LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 669 F-D
Pourvoi n° Z 22-11.633
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023
Mme [P] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-11.633 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Eiffage métal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eiffage métal, après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 septembre 2021), Mme [U] a été engagée en qualité d'assistante document control par la société Eiffage construction métallique, désormais dénommée Eiffage métal, suivant contrat de mission temporaire, pour la période du 17 octobre 2011 au 20 janvier 2012. À compter du 6 février 2012, elle a été engagée en contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistante de direction.
2. Licenciée le 22 août 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en relevant que la salariée produisait un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées de 2013 à 2016, indiquant seulement le nombre d'heures supplémentaires réalisées par année ainsi que des courriels adressés tardivement par ses soins, pour certains à elle-même, au cours de l'année 2015" pour en déduire que ces éléments n'apparaiss[ai]ent pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre", quand ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement et que ce dernier n'avait fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par l'intéressée, la cour d'appel, qui a fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
7. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt constate que l'intéressée produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées de 2013 à 2016, indiquant seulement le nombre d'heures supplémentaires réalisées par année, ainsi que des courriels adressés tardivement par ses soins, pour certains à elle-même, au cours de l'année 2015. Il en conclut que ces éléments n'apparaissent pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [U] de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Eiffage métal aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage métal et la condamne à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.