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10/05/2023 | FRANCE | N°21-17798

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2023, 21-17798


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mai 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 515 F-D

Pourvoi n° E 21-17.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MAI 2023

M. [P] [H] [B], domicilié [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° E 21-17.798 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 mai 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 515 F-D

Pourvoi n° E 21-17.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MAI 2023

M. [P] [H] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-17.798 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sedifrais Montsoult Logistic, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au syndicat Union locale CGT de l'Est du Val-d'Oise, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sedifrais Montsoult Logistic, et après débats en l'audience publique du 29 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2021), statuant sur renvoi après cassation (Soc. 23 octobre 2019, pourvoi n° 18-14.149), M. [B] a été engagé en qualité de manutentionnaire le 1er juillet 1992 par la société Distri 2000, aux droits de laquelle se trouve la société Sedifrais Montsoult Logistic.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui verser certaines sommes au titre d'un rappel de prime de productivité de novembre 2009 à mars 2013 et des congés payés afférents, alors « que lorsque le calcul de la rémunération d'un salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire devant les juges, en cas de contestation du salarié, en vue d'une discussion contradictoire ; qu'après avoir écarté le rapport d'expertise amiable commandée par l'employeur sauf en ses constatations d'ordre général, la cour d'appel de renvoi a, écartant les quatre premiers décomptes produits par le salarié, retenu qu'il y avait lieu de faire droit à la demande du salarié sur la base de calcul proposée subsidiairement par le salarié correspondant à celle proposée subsidiairement par l'employeur de 252,48 euros ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait produit aucun élément vérifiable pour apprécier les méthodes et les calculs retenus pour la détermination et l'attribution de la prime de productivité, la cour d'appel de renvoi a violé l'article 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 févier 2016 et l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

4. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

5. Il en résulte que lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

6. Pour limiter à une certaine somme le montant de la condamnation de l'employeur au titre du rappel de prime de productivité, l'arrêt constate, d'abord, qu'il n'est pas établi que le document ni paraphé ni signé présenté par l'employeur comme étant la seconde page du protocole d'accord du 17 septembre 1998 fasse partie de ce document, et écarte en conséquence le rapport de la consultation amiable commandée par l'employeur, sauf en ses constatations d'ordre général.

7. L'arrêt retient, ensuite, d'une part, que les seuls éléments de fixation de la prime de productivité certains sont la grille de l'accord du 17 septembre 1998, l'augmentation de 40 % de cette grille à partir de l'intervalle 1300 à 1324 colis par heure figurant dans l'accord du 22 novembre 2002 et l'accord NAO de 2013 qui remplace à partir du 1er avril 2013 la prime de productivité « réception » par la prime de productivité « hors préparation », et, d'autre part, qu'il résulte des constats d'ordre général du rapport de consultation amiable que la période litigieuse (2007-2013) est caractérisée par la baisse du nombre de colis commandés, par le renforcement des équipes et par le caractère contrasté de l'activité. Il en conclut que ces évolutions affectent à l'évidence la prime de productivité à laquelle le salarié est en droit de prétendre.

8. Il rappelle encore les différents décomptes proposés par le salarié selon les nombres de colis/heure retenus, et décide que sa demande doit être accueillie, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, sur la base proposée à titre subsidiaire par l'employeur d'une prime de productivité mensuelle de 252,48 euros.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait produit aucun élément comptable permettant d'apprécier les modes de calcul et les montants retenus par lui pour la détermination et l'attribution de la prime variable litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait à l'arrêt le même grief, alors « que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux, et ne peuvent modifier l'objet du litige dont ils sont saisis ; qu'il ressort de la lecture du dispositif des conclusions d'appel des salariés qu'ils sollicitaient le paiement d'un rappel de prime de productivité arrêtée à la date du 31 mai 2018 ; qu'en refusant de faire droit à la demande des salariés en paiement d'une prime de productivité postérieurement au 1er avril 2013 au motif qu'elle n'avait été saisie que d'une demande en paiement d'un rappel de "prime de productivité", qui avait été expressément supprimée par l'accord collectif NAO du 10 avril 2013 quand la demande des salariés visait le paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime de productivité dont l'accord NAO du 10 avril 2013 avait simplement modifié la dénomination et dont il était constant qu'il n'en avait pas modifié la nature puisque les salariés bénéficiaient encore à l'échéance de cet accord du versement d'une prime de productivité qui était calculée selon les modalités de calcul de l'accord de 2002, la cour d'appel de renvoi a modifié l'objet du litige en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. Pour limiter à une certaine somme le montant des condamnations de l'employeur au titre du rappel de prime de productivité, l'arrêt retient que la cour n'est saisie par le salarié que d'une demande en paiement d'un rappel de « prime de productivité », laquelle a été expressément supprimée par l'accord collectif NAO du 10 avril 2013, peu important que les modalités de calcul de la nouvelle prime instituée renvoient également à l'accord de 2002. Il conclut que la réclamation ne saurait prospérer au-delà du 1er avril 2013.

13. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié soutenait que l'accord NAO de 2013 se bornait à prévoir pour le personnel du service de réception qu'à compter du 1er avril 2013, les salariés bénéficiaires de la prime de productivité dite « réception » instaurée par l'accord collectif signé le 17 septembre 1998, bénéficieraient de la prime de productivité dite « hors préparation » selon les dispositions de l'accord collectif en date du 27 novembre 2002, que si l'intitulé de la prime avait changé, son calcul restait identique aux dispositions antérieures qui n'avaient pas été remises en cause et que sa demande portait aussi sur la prime de productivité qui lui était due à compter du 1er avril 2013, la cour d'appel, qui, en ne statuant pas sur l'intégralité des prétentions du salarié, a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation prononcée ne permet pas d'atteindre les dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier et condamnant l'employeur à payer à l'intéressé une certaine somme à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice moral et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, dispositions justifiées par des motifs non remis en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [B] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier et condamne la société Sedifrais Montsoult Logistic à payer à l'intéressé la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Sedifrais Montsoult Logistic aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sedifrais Montsoult Logistic et la condamne à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-17798
Date de la décision : 10/05/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2023, pourvoi n°21-17798


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.17798
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