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07/06/2023 | FRANCE | N°22-16758

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 juin 2023, 22-16758


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juin 2023

Cassation

Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° V 22-16.758

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023

M. [B] [X], domicilié [Adres

se 1], a formé le pourvoi n° V 22-16.758 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juin 2023

Cassation

Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 403 F-D

Pourvoi n° V 22-16.758

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023

M. [B] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-16.758 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Banque MISR Liban, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Liban), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Banque MISR Liban, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2022), par acte du 6 janvier 2021, M. [X], domicilié en France, a assigné la société Banque MISR Liban (BML), ayant son siège au Liban en restitution des avoirs déposés sur un compte ouvert auprès de cette banque en 2015.

2. La BML a soulevé l'incompétence des juridictions françaises.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre incompétent pour connaître de ses actions et prétentions contre la société BML et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ qu''il résulte de l'article 17 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 que, en cas de contrat conclu entre un consommateur et un défendeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, l'action peut être intentée devant la juridiction du lieu du domicile du consommateur notamment lorsque ledit « contrat a été conclu avec une personne [?] qui, par tout moyen, dirige ses activités vers » « l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile » « ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités » ; qu'en l'espèce, pour décider que le tribunal judiciaire de Nanterre, dans le ressort duquel M. [X], consommateur, était domicilié, étaient incompétent, la cour d'appel a jugé que « la question n'est pas tant celle de savoir si la BML "qui exerce des activités commerciales ou professionnelles", "dirige ces activités" vers la France, mais si ses activités dirigées vers la France ont permis la souscription du contrat » ; qu'en statuant ainsi, quand l'article 17 susvisé requiert uniquement de rechercher si la banque envisageait, avant la conclusion du contrat, de commercer avec des consommateurs français, indépendamment du point de savoir si ses activités avaient « permis » ou non la conclusion du contrat litigieux, la cour d'appel, qui, adoptant une approche subjective en lui et place d'une approche objective, a recherché contra legem l'existence d'un lien de causalité entre les activités de la banque dirigées vers la France et la conclusion du contrat avec l'exposant, a violé l'article 17 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

2°/ qu'il résulte de l'article 17 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 que, en cas de contrat conclu entre un consommateur et un défendeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, l'action peut être intentée devant la juridiction du lieu du domicile du consommateur notamment lorsque ledit « contrat a été conclu avec une personne [?] qui, par tout moyen, dirige ces activités vers » « l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile » « ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté la compétence du tribunal judiciaire du domicile du demandeur, au motif que « même à supposer établi que la BML [?] dirige son activité vers la France [?] les pièces versées aux débats démontrent d'abord que M. [X] entretenait une relation commerciale suivie avec M. [V], salarié de la BML qui y était son interlocuteur et qui lui a fait signer le contrat litigieux » ; qu'en considérant ainsi qu'une circonstance non prévue par l'article 17 susvisé pouvait faire échec à l'application de l'article 18 du Règlement, la cour d'appel a violé l'article 17 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ; »

Réponse de la Cour

Vu l'article 17 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale :

4. Il résulte de ce texte que les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs s'appliquent à tous types de contrats conclus par un consommateur à des fins non professionnelles avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel ce consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ses activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, à l'exclusion des contrats de transports autres que ceux qui combinent voyage et hébergement.

5. Il ressort, en outre, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'afin de déterminer si un commerçant, dont l'activité est présentée sur son site internet, peut être considéré comme « dirigeant » son activité vers l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, au sens de l'article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement susvisé, il convient de vérifier si, avant la conclusion éventuelle d'un contrat avec le consommateur, il ressort de ces sites internet et de l'activité globale du commerçant que ce dernier envisageait de commercer avec des consommateurs domiciliés dans un ou plusieurs États membres, dont celui dans lequel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu'il était disposé à conclure un contrat avec eux (CJUE, 7 décembre 2010, C-585/08 et C 144/09, point 92), qu'il appartient au juge national de vérifier l'existence d'indices dont une liste non exhaustive est proposée (point 93) étant précisé que si « le site internet permet aux consommateurs d'utiliser une autre langue ou une autre monnaie que [les langues habituellement utilisées dans l'État membre à partir duquel le commerçant exerce son activité et à la monnaie de cet État membre], la langue et/ou la monnaie peuvent être prises en considération et constituer un indice permettant de considérer que l'activité du commerçant est dirigée vers d'autres États membres » (point 84) et qu'en revanche, la simple accessibilité du site internet du commerçant ou de celui de l'intermédiaire dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante, qu'il en va de même de la mention d'une adresse électronique ainsi que d'autres coordonnées ou de l'emploi d'une langue ou d'une monnaie qui sont la langue et/ou la monnaie habituellement utilisées dans l'État membre dans lequel le commerçant est établi (point 94) et que ce texte n'exige pas l'existence d'un lien de causalité entre le moyen employé pour diriger l'activité commerciale ou professionnelle vers l'État membre du domicile du consommateur, à savoir un site internet, et la conclusion du contrat avec ce consommateur (CJUE, 17 octobre 2013 C-218/12, point 32).

6. Pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par la BML, l'arrêt retient que la question n'est pas tant celle de savoir si la BML, qui exerce des activités commerciales ou professionnelles, les dirige vers la France, mais si ses activités dirigées vers la France ont permis la souscription du contrat, et que les pièces versées aux débats démontrent que M. [X] entretenait une relation commerciale suivie avec M. [V], salarié de la BML qui lui a fait signer le contrat litigieux de sorte que ce n'est pas la BML en sa qualité de commerçant qui a manifesté sa volonté d'établir des relations commerciales avec M. [X], mais celui-ci et M. [V] qui ont décidé de poursuivre une relation commerciale ancienne et que l'antériorité au contrat de cette relation entre un chargé de clientèle et son client empêche de caractériser le critère tenant à l'orientation de l'activité commerciale de la BML vers les consommateurs français constitutive d'un indice tel qu'il est exigé par le texte précité.

7. En statuant ainsi, alors que l'article 17 du règlement Bruxelles I bis subordonne la compétence des juridictions de l'Etat membre du domicile du consommateur à la seule circonstance que le commerçant ait envisagé, avant la conclusion du contrat, de commercer avec des consommateurs domiciliés dans cet Etat, indépendamment du point de savoir s'il existait un lien de causalité entre les moyens employés par le commerçant pour diriger son activité vers cet État et la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Banque MISR Liban aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque MISR Liban et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 22-16758
Date de la décision : 07/06/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 jui. 2023, pourvoi n°22-16758


Composition du Tribunal
Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.16758
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