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01/06/2023 | FRANCE | N°21-17790

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juin 2023, 21-17790


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 398 F-D

Pourvoi n° W 21-17.790

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023

La société LBI développement, société par actions

simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-17.790 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Besançon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 398 F-D

Pourvoi n° W 21-17.790

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023

La société LBI développement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 21-17.790 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Centre de biologie médicale 25, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10],

2°/ à M. [V] [H], domicilié [Adresse 11],

3°/ à la société AHR Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],

4°/ à la société New Flight, société civile, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à Mme [B] [K], domiciliée [Adresse 1],

6°/ à M. [L] [A], domicilié [Adresse 6],

7°/ à la société SFLEH, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

8°/ à M. [J] [G], domicilié [Adresse 12],

9°/ à la société Sparo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12],

10°/ à Mme [N] [P], domiciliée [Adresse 2],

11°/ à la société MCP Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

12°/ à M. [E] [C], domicilié [Adresse 7],

13°/ à la société MAA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

14°/ à M. [S] [X], domicilié [Adresse 9],

15°/ à la société D.PHI Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

16°/ à M. [O] [D], domicilié [Adresse 3],

17°/ à la société Anyway Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société LBI développement, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Centre de biologie médicale 25, AHR Holding, New Flight, SFLEH, Sparo, MCP Holding, MAA, D.PHI Holding, Anyway Invest, de MM. [H] [A], [G], [C], [X], [D] et de Mmes [K] et [P], après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er juin 2021) et les productions, par un contrat d'affiliation du 1er septembre 2016, la société LBI développement (la société LBI), qui regroupe plusieurs laboratoires de biologie médicale, a consenti à la société Centre de biologie médicale 25 (la société CBM), qui exploite un laboratoire de même nature sur plusieurs sites, le droit d'utiliser son enseigne et ses méthodes.

2. L'article 19 du contrat d'affiliation stipule un droit de préférence au profit de l'affiliant dans l'éventualité d'une cession des titres de l'affilié à un tiers, ce droit devant être exercé dans les quatre mois suivant la notification du projet de cession. Il prévoit également que le droit de préférence s'exerce aux conditions de prix prévues dans le projet de cession qui a été notifié par l'affilié et que la cession des titres doit être réalisée dans un délai d'au moins deux mois à compter de la notification, par l'affiliant, de l'exercice de son droit de préférence.

3. Le 15 mai 2020, la société CBM a notifié à la société LBI un projet de cession de ses titres à la société CAB.

4. Soutenant ne pas disposer, sur les conditions de cette cession, d'une information loyale et sincère lui permettant d'exercer de manière éclairée son droit de préférence, la société LBI a assigné la société CBM et les associés cédants aux fins d'obtenir la communication d'éléments d'information complémentaires.

5. Un jugement du 24 novembre 2020 a ordonné, sous astreinte, à la société CBM de communiquer à la société LBI diverses pièces relatives à la cession envisagée et a suspendu le délai d'exercice du droit de préférence stipulé au contrat d'affiliation jusqu'à la complète exécution de la décision.

6. Le 8 décembre 2020, la société LBI a notifié à la société CBM qu'elle exerçait son droit de préférence sur les titres dont la cession était envisagée.

7. Le 16 décembre 2020, la société CBM et les associés cédants ont relevé appel du jugement du 24 novembre 2020.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La société LBI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de communication d'informations, de suspension du délai d'exercice de son droit de préemption et de dommages et intérêts, dirigées contre la société CBM et ses associés, alors :

« 1°/ que la communication de pièces ordonnée par le juge, dans le cadre de l'exercice, par une partie, de son droit de préférence, ne perd pas tout intérêt dès l'exercice de celui-ci, dès lors que la communication de pièces avait pour but de l'éclairer sur les conséquences de l'opération ; qu'en ayant jugé que la communication de pièces ordonnée par le premier juge avait perdu toute utilité dès que la société LBI avait exercé son droit de préemption des titres de la société CBM, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette communication ne conservait pas toute son utilité, pour éclairer la société LBI sur la situation réelle de la société cible, au regard notamment de sa gestion en sous-main par la société concurrente Biogroup, via la société CAB, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1112-1, 1114, 1123 du code civil et 133 du code de procédure civile ;

2°/ que la communication de pièces ordonnée par le juge, dans le cadre de l'exercice, par une partie, de son droit de préférence, ne perd pas tout intérêt dès l'exercice de celui-ci, dès lors que la communication de pièces avait pour but de l'éclairer sur les conséquences de l'opération ; qu'en ayant jugé que la communication de pièces ordonnée par le premier juge avait perdu toute utilité dès que la société LBI avait exercé son droit de préemption des titres de la société CBM, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette communication ne conservait pas toute son utilité, dès lors que la société CBM et ses associés avaient fait le choix réfléchi de dissimuler à l'exposante la teneur exacte des mouvements comptables et de la trésorerie de la société cible, pour empêcher la société LBI de se substituer à la société CAB dans les conditions réelles de l'accord intervenu entre cette dernière et la société CBM, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1112-1, 1114, 1123 du code civil et 133 du code de procédure civile ;

3°/ que la communication de pièces ordonnée par le juge, dans le cadre de l'exercice, par une partie, de son droit de préférence, ne perd pas tout intérêt dès l'exercice de celui-ci, dès lors que la communication de pièces avait pour but de l'éclairer sur les conséquences de l'opération ; qu'en ayant jugé que la communication de pièces ordonnée par le premier juge avait perdu toute utilité dès que la société LBI avait exercé son droit de préemption des titres de la société CBM, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette communication ne conservait pas toute son utilité, dès lors que la société LBI avait exercé son droit de préemption, sans attendre les pièces qui lui manquaient pour prendre sa décision en toute connaissance, afin de couper court aux allégations des cédants à son encontre, prétendant qu'elle n'avait pas l'intention sérieuse d'user de son droit de préférence, ce qui ne la privait pas du droit de se prévaloir de tout élément défavorable qu'elle pourrait découvrir et ne pouvait être permis que par la communication de pièces litigieuse, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés ;

