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17/05/2023 | FRANCE | N°22-10277

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2023, 22-10277


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 562 F-D

Pourvoi n° A 22-10.277

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

M. [W] [R] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pou

rvoi n° A 22-10.277 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 562 F-D

Pourvoi n° A 22-10.277

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

M. [W] [R] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-10.277 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au comité social économique d'établissement industriel Air France, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits du comité d'établissement industriel Air France,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Air France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social économique d'établissement industriel Air France, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2021), M. [O] a été engagé en qualité d'agent de loisir par le comité central d'entreprise d'Air France à compter du 1er octobre 1981.

2. La société Air France (la société) a engagé M. [O] à compter du 1er janvier 1983 par un contrat prévoyant son détachement auprès de ce comité central d'entreprise.

3. Le 19 février 2009, une convention de détachement a été conclue entre le même comité central et le comité d'établissement industriel Air France aux droits duquel vient le comité social et économique d'établissement industriel Air France, prévoyant le détachement du salarié au sein de ce comité d'établissement à compter du 2 mars 2009.

4. Dans le dernier état de ses relations contractuelles avec le comité d'établissement industriel Air France, le salarié occupait le poste de directeur des services et avait un coefficient de 990.6026.

5. Au terme de son détachement auprès de ce comité d'établissement, le salarié a été réintégré au sein du comité central d'entreprise d'Air France le 11 novembre 2015.

6. Il a été réintégré au sein de la société à compter du 27 novembre 2015, en qualité de cadre N1-2 au coefficient de 558.1732.

7. Le salarié a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2016.

8. Par deux requêtes du 26 février 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes formées contre le comité d'établissement industriel Air France et la société en contestant notamment son coefficient de réintégration et son salaire et les modalités de liquidation de son compte épargne-temps.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à huitième branches, sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le troisième moyen

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième à huitième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ainsi que sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le troisième moyen qui sont irrecevables.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de fixation de son salaire mensuel brut de réintégration au montant de 6 588,07 euros correspondant au coefficient de 990.6026 points et, en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser diverses sommes à titre de complément de salaire des mois de novembre et de décembre 2015, outre les congés payés afférents, de complément de prime de fin d'année, de complément de remboursement de la journée de solidarité ainsi qu'à titre de complément d'indemnité de départ à la retraite, alors :

« 1°/ que, suivant les dispositions de l'article 5.7 de la convention d'entreprise du personnel au sol d'Air France, ''le salarié détaché est réintégré dans un emploi correspondant à son niveau de classement et au coefficient de rémunération acquis précédemment, assorti pour les personnels de la catégorie cadre niveau I position CTE de la majoration d'ancienneté'' ; que de cette disposition claire et précise, il en résulte qu'à l'issue du détachement, le salarié doit retrouver un coefficient de rémunération conforme au dernier emploi occupé dans le cadre du détachement et non à l'emploi occupé avant le détachement ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 ;

2°/ que, en application des dispositions de l'article L. 8241-2 du code du travail, les opérations de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif sont autorisées ; qu'à l'issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l'entreprise prêteuse ''sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt'' ; qu'en l'espèce, M. [O] avait démontré, sans être contesté, qu'au moment de sa réintégration au sein de la société, celle-ci avait retenu un coefficient de 558.1732 alors que son dernier salaire versé par le CEI AF, au sein duquel il avait été mis à disposition, l'avait été sur la base acquise de 990.6026, ce qui avait aboutit à une différence de rémunération de l'ordre de 43,66 % ; que pour dire que M. [O] n'était pas fondé à prétendre à un salaire de réintégration équivalent à celui dont il avait bénéficié au sein du CEI AF, la cour d'appel a considéré qu'il résultait de la convention d'entreprise du personnel au sol d'Air France et en particulier de son article 5.7 que ''le salarié détaché est réintégré dans un emploi correspondant à son niveau de classement et au coefficient de rémunération acquis précédemment assorti pour les personnels de la catégorie cadre niveau 1 position CTE de la majoration d'ancienneté'' ; qu'en faisant une telle interprétation de cette disposition et en décidant de l'appliquer, cependant qu'elle aboutissait à affecter la rémunération de M. [O] en raison de l'opération de prêt de main d'oeuvre, de sorte qu'elle était nécessairement nulle et de nul effet comme contraire aux exigences de l'article L. 8241-2 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

11. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

12. D'abord, aux termes de l'article 3.6.1 de la convention d'entreprise du personnel au sol d'Air France, intitulé « Cas du personnel détaché », le salarié détaché peut, éventuellement, faire l'objet d'une promotion :

- soit durant la période de détachement, s'il occupe un poste de niveau correspondant à la plage accessible à la promotion ; à cet effet, un examen annuel permet d'apprécier la situation des salariés détachés par comparaison à celle des salariés de la compagnie,
- soit lors de sa réintégration à la compagnie, dans la limite des postes disponibles.

