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11/05/2023 | FRANCE | N°22-12129

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 2023, 22-12129


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mai 2023

Cassation sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 504 F-D

Pourvoi n° P 22-12.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2023

La société BNP Paribas, société

anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-12.129 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mai 2023

Cassation sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 504 F-D

Pourvoi n° P 22-12.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MAI 2023

La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-12.129 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BNP Paribas, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z], les plaidoiries de Me Gatineau et celles de Me Lyon-Caen, ainsi que l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2021), statuant en référé, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 27 mai 2020, pourvoi n° 18-21.425), M. [Z] a été engagé à compter du 15 juillet 1997 par la société Paribas, devenue BNP Paribas (la société), en qualité de juriste, puis a exercé les fonctions de responsable juridique auprès de la division des financements structurés, activités qui ont fait l'objet d'une enquête de la part des autorités américaines concernant des transactions susceptibles d'être en infraction avec la législation des Etats-Unis sur les embargos financiers, à l'issue de laquelle un accord est intervenu le 30 juin 2014 entre les autorités américaines et la société. La société lui reprochant une attitude d'opposition à l'égard de sa hiérarchie ainsi que son refus de repositionnement, a notifié à M. [Z] son licenciement pour cause réelle et sérieuse le 26 juin 2014. Les parties ont conclu un accord transactionnel en juillet 2014.

2. En 2017, la Réserve Fédérale, banque centrale des États-Unis, a décidé de mettre en oeuvre une enquête en vue d'une éventuelle action personnelle contre M. [Z]. L'intéressé a sollicité devant la formation de référé du conseil de prud'hommes la prise en charge des frais d'avocat qu'il a dû engager aux Etats-Unis pour sa défense à l'occasion des poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines.

Examen du moyen

Sur le moyen unique

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande du salarié tendant à la prise en charge par la société de ses frais et honoraires de justice en lien avec les poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines à raison des actes ou faits accomplis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail au service de la banque, alors « que les transactions règlent les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'aux termes de la transaction M. [Z] se déclarait ''entièrement rempli de ses droits actuels et futurs du fait tant de l'exécution que de la cessation de son contrat de travail à quelque titre et pour quelque cause que ce soit'' et qu'il renonçait ''à intenter et/ou maintenir, directement ou indirectement, toutes instances, réclamations ou demandes quelconques devant toute juridiction notamment administrative, prud'homale, pénale, civile ou autre autorité professionnelle, en France comme à l'étranger, à l'encontre de la société BNP Paribas'' ''qui découleraient de l'exécution et ou de la cessation de ses fonctions au sein de la société'' ; que la cour d'appel a relevé que la prise en charge des frais de défense que M. [Z] réclamait à son ancien employeur s'inscrivait dans le cadre d'un contentieux initié par les autorités américaines lié à l'exercice de ses fonctions au sein de la BNP Paribas entre 2004 et 2013 lorsqu'il était chargé de la coordination de la défense de la banque dans les enquêtes pénales, administratives et parlementaires dont elle faisait l'objet aux Etats-Unis en raison de malversations découvertes dans le programme onusien ''Pétrole contre nourriture'' ; qu'en jugeant que la transaction n'emportait pas renonciation de M. [Z] à pouvoir bénéficier de l'indemnisation des frais qu'il devrait exposer dans le cadre des poursuites exercées par les autorités américaines à son encontre, aux motifs inopérants qu'il n'existait aucun lien entre son licenciement à l'occasion duquel la transaction avait été conclue et les faits que le salarié aurait pu commettre qui faisaient l'objet de l'enquête des autorités américaines, la cour d'appel a violé les articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et 2048 et 2049 du même code :

4. Il résulte de ces textes que les obligations réciproques des parties au titre des frais de justice sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relative à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail.

5. Pour déclarer recevable la demande du salarié tendant à la prise en charge par l'employeur de ses frais et honoraires de justice en lien avec les poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines, l'arrêt retient qu'il résulte directement de la lettre de licenciement que celui-ci est intervenu pour des raisons qui sont sans relation aucune avec un éventuel comportement fautif du salarié dans le cadre des missions qu'il exerçait pour la période concernée par les poursuites engagées par les autorités américaines et qu'il n'existe aucun lien apparent entre les causes du licenciement et les faits susceptibles d'être reprochés au salarié par les autorités américaines. Il en déduit que la transaction doit être considérée comme reflétant la commune intention des parties d'apporter une solution amiable à un litige, susceptible d'entraîner un licenciement, que rien ne relie aux éventuelles actions, omissions voire fautes que le salarié aurait commis en relation avec les faits objets de l'enquête des autorités américaines. Il ajoute que la formule, claire mais générale, par laquelle le salarié, dont la cour a bien noté le niveau particulièrement élevé de maîtrise des questions juridiques et financières, s'est désisté de « tous droits, instances et actions, et a renoncé à intenter et/ou maintenir, directement ou indirectement, toutes instances, réclamations ou demandes quelconques devant toute juridiction notamment administrative, prud'homale, pénale, civile ou autre autorité professionnelle, en France comme à l'étranger, à l'encontre de la société et de toute société du groupe auquel il appartient comme de l'un quelconque de ses dirigeants, actuels ou anciens, ou de ses salariés et anciens salariés, qui découleraient de l'exécution ou de la cessation de ses fonctions au sein de la société », ne saurait dès lors être interprétée en aucune manière comme la renonciation du salarié à pouvoir bénéficier de l'indemnisation des frais qu'il devrait exposer dans le cadre de poursuites exercées par les autorités américaines pour des faits antérieurs à l'objet même de la transaction.

6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors, d'une part, qu'aux termes de la transaction le salarié se déclarait entièrement rempli de ses droits actuels et futurs du fait tant de l'exécution que de la cessation de son contrat de travail à quelque titre et pour quelque cause que ce soit et, d'autre part, que l'intéressé sollicitait la prise en charge de ses frais et honoraires de justice en lien avec les poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines à raison des actes ou faits accomplis dans le cadre de son contrat de travail au service de la société, ce dont il se déduisait qu'il s'agissait d'un contentieux né à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il convient de déclarer irrecevable la demande de M. [Z].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la demande de M. [Z] ;

Condamne M. [Z] aux dépens exposés tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et le condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-12129
Date de la décision : 11/05/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mai. 2023, pourvoi n°22-12129


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.12129
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