immobilier mais par le fait que le bien acquis en 2007 ne correspondait pas au bien objet de la promesse de vente de 2014 ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions opérantes dont il résultait qu'en 2007, la commune intention de M. [I] et M. [L] n'avait pu porter que sur la vente du lot n° 24, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a exactement énoncé que l'objet du contrat de vente devait être déterminé en fonction de la volonté réelle des parties sans qu'il y ait lieu de s'arrêter aux indications de l'acte, dès lors qu'il incombe aux juges du fond de rechercher l'intention des parties contractantes dans les termes employés par elles dans leurs conventions, comme dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester.
7. En premier lieu, elle a relevé que, lors de la vente conclue le 29 février 1996 entre [U] [I] et M. et Mme [K], qui avaient acquis principalement un appartement dans l'immeuble, l'acte désignait le lot litigieux comme étant le lot n° 13, avec la précision qu'il était constitué d'une pièce située au sixième étage et des sept millièmes des parties communes.
8. Elle a retenu que, si cette désignation correspondait à une chambre de service située au même étage, il apparaissait cependant que, dans la commune intention des parties, la vente portait sur le débarras situé au sixième étage de l'immeuble que M. et Mme [K], qui en avaient été mis en possession par la remise des clés, avaient occupé sans protestation ni réserves jusqu'en 2014.
9. En second lieu, elle a relevé que, lors de la vente conclue le 27 février 2007 entre [U] [I] et M. [L], il avait été indiqué, dans l'acte, que la vente portait sur le lot n° 24 et les trois millièmes des parties communes, cette désignation correspondant au débarras occupé par M. et Mme [K], et retenu que dans la commune intention des parties cette vente portait sur la chambre de service située également au sixième étage, dont M. [L] avait été mis en possession par la remise des clés de ce local.
10. Elle en a souverainement déduit, sans dénaturation et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la commune intention des parties, nonobstant la désignation erronée dans les actes des lots objet des ventes, que la vente du 29 février 1996 entre [U] [I] et M. et Mme [K] avait porté sur le lot n° 24 du règlement de copropriété de l'immeuble et non sur le lot n° 13 et que celle du 27 février 2007 entre [U] [I] et M. [L] avait porté sur le lot n° 13 de ce règlement et non sur le lot n° 24.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.