13. Aux termes de l'article 5.7 de cette convention, sous réserve des dispositions précitées à l'article 3.6.1, le salarié détaché est réintégré dans un emploi correspondant à son niveau de classement et au coefficient de rémunération acquis précédemment, assorti pour les groupes A, B et C.T.E de la majoration d'ancienneté.

14. Ensuite, aux termes de l'article L. 8241-1, alinéas 1 et 3, du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite. Une opération de prêt de main-d'oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.

15. Selon l'article L. 8241-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert notamment une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse, et un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail. A l'issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l'entreprise prêteuse sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

16. Il en résulte que le détachement du salarié d'une entreprise auprès d'un organisme tiers qui, intervenant sans contrepartie financière et s'accompagnant de la conclusion d'un contrat de travail avec l'organisme d'accueil et du versement par celui-ci au salarié de sa rémunération, emporte suspension du contrat de travail d'origine, se distingue, par son objet, des opérations de prêt de main d'oeuvre au sens des articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail et ne relève pas de ces dispositions.

17. Enfin, aux termes de l'article L. 1231-5, alinéa 1er, du code du travail, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.

18. Il résulte de la lettre des articles 3.6.1 et 5.7 de la convention d'entreprise du personnel au sol d'Air France, lus en tenant compte de l'article L. 1231-5 du code du travail qui a pour objet la réintégration du salarié engagé par une société mère au terme de son détachement à l'étranger dans une société filiale, que « le coefficient de rémunération acquis précédemment » au sens de cet article 5.7 correspond au coefficient de rémunération des dernières fonctions exercées au sein de la société avant la période de détachement.

19. La cour d'appel a exactement retenu que, s'il résulte de l'article 3.6.1 de la même convention d'entreprise que le salarié en détachement peut connaître dans le cadre de son détachement des promotions, c'est sans préjudice de l'application de l'article 5.7 de cette convention qui évoque « un coefficient de rémunération acquis précédemment » sans prévoir la prise en compte de l'évolution éventuelle du salarié au cours du détachement.

20. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première et en sa deuxième branches

Enoncé du moyen

21. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société de produire les éléments permettant de vérifier les coefficients des salariés détachés désignés au moment de leur détachement et au moment de leur réintégration et, en conséquence, de le débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement non justifiée et défaut d'exécution loyale du contrat de travail, alors :

« 1°/ sur l'inégalité de traitement, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, M. [O] avait soutenu qu'il avait été victime d'une inégalité de traitement à l'égard des autres salariés qui comme lui, avaient été détachés, dès lors qu'à l'issue de leur détachement, ces derniers avaient conservé la rémunération qui était la leur au cours du détachement ; qu'à cette fin, et n'étant plus dans l'entreprise pour pouvoir disposer des éléments nécessaires, il sollicitait la production des éléments relatifs à ces salariés au moment de leur détachement et de leur réintégration ; qu'en rejetant la demande de communication de pièces formée par M. [O], sans rechercher si celle-ci n'était pas indispensable à l'exercice, par le salarié, de son droit à la preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

2°/ que, en affirmant, pour débouter M. [O] de sa demande, que les salariés visés par sa demande n'auraient pas été dans une situation similaire à la sienne, que M. [O] avait fait le choix de solliciter son départ ou encore qu'il procédait par affirmation s'agissant de ses diplômes supérieurs, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé le principe ''A travail égal, salaire égal''. »

Réponse de la Cour

22. D'abord le salarié n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que la communication sollicitée de pièces était indispensable à l'exercice de son droit à la preuve, celle-ci n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

23. Ensuite, sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui a estimé que la liste d'avancement établie en 2007, soit avant même le détachement du salarié au sein du comité d'établissement industriel Air France n'était pas pertinente en l'état, que le salarié procédait par affirmations lorsqu'il alléguait être titulaire de diplômes supérieurs et avoir été le seul à avoir été réintégré à son salaire précédant son détachement et que, dès lors, il ne lui soumettait pas d'éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement ou de salaire de réintégration.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-10277
Date de la décision : 17/05/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2023, pourvoi n°22-10277


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.10277
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