LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Rejet
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 471 F-D
Pourvoi n° R 21-20.706
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
M. [V] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-20.706 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Adi-Gardiner, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Adi-Gardiner, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), M. [S] a relevé appel le 12 novembre 2018 d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Adi-Gardiner.
2. La société Adi-Gardiner a soulevé l'absence d'effet dévolutif, faute pour l'appelant de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs critiqués du jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [S] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif, alors « qu'en déniant à l'appel un effet dévolutif, à défaut de mention des chefs de jugement critiqués, pour la première fois, par un arrêt publié du 30 janvier 2020 (pourvoi n° 18-22.528), après avoir jugé par trois avis du 20 décembre 2017, qu'une déclaration incomplète est seulement entachée d'un simple vice de forme ne privant pas l'appel de son effet dévolutif, la Cour de cassation a posé une sanction nouvelle qui n'est applicable qu'aux instances d'appel introduites postérieurement à la date de l'arrêt, afin de ne pas priver rétroactivement les appelants de leur droit à un procès équitable ; qu'en opposant à M. [S], pour refuser de moduler dans le temps les effets de l'arrêt du 30 janvier 2020 précité, qu'il n'avait pas un droit acquis à une jurisprudence figée, que le nouvel article 562 du code de procédure civile ne porte pas atteinte à la substance du droit d'accès au juge, qu'il doit subir les conséquences d'un revirement de jurisprudence, dès lors qu'il a donné lieu à une motivation renforcée et satisfait ainsi à l'impératif de prévisibilité, et que la prise en considération de la norme nouvelle participe de l'effectivité de l'accès au juge et assure une égalité de traitement entre les justiciables, quand l'application immédiate à l'instance en cours de l'arrêt du 30 janvier 2020 a privé rétroactivement M. [S] de son accès au juge d'appel qui lui demeurait ouvert sous l'empire des trois avis du 20 décembre 2017, au jour où il a régularisé une déclaration d'appel le 12 novembre 2018, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
4. La sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée de l'accès au juge.
5. Ayant à bon droit retenu qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile modifié, l'appel ne déférait à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critiquait expressément et de ceux qui en dépendaient, seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement, que ces règles ne portaient pas atteinte en elles mêmes au droit d'accès au juge d'appel et que la prise en considération de la norme nouvelle ou modifiée participait de l'effectivité de l'accès au juge et assurait une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente en permettant à une partie à un litige qui n'avait pas été tranché par une décision irrévocable de bénéficier de ce changement, la cour d'appel, qui a justement énoncé qu'il n'était pas porté atteinte à la substance du droit d'accès au juge d'appel, en a exactement déduit, après avoir constaté que, dans cette procédure d'appel avec représentation obligatoire, la déclaration d'appel, laquelle se bornait à mentionner que l'objet de l'appel était total, ne pouvait être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement, que l'effet dévolutif n'avait pas opéré.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à la société Adi-Gardiner la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.