LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 586 F-D
Pourvoi n° R 21-21.902
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MAI 2023
Mme [U] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-21.902 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Helpline, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Helpline, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juin 2021), Mme [T] a été engagée selon contrat de qualification le 27 mars 2000, puis par contrat du 28 octobre 2000, en qualité de technicien support, par la société Helpline. Le 1er novembre 2001, elle a été promue dans l'emploi de coordinateur technique, statut cadre.
2. La salariée a été placée en congé maternité du 16 mars au 18 juillet 2012.
3. Le 22 mars 2013, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de fixer sa moyenne mensuelle annuelle de salaire à la somme de 2 596,38 euros, de la débouter de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre de l'inégalité de traitement, de limiter à certaines sommes l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents, de constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est pas aux torts de l'employeur, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, et de la débouter de ses demandes subséquentes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, alors « que la seule différence de diplôme et d'expérience acquise auprès de précédents employeurs ne permet de justifier une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique et d'une expérience antérieure atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme [T] et le salarié auquel elle se comparait, M. [X], ont été embauchés en qualité de technicien support à quelques semaines d'intervalle, puis promus au même moment le 1er novembre 2001 à l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire, et que M. [X] a bénéficié, à partir du 1er janvier 2002, de plusieurs augmentations portant sa rémunération mensuelle à la somme de 2 600 euros en 2009 quand l'exposante percevait à la même date un salaire mensuel de 2 350euros ; qu'en jugeant cette disparité salariale justifiée par l'expérience et les diplômes acquis par M. [X] antérieurement à son embauche et a fortiori au 1er novembre 2001, date de la promotion des deux salariés aux mêmes fonctions, correspondant à un salaire et une qualification identiques, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement. »
Réponse de la Cour
Vu le principe d'égalité de traitement :
5. Il résulte de ce principe que l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur ainsi que les diplômes ne peuvent justifier une différence de salaire qu'au moment de l'embauche et pour autant qu'ils sont en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées.
6. Pour dire que la salariée n'était pas fondée à invoquer une inégalité de salaire injustifiée, l'arrêt constate d'abord que les deux salariés ont été embauchés en qualité de technicien support à quelques semaines d'intervalle à des niveaux de rémunération différents puis promus au même moment dans l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire et que l'autre salarié avait vu son salaire augmenté dès le 1er janvier 2002, contrairement à la salariée.
7. Puis, l'arrêt retient que l'expérience et les diplômes nettement supérieurs de l'autre salarié en matière informatique et gestion d'un "Helpline-desk" justifient de manière pertinente l'augmentation de salaire de celui-ci le 1er janvier 2002 et les différences qui se sont ainsi répercutées par la suite entre les deux salariés.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salariés, engagés en qualité de technicien support avec une différence de rémunération, avaient été promus au même moment dans l'emploi de coordinateur technique avec la même classification et le même salaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, de constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est pas aux torts de l'employeur, de juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, et de la débouter de ses demandes subséquentes à titre d'indemnité pour licenciement nul, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, alors « qu'en se bornant ainsi à retenir que l'exposante avait été affectée le 7 septembre 2012 à une mission auprès de la Société Générale et que l'échange de courriels qu'elle verse aux débats fait seulement ressortir qu'elle refusait le poste proposé au motif qu'il n'était pas compatible avec sa demande de travailler à temps partiel à 4/5ème et d'effectuer ses heures de délégation sur ses heures de travail, sans rechercher si, dans les faits, ce poste était similaire à son précédent emploi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1225-25 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L.1225-25 du code du travail :
10. Aux termes de ce texte, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination et dire que la prise d'acte s'analyse en démission, l'arrêt retient, après avoir relevé que la salariée, occupant le poste de coordinateur technique, avait été placée en congé de maternité du 16 mars au 18 juillet 2012, puis en congés payés du 20 août au 7 septembre 2012, que l'employeur l'avait affectée le 7 septembre 2012 à une mission auprès de la Société Générale, que la salariée avait refusé le poste et que celle-ci ne démontrait toutefois en rien qu'il s'agissait d'une rétrogradation dans un simple poste d'assistance administrative.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le poste auprès de la Société Générale était similaire à son précédent emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt visées par les moyens entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant la remise d'une attestation destinée au Pôle emploi et la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées à Mme [T] en application de l'article 1343-2 du code civil, qui s'y rattachent par un lien d'indivisibilité.
14. En revanche, la cassation des chefs de dispositif visés par les moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande tendant à écarter la pièce n° 17 versée par la société Helpline, déboute Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquements à l'obligation de sécurité et de sa demande de rappel de RTT, condamne la société Helpline à payer à Mme [T] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Helpline aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Helpline et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.