LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juin 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 391 F-D
Pourvoi n° V 22-18.759
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023
1°/ M. [W] [B], domicilié
2°/ Mme [V] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° V 22-18.759 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-8), dans le litige les opposant à la société Compagnie européenne de garanties et de cautions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], de Mme [B], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et de cautions, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2022) et les productions, les 8 et 12 mai 2008, la société Caisse d'épargne Provence Alpes Corse (la banque) a consenti à M. et Mme [B] (les emprunteurs), d'une part, deux prêts immobiliers, et à Mme [B], d'autre part, un troisième prêt immobilier, M. [B] se portant caution de ce dernier prêt. Les prêts ont été garantis par le cautionnement de la société Compagnie européenne de garanties et de cautions (la caution professionnelle).
2. A la suite d'échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts, avant d'être désintéressée par la caution professionnelle, qui a assigné les emprunteurs en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la caution professionnelle les sommes de 164 383,25 euros, 12 667,67 euros et 5 867,83 euros, soit la somme totale de 182 918,75 euros, alors « que l'objet du litige est déterminé par les conclusions respectives des parties ; qu'en confirmant le jugement ayant condamné les époux [B] à verser une somme totale de 182 918,75 euros à la CEGC, cependant que cette dernière avait ramené ses demandes en paiement en cause d'appel à hauteur de la somme totale de 46 958,91 euros, comprenant trois sommes de 27 747,17 euros, 13 129,83 et 6 081,91 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La caution professionnelle invoque l'irrecevabilité du moyen. Elle soutient que le fait de statuer sur des choses non demandées ou au delà de ce qui est demandé, en méconnaissance de l'article 5 du code de procédure civile, s'il ne s'accompagne pas d'une autre violation de la loi, ne peut donner lieu à l'exercice d'un pourvoi en cassation.
6. Cependant, s'il résulte de l'article 616 du code de procédure civile qu'une omission de statuer ne donne pas ouverture à cassation dès lors qu'elle peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 de ce code, aucune disposition légale ne prohibe l'exercice d'un pourvoi en cassation lorsqu'est invoquée une violation de l'article 5 de ce code.
7. Le moyen, pris en sa première branche, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
8. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
9. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
10. L'arrêt condamne les emprunteurs à payer à la caution professionnelle les sommes de 164 383,25 euros, 12 667,67 euros et 5 867,83 euros, soit la somme totale de 182 918,75 euros, avec intérêts de retard au taux légal et capitalisation de ceux-ci.
11. En statuant ainsi, alors que la caution professionnelle avait demandé paiement d'une somme totale de 46 958,91 euros, comprenant trois sommes de 27 747,17 euros, 13 129,83 et 6 081,91 euros, compte tenu du versement, par les emprunteurs, d'une somme de 140 000 euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige et a accordé plus qu'il n'était demandé, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [B] à payer à la société Compagnie européennes de garanties et cautions les sommes de 164 383,25 euros avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 12 octobre 2017 et de 12 667,67 euros avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 6 avril 2018, et en ce qu'il condamne Mme [B] à payer à la société Compagnie européennes de garanties et cautions la somme de 5 867,83 euros avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 12 octobre 2017, solidairement avec M. [B] à hauteur de la moitié des sommes dues, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Compagnie européenne de garanties et de cautions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.