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17/05/2023 | FRANCE | N°21-22835

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2023, 21-22835


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 558 F-D

Pourvoi n° E 21-22.835

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

Mme [T] [V], domiciliée [Adresse 2], a

formé le pourvoi n° E 21-22.835 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 558 F-D

Pourvoi n° E 21-22.835

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

Mme [T] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-22.835 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Kalitepouviv, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [V], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'association Kalitepouviv, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Basse-Terre, 21 octobre 2019), Mme [V] a été engagée en qualité d'orthoptiste le 5 septembre 2006 par l'association Kalitepouviv, initialement dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel, puis par avenant du 4 mai 2009, à durée indéterminée à temps complet.

2. Elle a été élue déléguée du personnel courant janvier 2014.

3. Après autorisation de l'inspecteur du travail, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 février 2015.

4. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 22 février 2016 de diverses demandes à titre notamment de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de dommages-intérêts pour préjudice financier et de rappel de salaire pour la période du 18 décembre 2014 au 6 février 2015.

Sur le deuxième moyen et le quatrième moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, alors :

« 3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si une présomption de harcèlement moral résultait de ce que l'employeur avait remis tardivement à la salariée, qui se trouvait en arrêt maladie, une attestation lui permettant de percevoir des indemnités journalières de la caisse générale de sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1152-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du code du travail ;

4°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si une présomption de harcèlement moral résultait de ce que tandis qu'elle se trouvait en arrêt longue maladie, l'employeur avait intimé à la salariée l'ordre de réintégrer son poste à défaut de quoi son contrat de travail serait rompu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

8. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

9. Pour rejeter la demande formée au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient, après avoir examiné les éléments relatifs aux irrégularités du contrat de travail et la multiplication des avenants, à une surcharge de travail, à la fourniture d'un ordinateur défectueux, à des accusations injustifiées de falsification, à des violences verbales, à la lecture publique d'une lettre relative à la santé et aux conditions de travail de la salariée, à l'annulation de rendez-vous qu'elle avait programmés, au placement de caméras de surveillance devant son bureau et au refus de fournir des éléments d'information en sa qualité de déléguée du personnel, que l'ensemble de ces faits ne sont pas de nature à faire présumer des faits de harcèlement moral.

10. En se déterminant ainsi, alors que la salariée invoquait également la remise tardive d'une attestation nécessaire à la perception des indemnités journalières de la sécurité sociale par l'employeur et le fait que ce dernier lui avait demandé, durant son arrêt de travail pour longue maladie, de réintégrer son poste à défaut de quoi son contrat de travail serait rompu, la cour d'appel, qui n'a pas examiné l'ensemble des faits invoqués par la salariée, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaire pour licenciement tardif, alors « que lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ; qu'aucune réduction ne peut être opérée sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié, peu important que ce dernier ait perçu des prestations de sécurité sociale ou de prévoyance ; qu'en déboutant néanmoins la salariée de sa demande de rappel de salaires sur la période du 18 décembre 2014 au 6 février 2015, soit de la date d'expiration du délai d'un mois à compter de sa seconde visite d'inaptitude jusqu'à la date de son licenciement, motif pris qu'elle avait perçu des indemnités journalières de la caisse générale de sécurité sociale de Guadeloupe, bien que le versement de ces indemnités journalières n'ait pas dispensé l'employeur de lui verser l'intégralité de son salaire jusqu'à la notification de son licenciement, sur lequel aucune déduction ne pouvait être opérée, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-4 du Code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-4, alinéas 1 et 2, du code du travail :

12. Aux termes de ce texte, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

13. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire pour la période du 18 décembre 2014 au 6 février 2015, la cour d'appel, par motifs adoptés, retient qu'elle a perçu des indemnités journalières à cette période et qu'un avis favorable à un arrêt de travail de longue durée lui a été notifié à compter du 11 mars 2014 jusqu'au 10 mars 2017.

14. En statuant ainsi, alors que l'employeur devait verser à la salariée le salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail, sans pouvoir déduire les prestations de sécurité sociale et de prévoyance qui lui avaient été versées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée de la cassation

15. La cassation à intervenir sur le premier moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'au titre de dommages-intérêts pour préjudice financier.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [V] de sa demande en paiement au titre de la prévoyance AG2R et l'association Kalitepouviv de sa demande en paiement à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 21 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne l'association Kalitepouviv aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Kalitepouviv et la condamne à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-22835
Date de la décision : 17/05/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 21 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 mai. 2023, pourvoi n°21-22835


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.22835
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