4°/ que la communication de pièces ordonnée dans le cadre de l'exercice d'un droit de préférence ne perd pas tout intérêt, lorsque celui-ci a été exercé, dès lors que les pièces demandées restent utiles pour apprécier la fraude pressentie par le titulaire du droit ; qu'en ayant jugé que la communication de pièces ordonnée par le premier juge avait perdu toute utilité dès que la société LBI avait exercé son droit de préemption des titres de la société CBM, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette communication ne conservait pas toute son utilité, pour permettre à l'exposante d'apprécier si elle n'avait pas subi une fraude de la part des cédants et de sa concurrente, [la société] Biogroup, ce qui lui ouvrait droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et 133 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en ayant jugé que la mesure de communication accordée en première instance était devenue inutile par suite de l'exercice, par la société LBI, de son droit de préférence, "peu important qu'à cette date le délai d'exercice du droit de préférence, suspendu par le premier juge à la communication de toutes les pièces, ait pu ne pas être accompli, cette circonstance n'apparaissant pas de nature à restituer leur utilité aux informations demandées", quand les parties ne s'étaient pas demandé si une levée du droit de préférence pendant la période de suspension ordonnée par le premier jugée était de nature à rendre cet acte inopérant, mais plutôt de savoir s'il n'était pas frappé de caducité, en suite de l'exercice d'un prétendu droit de repentir par les cédants, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6°/ que la communication de pièces ordonnée dans le cadre de l'exercice d'un droit de préférence ne perd pas tout intérêt, lorsque celui-ci a été exercé, dès lors que le droit de repentir exercé par les cédants est susceptible de frapper de caducité l'exercice de ce droit de préférence ; qu'en ayant jugé que la communication de pièces ordonnée par le premier juge avait perdu toute utilité, au motif inopérant "qu'il importe peu qu'à cette date [celle de l'exercice du droit], le délai d'exercice du droit de préférence, suspendu par le premier juge, à la communication de toutes les pièces, ait pu ne pas être accompli", alors que la question qui se posait était celle de savoir si l'exercice par la société CBM et ses associés de leur prétendu droit de repentir n'avait pas rendu caduc le droit de préférence de la société LBI, difficulté qui n'a pas été tranchée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1112-1, 1114, 1123 du code civil et 133 du code de procédure civile ;

7°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes d'un droit de préférence ; qu'en ayant jugé que la demande de communication de documents ne pouvait être satisfaite sur le fondement de l'article 19 du contrat d'affiliation, dont les termes étaient limitatifs, quand l'introduction du terme "a minima" suggérait que le titulaire du droit de préférence était en droit d'obtenir des informations complémentaires, ce dont il résultait que les informations énoncées à l'article 19 constituaient un minimum, si bien que leur énumération n'était pas limitative, la cour d'appel a dénaturé cette clause du contrat d'affiliation, en méconnaissance du principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

8°/ qu'une demande d'indemnisation ne peut être rejetée, au seul motif d'un défaut de preuve du préjudice que la demande de communication de pièces rejetée avait pour objet de constituer ; qu'en ayant rejeté la demande d'indemnisation présentée par la société LBI, "en l'absence de toute caractérisation du dommage", quand la communication de pièces demandée avait précisément pour objet de l'établir, soit la tentative de détournement du droit de préférence en cause et la prise de contrôle de la société cible par la société concurrente Biogroup, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et 133 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir constaté que la société LBI avait demandé la communication des pièces en litige afin de pouvoir apprécier en connaissance de cause l'opportunité d'exercer son droit de préférence stipulé dans le contrat d'affiliation et que le jugement du 24 novembre 2020 avait accueilli cette demande et suspendu le délai contractuel d'exercice du droit de préférence jusqu'à l'obtention de ces pièces, l'arrêt relève que la société LBI a, le 8 décembre 2020, signifié à la société CBM et à ses associés l'exercice de son droit de préférence.

10. De ces constatations, dont il résulte que la société LBI n'était pas tenue d'exercer son droit de préférence tant que les éléments d'information relatifs à la cession envisagée ne lui avaient pas été communiqués, de sorte qu'en exerçant ce droit, elle avait implicitement mais nécessairement estimé avoir pu le faire de manière éclairée, en dépit de l'absence de communication de ces éléments, la cour d'appel a exactement déduit que la demande de communication des informations litigieuses était devenue sans objet depuis que la société LBI avait signifié l'exercice de son droit de préférence aux cédants le 8 décembre 2020 et que cette société ne justifiait pas d'un dommage résultant d'une fragilisation de l'exercice éclairé de son droit de préemption.

11. Le moyen, inopérant en ses cinquième, sixième et septième branches en ce qu'elles critiquent des motifs surabondants de l'arrêt, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société LBI développement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société LBI développement et la condamne à payer aux sociétés Centre de biologie médicale 25, AHR Holding, New Flight, SFLEH, Sparo, MCP Holding, MAA, D.PHI Holding, Anyway Invest et à MM. [H], [A], [G], [C], [X], [D] et Mmes [K] et [P], la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21-17790
Date de la décision : 01/06/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 01 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 2023, pourvoi n°21-17790


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.17790
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