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17/05/2023 | FRANCE | N°21-25622

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2023, 21-25622


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 565 F-D

Pourvoi n° J 21-25.622

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

Mme [S] [G], domiciliée [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° J 21-25.622 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 565 F-D

Pourvoi n° J 21-25.622

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

Mme [S] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-25.622 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la Caisse nationale industries électriques gazières, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [G], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 octobre 2021) rendu sur renvoi après cassation (Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-19.224), Mme [G], née le 9 juin 1955, a été engagée le 1er décembre 1975 par l'établissement EDF devenu la société EDF. Elle a occupé divers postes, dont en dernier lieu celui de chargé de prestations immobilières, et a été investie de mandats de représentant du personnel à compter de 2007.

2. Le 12 septembre 2009, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment à titre de discrimination syndicale.

3. Le 1er juillet 2020, elle a été mise en inactivité d'office en application de l'article 4 de l'annexe du statut national du personnel des industries électriques et gazières.

3. Soutenant que sa mise en inactivité à l'âge de 65 ans constituait une discrimination indirecte en raison de l'âge, la salariée a formé devant la cour d'appel des demandes tendant à dire que sa mise en inactivité produisait les effets d'un licenciement nul, ordonner sa réintégration et condamner la société EDF au paiement d'une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts pour mise en inactivité prématurée.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à dire que sa mise en inactivité à l'initiative de l'employeur produisait les effets d'un licenciement nul, à ordonner sa réintégration et à condamner la société EDF au paiement d'une indemnité d'éviction ainsi que des dommages-intérêts pour sa mise en inactivité prématurée, alors « que selon l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les Etats membres ne peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination qu'à la condition qu'elles soient objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires ; que, pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d'appel a retenu que ''la décision de mise en inactivité à l'initiative de l'employeur a été prise en application du décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 modifiant le statut précité dont la disposition relative à la mise à la retraite des salariés soumis au statut a été examinée par le Conseil d'Etat qui en a vérifié la conformité en particulier à l'article 6 de la directive 2178/CE du 27 novembre 2000 précitée et a décidé qu'elle ne méconnaissait pas les objectifs de ladite directive'' et que, ''si le Conseil d'Etat a considéré que la fixation d'un âge auquel un agent est mis en inactivité à l'initiative de son employeur constitue une différence de traitement en fonction de l'âge, il a toutefois également estimé, qu'en déterminant un âge auquel le personnel d'un statut réglementaire bénéficiant de régimes spéciaux de retraite peut être mis en inactivité à l'initiative de son employeur et en relevant progressivement cet âge de 65 à 67 ans, le pouvoir réglementaire avait mis en oeuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit pour le plus grand nombre, ajoutant qu'un tel objectif, qui répondait notamment aux exigences de la politique de l'emploi et du marché du travail et à la nécessité, dans le cadre de la garantie offerte par le statut de permettre une meilleure distribution des emplois concernés entre les générations, est légitime et justifie objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l'âge telle que celle prévue par le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011'', étant précisé qu' ''il a considéré que la disposition critiquée revêtait un caractère approprié et nécessaire'' ; qu'elle en a déduit que ''la seule mise en inactivité de Mme [G] à l'initiative de l'employeur en raison de l'âge limite de 65 ans atteint par celle-ci, décidée en application de l'article 4 du statut modifié par le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 jugé conforme à l'article 6 de la directive 2178/CE du 27 novembre 2000, ne constitue pas un fait laissant supposer une discrimination et obligeant l'employeur à justifier que cette mise en inactivité décidée à l'égard de la salariée qui en remplissait les conditions légales répondait aux objectifs poursuivis'' ; qu'en statuant ainsi par des motifs généraux et abstraits relatifs aux exigences de la politique de l'emploi et du marché du travail et à la nécessité, dans le cadre de la garantie offerte par le statut de permettre une meilleure distribution des emplois concernés entre les générations, sans constater que, pour la catégorie d'emploi de la salariée, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, la cour d'appel - qui n'a pas relevé l'existence d'éléments précis et concrets permettant de connaître l'évolution démographique du personnel par classes d'âge et de mesurer l'impact des mises en inactivité sur d'éventuels nouveaux recrutements - a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail et l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020, et L. 1133-1 du code du travail et l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail :

6. Selon l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, nonobstant l'article 2, § 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

7. Pour débouter la salariée de sa demande tendant à dire que sa mise en inactivité à l'initiative de l'employeur produisait les effets d'un licenciement nul et de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient que la salariée relevait du statut national du personnel de la production, du transport et de la distribution du gaz et de l'électricité modifié par le décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 et ses dispositions transitoires, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre à l'application des dispositions de droit commun, que cependant la décision de mise en inactivité à l'initiative de l'employeur a été prise en application du décret du 18 mars 2011 modifiant le statut précité, dont la disposition relative à la mise à la retraite des salariés soumis au statut a été examinée par le Conseil d'Etat qui en a vérifié la conformité, en particulier à l'article 6 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 et a décidé, par arrêt du 13 mars 2013, qu'elle ne méconnaissait pas les objectifs de ladite directive. L'arrêt en déduit que la seule mise en inactivité de la salariée à l'initiative de l'employeur en raison de l'âge limite de 65 ans atteint par celle-ci, décidée en application de l'article 4 du statut modifié par le décret du 18 mars 2011, jugé par le Conseil d'Etat conforme à l'article 6 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, ne constitue pas un fait laissant supposer une discrimination et obligeant l'employeur à justifier que cette mise en inactivité décidée à l'égard de la salariée, qui en remplissait les conditions légales, répondait aux objectifs poursuivis.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs généraux, sans rechercher si, pour la catégorie d'emploi de la salariée, la différence de traitement fondée sur l'âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime, notamment par des objectifs d'emploi des jeunes et de promotion d'accès à l'emploi avec une meilleure distribution de celui-ci entre les générations, et si la mise en inactivité d'office de la salariée était un moyen approprié et nécessaire de réaliser cet objectif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de ses demandes tendant à dire que sa mise en inactivité à l'initiative de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul, à ordonner sa réintégration et à condamner la société EDF au paiement d'une indemnité d'éviction et des dommages-intérêts pour mise en inactivité prématurée, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société EDF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société EDF et la condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-25622
Date de la décision : 17/05/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 21 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2023, pourvoi n°21-25622


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.25622
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