LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Rejet
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 518 F-D
Pourvoi n° B 21-23.200
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [E] [I], domicilié [Adresse 2] (Suisse), a formé le pourvoi n° B 21-23.200 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [N],
2°/ à Mme [G] [O], épouse [N],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 juillet 2021), le 21 janvier 2015, un incendie s'est déclaré dans l'immeuble de M. et Mme [N] lequel s'est propagé à celui de M. [I].
2. Par ordonnance du 12 mai 2016, un tribunal de grande instance a ordonné une mesure d'expertise. L'expert, qui a déposé son rapport le 30 janvier 2017, a conclu que le feu était d'origine accidentelle, que son point de départ était la chambre n° 3 de la maison de M. et Mme [N] et qu'il avait probablement été généré par l'échauffement et l'éclatement d'un chargeur et d'une batterie.
3. Le 6 avril 2018, M. [I] a assigné M. et Mme [N] en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [I] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors :
« 1°/ qu'un arrêt de cour d'appel doit être rendu par trois magistrats au moins, délibérant en nombre impair ; que les jugements qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nuls ; que le vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; que selon l'arrêt attaqué, la cour d'appel était composée lors de l'audience publique tenue le 5 janvier 2021 et lors du délibéré, de Mme [W], conseillère faisant fonction de présidente, de M. [D], conseiller qui a procédé au rapport et de M. [Z], conseiller ; qu'il ressort des avis du greffe que le délibéré, initialement fixé au 25 février 2021, a été prorogé jusqu'au 13 juillet 2021, postérieurement au décès de M. [D], survenu le [Date décès 3] 2021 ; qu'en conséquence, l'arrêt, qui ne justifie pas de sa composition régulière, est entaché de nullité au regard des articles 454 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire ;
2°/ qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer, à peine de nullité de la décision et en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction après l'ouverture des débats, ceux-ci doivent être repris ; que selon l'arrêt attaqué, la cour d'appel était composée lors de l'audience publique tenue le 5 janvier 2021, de Mme [W], de M. [D] et de M. [Z], conseillers ; qu'il ressort des avis du greffe que le délibéré, initialement fixé au 25 février 2021, a été prorogé jusqu'au 13 juillet 2021, postérieurement au décès de M. [D], survenu le [Date décès 3] 2021 ; que la composition de la juridiction se trouvant modifiée après l'audience publique, les débats devaient être repris ; qu'il ressort néanmoins des mentions de l'arrêt attaqué que la composition de la cour lors du délibéré était la même que celle de l'audience publique en violation des articles 432, 447 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Par application de l'article 457 du code de procédure civile, les mentions de l'arrêt précisant le nom des juges ayant assisté à l'audience et au délibéré, dont M. [D], font foi jusqu'à inscription de faux. En l'absence d'une telle inscription de faux, elles ne peuvent être critiquées.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. M. [I] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que « l'accu de technologie Li-Ion », mis en charge par M. [N] et dont l'échauffement et l'éclatement sont la cause de l'incendie, « « nécessite un chargeur Li-Ion spécifique pour être chargé » ce qui constitue une prescription technique à respecter » ; que selon la pièce adverse 14 intitulée « Descriptif Ultramat 14 » décrivant le chargeur utilisé le jour de l'incendie, ce chargeur peut être utilisé pour la charge de batteries « NimH, NiCd, LiPo, Lilo, LiMn, LiFe ou plomb » ; qu'aussi, en se fondant sur ce document pour juger que M. [N] n'avait pas commis de faute en utilisant ce chargeur au motif qu'« il ressort de la pièce 14 des appelants que le chargeur Ultramat 14 peut être utilisé pour charger des batteries Li Io », la cour d'appel a dénaturé le dit document en violation du principe susvisé ;
2°/ qu'en tout état de cause, la responsabilité de celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance est engagée vis-à-vis des tiers victimes des dommages causés par cet incendie, dès lors qu'il est prouvé que soit la naissance de l'incendie, soit son aggravation ou son extension doivent être attribuées à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que « l'accu de technologie Li-Ion », mis en charge par M. [N] et dont l'échauffement et l'éclatement sont la cause de l'incendie, « « nécessite un chargeur Li-Ion spécifique pour être chargé » ce qui constitue une prescription technique à respecter » ; qu'en retenant néanmoins, pour juger que le chargeur utilisé le jour de l'incendie par M. [N] n'était pas techniquement inadapté et écarter toute faute de ce dernier, que le descriptif de ce chargeur multi type présentait les caractéristiques de charge et de protection décrites par l'expert quand de telles constatations étaient insuffisantes à établir la compatibilité du chargeur utilisé à la prescription technique préalablement relevée indiquant la nécessité d'utilisation d'un chargeur spécifique Li-Ion et excluant donc l'utilisation d'un chargeur universel, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants à écarter la faute de M. [N] privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 2 devenu 1242, alinéa 2 du code civil ;
3°/ que toute faute résultant d'une maladresse, imprudence, inattention ou négligence est susceptible d'engager la responsabilité du gardien de la chose dans laquelle l'incendie a pris naissance ; qu'en jugeant que la preuve de la faute de M. [N] consistant à la mise en charge d'une pile Li-Ion sur un chargeur non adapté n'était pas rapportée dès lors que ce dernier avait utilisé un chargeur de type universel qui répondrait aux caractéristiques de charge et de protection décrites par l'expert sans rechercher si la circonstance, relevée par la cour d'appel, que ce type de pile « « nécessite un chargeur Li-Ion spécifique pour être chargé » ce qui constitue une prescription technique à respecter » n'était pas de nature à démontrer que le fait, pour M. [N] de ne pas suivre une telle prescription, était constitutif d'une imprudence ou d'un négligence fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil ;
4°/ qu'il appartient au juge de répondre aux conclusions dont il est régulièrement saisi ; que M. [I] faisait valoir à cet égard que la faute de M. [N] à l'origine du sinistre résidait également dans une installation électrique non conforme que ce dernier avait réalisée et que le juge de première instance avait pour sa part retenue comme ayant concouru, facteur aggravant, à la propagation de l'incendie aux habitations mitoyennes dont celles de M. [I] ; qu'en s'étant abstenu de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt retient d'abord que l'incendie a été causé par un échauffement et un éclatement d'une pile en charge.
9. Il relève ensuite que si l'hypothèse d'un défaut de conformité de l'installation électrique est citée plusieurs fois dans le rapport d'expertise, elle n'a cependant jamais été étayée par des éléments techniques, vérifiée et retenue.
10. Il énonce également qu'il résulte de la fiche technique de la pile que la préconisation d'utilisation d'un chargeur professionnel, qui ne peut être acheté qu'auprès du vendeur de la pile, ne constitue qu'une simple recommandation, voire une proposition commerciale.
11. L'arrêt ajoute qu'il ressort du descriptif du chargeur utilisé le jour de l'incendie qu'il peut l'être pour charger des batteries Li Io et qu'il dispose d'une protection contre les courts-circuits, la surcharge et l'inversion de polarité.
12. Il en déduit qu'il n'est pas établi que ce chargeur était techniquement inadapté à la batterie à recharger.
13. Il retient enfin qu'à défaut de recommandation sur la surveillance du chargeur et de la pile, le fait pour M. [N] de ne pas être resté dans la pièce où ils étaient branchés ne peut être considéré comme fautif.
14. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le descriptif du chargeur et a répondu aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [I] et le condamne à payer à M. et Mme [N] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.